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Ronsard: « Doux desdains, douce amour d'artifice cachée… »

Publié le 17/01/2022

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Ronsard « Doux desdains, douce amour d'artifice cachée… » "Doux desdains, douce amour d'artifice cachée, Doux courroux enfantin, qui ne garde son coeur, Doux d'endurer passer un long temps en longueur, Sans me voir, sans m'escrire, et faire la faschee : Douce amitié souvent perdue et recherchée, Doux de tenir d'entrée une douce rigueur, Et sans me saluer, me tuer de langueur, Et feindre qu'autre part on est bien empeschee : Doux entre le despit et entre l'amitié, Dissimulant beaucoup, ne parler qu'à moitié. Mais m'appeler volage et prompt de fantasie, Craindre ma conscience, et douter de ma foy, M'est un reproche amer, qu'à grand tort je reçoy : Car douter de ma foy c'est crime d'hérésie."   « Le grand mérite des poètes de la Pléiade est celui de ramener le genre à sa pureté lyrique et à son sérieux spirituel » : c'est en ces termes que L.Zilli fait l'éloge du sonnet tel qu'il a été renouvelé par les poètes de la Péliade, dont Ronsard. En effet, ce dernier s'est emparé d'un genre illustre au XVe siècle par Pétrarque, genre traditionnellement dévoué au thème de l'amour. Mais si le sonnet a eu tendance à devenir une forme artificielle, et peut-être creuse, en ceci qu'elle enfermait systématiquement le requit d'une passion deceptive dans la structure figée d'un quatrain et d'un sizain, Ronsard a quant a lui renouvelé le genre par son exigence formelle, d'une part, mais aussi sa richesse d'invention. Car si ce sonnet n'est pas sans présenter une variation sur un thème pour le moins traditionnel de la poésie occidentale, et, nous l'avons vu, du genre du sonnet lui-même, il n'en reste pas moins qu'il s'illustre par sa richesse d'invention autant que par son extrême rigueur dans l'emploi d'une forme a ce point codifiée qu'elle a quelque chose de sphérique. La question au centre de notre travail sera donc de déterminera comment Ronsard dépeinte une passion amoureuse paradoxale dans un cadre formel extrêmement rigoureux ? Si dans un premier temps nous pouvons étudier la forme du poème, en montrant qu'il s'agit d'un sonnet parfaitement régulier obéissante a toutes les contraintes du genre, nous verrons ensuite que ce poème exprime une passion paradoxale pour une femme aimée, avant de voir dans quelle mesure l'épreuve amoureuse conduit a une sacralisation de l'objet de la flamme du poète.
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« flamme, le premier voulant convaincre le second de la vérité de ses sentiments alors que la femme aimée joue un jeucruel avec son amant.

Nous pouvons retrouver dans ce texte la tradition de l'amour courtois où la femme aiméeimpose des tourments à celui qui prétend la séduire, comme nous le voyons notamment dans Le chevalier à lacharrette de Chrétien de Troyes.

A la lumière de ceci, nous pouvons lire ce texte soit comme un exercice de style,ou un énonciateur topique prend la parole pour convaincre une femme de la vérité de son amour et se plaindre deses rigueurs, quand bien même il pourrait s'agir d'une tentative véridique, dans une situation empirique bien réelle,pour séduire une femme et la convaincre de la sincérité des sentiments dont elle fait l'objet.

II.

Une déclaration d'amour paradoxale La présence surabondante du poète… Mais ce qui peut néanmoins nous frapper dans ce poème, qui traite au demeurant un thème pour le moins classique,c'est ce qu'il a de volontairement paradoxal.

Nous pouvons en effet constater que Ronsard ne procède pas à unelouange ou a un blason de celle qu'il aime, admirant ses charmes et faisant de ses compliments le moyen de lacharmer.

Au contraire, Ronsard insiste plutôt sur son propre mérite pour conquérir celle qu'il aime : nous pouvonsnoter à ce titre une présence surabondante du poète lui-même, dont le nom est cite dans le texte au contraire decelui de celle qu'il prétend séduire.

Le second quatrain est révélateur à ce titre : Douce amitié souvent perdue et recherchée,Doux de tenir d'entrée une douce rigueur,Et sans me saluer, me tuer de langueur,Et feindre qu'autre part on est bien empêchée : La présence du « moi » de l'énonciateur poétique est constante dans le texte, de sorte que nous pouvons trouverparadoxale une déclaration d'amour qui ne procède que par allusions constantes à celui qui aime, parfois davantagequ'a celle qui est aimée.

Une jouissance paradoxale dans le sentiment de la souffrance Par ailleurs, nous pouvons voir que Ronsard dans ce texte développe un thème qui contribue au caractère paradoxalde son œuvre : celui de la jouissance dans la douleur.

Ce thèmes est pressent dès l'ouverture du texte, avec lequatrain suivant : "Doux desdains, douce amour d'artifice cachée,Doux courroux enfantin, qui ne garde son cœur,Doux d'endurer passer un long temps en longueur,Sans me voir, sans m'escrire, et faire la faschee :En effet, nous pouvons voir que de manière volontairement paradoxale, le poète qualifie de « doux » ce qui parnature est bien éloigné de l'être, tels que les « desdains », les « courroux » sinon le fait « d'endurer » une longuepériode en l'absence de la femme aimée.

Nous pouvons interpréter le développement de ce paradoxe comme unélément de la stratégie de séduction développée par le poète : ce dernier fait preuve de sa plus entière soumissionen montrant que même les rigueurs de celle qu'il aime sont pour lui un motif de délice et de jouissance.

III.

Une stratégie poétique destinée à séduire la femme aimée a.

Variation sur un thème ou expression sincère ? A ce stade de notre commentaire, nous nous demanderons si nous avons affaire a une variation sur le thème del'amour désenchante ou sur l'expression sincère d'une passion amoureuse.

En effet, nous pouvons fort bien lire cetexte comme une œuvre qui pourrait a la rigueur servir de modèle pour une correspondance épistolaire, ou unénonciateur empirique s'emparerait des phrases et des idées de l'énonciateur poétique pour convaincre une femmequ'il est digne d'en être aime.

Ou plus naïvement, nous pouvons lire ce texte comme l'expression sincère d'unsentiment amoureux pour une femme qui fait mine de ne pas l'accepter, cultivant un jeu de dédains et de mépris etde calcule comme nous pouvons le voir dans ce vers : Sans me voir, sans m'écrire, et faire la faschee : Nul besoin de trancher entre ces deux possibilités de lecture : elles sont toutes deux compossibles, et ont ceci decommun qu'elles s'inscrivent toutes deux dans une interprétation générale du texte comme stratégie amoureusepour séduire une femme bien aimée. b.

La sacralisation de la femme aimée comme apogée du texte Il faut bien voir que cette stratégie culmine dans le dernier tercet qui procède à une véritable sacralisation de la. »

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