ROUSSEL (Raymond)

ROUSSEL (Raymond), écrivain français (Paris 1877-Palerme 1933). Fils d'un agent de change, il appartient à la grande bourgeoisie de la Belle Époque dont il partage la vie mondaine dans les lieux à la mode, Biarritz ou Nice par exemple. Cette société qui érige l'« excentrique » en type social lui fournira à la fois des modèles de personnages et des canevas de scènes romanesques ou théâtrales ; il lui empruntera en outre un certain mode de vie insolite qui défraiera la chronique (ainsi, le spectacle du monde lui semblant négligeable, il voyageait stores baissés dans sa somptueuse roulotte). Personnage complexe (assez déséquilibré pour recevoir les soins d'un psychiatre : il fut le « cas Martial » de P. Janet dans De l'angoisse à l'extase}, Roussel, en dépit d'une affectation de dandysme outrancier, mena une vie quasi monastique, vouée à l'étude et à la création littéraire dont il se déclare persuadé que la trop vive lumière bouleverserait l'Uni-vers. Élève du Conservatoire, il se destina sans succès à une carrière de pianiste et de compositeur. Cet échec détermina une grave crise psychologique. Mais une « illumination » le conforta dans la conviction de son génie lors de la rédaction de sa première œuvre la Doublure, roman en vers, précédé d'un poème en vers, « Mon âme », écrit à dix-sept ans. Se succèdent alors Chiquenaude (1900), le Concert, la Source (1902), la Vue (1904). « Puis ce fut de nouveau la prospection », confie Roussel. Enfantement douloureux qui donna le jour à une méthode d’écriture originale, le fameux « procédé », exposé dans son livre posthume Comment j'ai écrit certains de mes livres : « Je choisissais deux mots presque semblables... Par exemple billard et pillard. Puis j'ajoutais des mots pareils, mais pris dans deux sens différents, et j'obtenais ainsi deux phrases presque identiques... 1) Les lettres du blanc (craie) sur les bandes (bordures) du vieux billard. 2) Les lettres du blanc (homme) sur les bandes (hordes) du vieux pillard. » Entre les deux phrases s'inscrit une histoire entièrement générée par les mots, procédé insolite hautement apprécié des surréalistes (Roussel fut pour eux « le plus grand magnétiseur des temps modernes »), des structuralistes (qui