SAADI
Publié le 27/06/2012
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Cette perfection morale n'est donc accessible qu'avec l'aide de Dieu : c'est-à-dire que la morale de Saadi conduit directement au mysticisme. Sur ce point encore, il garde la mesure : s'il exhorte à vivre en Dieu, il n'accepte pas que l'homme s'anéantisse en son Créateur; il rejette l'ascétisme et ne voit en la mystique qu'un puissant et sincère moyen de perfectionnement. La piété doit se manifester surtout par des actes; et l'anecdote suivante, empruntée au Golestân, précise la pensée de Saadi : « Un honnête homme quitta le couvent pour le collège, et rompit avec les mystiques. Je lui demandai pourquoi il préférait le savant au cénobite. Il répondit : Le mystique ne fait que sauver des flots son propre tapis de prière; mais le savant s'efforce de sauver celui qui se noie. «
«
d'inspiration Hâfiz ait plus tard égalé -sinon surpassé -Saadi, les meilleurs juges parmi ses
compatriotes n'hésitèrent point à reconnaître sa maîtrise.
C'est depuis Saadi que le ghazal, ayant
réalisé sa forme parfaite, élimina peu à peu l'ode solennelle (qâcida).
Le style de Saadi doit son harmonie et son élégance incomparables au sentiment de la mesure
dont il semble avoir fait sa règle.
On peut résumer sa vie et son génie par la devise :«ln medio
virtus.
» Alors que d'autres écrivains (par exemple le poète Hrâqâni et l'historien Wassâf) se
plaisaient au vocabulaire surchargé de mots arabes, turcs ou très rares, aux phrases interminables
et touffues, Saadi revient au style net et limpide, se réduisant aux mots arabes qui n'ont pas
leur équivalent persan.
Ce style séduisant et souple ne se ressent nullement de l'érudition livresque de Saadi.
Cette
érudition, révélée
par les multiples anecdotes et allusions dont on ignore trop souvent la source,
n'a diminué ni l'inspiration poétique de Saadi ni son aptitude à observer ce monde.
D'autre part,
la souplesse de son style permet à Saadi de traduire expressivement ses sentiments et ses réflexions,
et de figurer au premier rang des conteurs d'anecdotes.
S'il ne se refuse point à plaisanter, s'il
est
doué d'un vif sentiment de la nature qui soulève son enthousiasme, cependant sur son âme
demeure l'ombre d'une mélancolie causée par la fuite inexorable des heures, par le spectacle
des souffrances humaines.
Car il a longuement réfléchi sur la condition de l'homme; et l'on trouve,
éparses
en son œuvre, maintes considérations relatives aux rapports de l'homme avec son pro
chain,
aux qualités de l'honnête homme, aux vertus de celui qui se voue à Dieu.
Il prêche avant tout la modération qui, appliquée aux désirs, crée l'indépendance.
Il attache
grande importance à l'éducation qu'il fonde sur la douceur et l'indulgence, mais seulement à
l'égard de ceux qui les méritent, car «faire du bien aux méchants, c'est le même que faire du mal
aux bons ».
En politique, il veut un roi dont les devoirs envers ses sujets, l'Etat et ses ennemis,
le
Créateur sont nombreux et divers : de tous ses conseils se dégage un petit manuel dont l'idée
maîtresse est le
maintien de l'ordre dans les affaires humaines.
D'une autre série de textes on tire une morale des honnêtes gens, semblable à celle d'Horace.
C'est ainsi que, plus que tout autre poète de l'Islam, il s'apparente à nos moralistes - d'où
son succès en Occident.
Parmi les qualités de l'homme, Saadi estime surtout le courage moral
et la bonté - non seulement cette bonté qui se formule en cette sentence évangélique : « Le
mal que tu n'approuves point pour toi-même, ne le fais à personne», mais encore cette bonté
suprême qui s'applique à soulager toutes les misères sous l'influence d'un rayonnement que Dieu
met en l'âme de l'homme.
Cette perfection morale n'est donc accessible qu'avec l'aide de Dieu : c'est-à-dire que la
morale de Saadi conduit directement au mysticisme.
Sur ce point encore, il garde la mesure :
s'il exhorte
à vivre en Dieu, il n'accepte pas que l'homme s'anéantisse en son Créateur; il rejette
l'ascétisme
et ne voit en la mystique qu'un puissant et sincère moyen de perfectionnement.
La
piété doit se manifester surtout par des actes; et l'anecdote suivante, empruntée au Golestân,
précise la pensée de Saadi : « Un honnête homme quitta le couvent pour le collège, et rompit
avec les mystiques.
Je lui demandai pourquoi il préférait le savant au cénobite.
Il répondit :
Le mystique ne fait que sauver des flots son propre tapis de prière; mais le savant s'efforce de
sauver celui qui se noie.
»
Saadi doit surtout au Golestân sa célébrité.
Ce petit livre, en prose mêlée de vers, traduit
en tant ::I.e langues, est comme l'abrégé du Boustân allégé de ses développements mystiques : il
montre, souvent
sur un ton plaisant, comment les hommes se comportent les uns envers les autres;
la morale, assez analogue à celle de La Fontaine, y dérive de l'anecdote.
Au contraire, dans le
Boustân, l'anecdote sert à illustrer les méditations du poète qui s'applique à définir les vertus
nécessaires à
l'homme, ses devoirs envers Dieu et son prochain.
Sans doute, le Golestân est de
lecture plus facile; mais le Boustân exprime au mieux la quintessence du génie moral et poétique
de Saadi, son
goût inné de la mesure et son esprit de charité.
HENRI MASSÉ.
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