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Senghor et Chaka : la réappropriation d'un mythe

Publié le 10/08/2014

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senghor

 

« Chaka « occupe une place privilégiée, au coeur du recueil Éthiopiques. Il se distingue aussi des autres poèmes à la fois par sa structure (en deux chants) et par le genre auquel le sous-titre le rattache : c'est un « poème dramatique à plusieurs voix « dédié « aux martyrs bantous de l'Afrique du Sud «. Tout le paratexte contribue donc à signaler la singularité de ce poème et à poser la question de sa fonction dans le recueil et dans la poé¬tique de Senghor.

senghor

« E X P 0 S É S F C H E S peut observer dans« L'absente» (pp.

111 à 113).

Nolivé*, figure de la Bonne Nouvelle de la négritude, est ici érotisée : l'heure de la rédemption de Chaka est aussi celle de l'amour (p.

127).

Comme toujours chez Senghor, le moment de la conquête est celui de la sexualité glorieuse (p.

131 ).

On voit donc que le mythe de Chaka est ici réécrit par Senghor, qui tente de donner à la négritude un héros mythique dans lequel se reconnaître.

Il -CHAKA ET SENGHOR : EFFETS DE MIROIR Chaka, emblème de Senghor La réappropriation du mythe zoulou par le Sénégalais Senghor ne se limite pas à la création d'un mythe fondateur pour la négritude.

En effet, en mettant en scène« la passion» de Chaka, c'est de lui que Senghor parle.

Cet effet de mi­ roir est nettement perceptible dans le système d'oppositions qui structure les deux chants.

Dans le premier chant, Chaka oppose politique et poésie : « Je devins une tête un bras sans tremblement, ni guerrier ni boucher/ Un politique tu l'as dit -je tuai le poète -un homme d'action seul» (p.

122).

Il présente l'action politique et ses brutalités comme antinomiques de la création poétique.

À l'inverse, le chant II annonce, avec la rédemption de Chaka, la victoire du poète sur le politique : « Bien mort le politique, et vive le Poète ! » (p.

130).

Ces préoccupations, à coup sûr étrangères au guerrier zoulou, sont bien celles de Senghor au moment où il écrit Éthiopiques.

Le mythe de Chaka est donc aussi celui de Senghor: il lui permet de poser en termes aigus puisque dramatisés une des questions centrales du recueil : celle des rapports du Politique et du Poète, celle aussi de la justifica­ tion de l'action politique, en un monde où« l'action n'est pas la sœur du rêve».

Quel statut pour le poète ? L'effet de miroir joue aussi à propos du statut que se donne Chaka dans le chant II : «Non je ne fais pas le poème, je suis celui-qui-accompagne» (p.

128).

À la figure du poète-créateur, il substitue celle du poète-griot, qui perpétue une parole préexistante.

Senghor réécrivant le mythe de Chaka se désigne donc comme griot.

Il assume alors pleinement sa condition de nègre et de poète, en devenant celui qui fait vivre les mots de la tribu pour que « surgisse le soleil du monde nou­ veau» (p.

132).

Au terme de la dramaturgie à l'œuvre dans« Chaka »,une double métamorphose a eu lieu : au niveau dramatique, celle de Chaka qui prend des allures d'apothéose; au niveau poétique, celle de Senghor qui assume son statut de poète de la négritude.

Conclusion: On voit donc l'importance capitale de ce poème dans l'éco­ nomie générale d'Éthiopiques.

Mise en abyme du recueil tout entier, il exhibe, en les dramatisant, les tensions et les contradictions qui déchi­ rent Senghor à ce moment de sa carrière politique et littéraire.

Le per­ sonnage de Chaka devient alors l'image de celui qui le récite : un poète nègre qui« porte tous les peuples à peau noire» (p.

129).. »

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