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Sentiment d'exister

Publié le 17/11/2018

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«Gilgamesh, où donc cours-tu?» Une de mes amies me parle de son adolescence. nos rêves ne flottent pas tous à la même altitude. On peut rêver d’être immortel ou d’être le maître du monde; par comparaison, rêver du prince charmant paraît presque modéré. et, comparé au rêve d’amour, le désir d’avoir une mobylette semble tout à fait prosaïque. Cette amie habitait alors un bourg au fond d’une province et ses rêveries devaient ressembler un peu à celles de madame Bovary. elle avait la vie devant elle. elle se voyait comme une petite princesse promise à un avenir encore mal défini mais qui répondrait certainement à ses ambitions – et à celles que sa mère avait pour elle. dans ces conditions, le fait que ses parents lui achètent une mobylette d’occasion pouvait difficilement 115 Le sentiment d’exister ­ asser pour la réalisation d’un rêve: ce n’était qu’un cadeau p utilitaire. Et pourtant, quel plaisir de rouler en vélomoteur! Cela ne figure évidemment pas au registre des discours qui parlent d’idéal. Et pourtant ce plaisir avait quelque chose d’idéal. Le paysage qui défilait sans qu’elle ait aucun effort à fournir, la fraîcheur du vent, le ronronnement tonique du moteur, toutes ces sensations nouvelles lui parlaient de son émancipation, des garçons et des filles qu’elle allait rejoindre et lui faisaient goûter la saveur enivrante de la liberté (même si celle-ci restait soumise à certains aléas tels qu’une averse imprévue ou une panne ­d’essence). La jeune fille éprouvait en roulant une expansion d’elle-même si réelle – l’air, la vitesse, le pouvoir magique de retrouver ses amis – que, sur le moment, cette expérience la soulageait des désirs ambitieux et indéfinis qui creusaient son insatisfaction. Le sentiment si vif qu’elle avait alors d’une sorte de plénitude provenait donc pour une part du fait que les joies de la mobylette reléguaient à l’arrière-plan les idéaux séduisants mais tyranniques qui lui tenaient lieu de projets d’avenir. Cependant, il faut en convenir, ce bonheur tangible ne parvenait pas à effacer ses rêveries vagues mais combien plus amples. Il était trop limité pour que la jeune fille lâche l’ombre pour la proie. Il opérait une désidéalisation de fait, mais non de droit. La jeune fille avait beau se dire «c’est idéal», elle ne pouvait pas se limiter à ce bonheur-là. Les joies de la mobylette qui l­’emportait vers ses amis ne pouvaient rivaliser avec les images de complétude dont ses rêves la berçaient. Comment auraient-elles pu, à e...

« 116 Le sentiment d’exister passer pour la réalisation d’un rêve: ce n’était qu’un cadeau utilitaire. et pourtant, quel plaisir de rouler en vélomoteur! Cela ne figure évidemment pas au registre des discours qui parlent d’idéal.

et pourtant ce plaisir avait quelque chose d’idéal.

le paysage qui défilait sans qu’elle ait aucun effort à fournir, la fraîcheur du vent, le ronronnement tonique du moteur, toutes ces sensations nouvelles lui parlaient de son émancipation, des garçons et des filles qu’elle allait rejoindre et lui faisaient goûter la saveur enivrante de la liberté (même si celle-ci restait soumise à certains aléas tels qu’une averse imprévue ou une panne d’essence).

la jeune fille éprouvait en roulant une expansion d’elle-même si réelle – l’air, la vitesse, le pouvoir magique de retrouver ses amis – que, sur le moment, cette expérience la soulageait des désirs ambitieux et indéfinis qui creusaient son insatisfaction.

le sentiment si vif qu’elle avait alors d’une sorte de plénitude provenait donc pour une part du fait que les joies de la mobylette reléguaient à l’arrière-plan les idéaux séduisants mais tyranniques qui lui tenaient lieu de projets d’avenir. Cependant, il faut en convenir, ce bonheur tangible ne par - venait pas à effacer ses rêveries vagues mais combien plus amples.

i l était trop limité pour que la jeune fille lâche l’ombre pour la proie.

il opérait une désidéalisation de fait, mais non de droit.

la jeune fille avait beau se dire «c’est idéal», elle ne pouvait pas se limiter à ce bonheur-là.

les joies de la mobylette qui l ’emportait vers ses amis ne pouvaient rivaliser avec les images de complétude dont ses rêves la berçaient.

Comment auraient-elles pu, à elles seules, remplir le vide sans bornes qu’elle portait en elle? en somme, à l’égard de ces joies réelles, nous sommes divisés.

d’un côté nous sentons bien qu’en comparaison d’activités qui. »

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