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STENDHAL: ARMANCE (1827) - PROMENADES DANS ROME (1829). ANALYSE D'OEUVRE

Publié le 23/06/2011

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stendhal

 

Stendhal publie son premier roman, Armance, à quarante-quatre ans. Livre étrange, déconcertant : Sainte-Beuve en parlera comme d'un « roman énigmatique par le fonds et sans vérité dans le détail «, qui n'annonce « nulle invention et nul génie «. Cette histoire d'un parfait amour compliqué d'excessives délicatesses, de continuels malentendus, avec un protagoniste d'humeur ténébreuse dont on réussit mal à comprendre le malheur, est apparue tour à tour comme une indécente parodie des chastes récits de la duchesse de Duras, comme une oeuvre de sèche analyse de la lignée des Liaisons dangereuses et d'Adolphe, ou comme un ouvrage d'imagination qui étudie trop longuement un cas peu commun et peu intéressant ; et l'on a reproché à l'auteur de peindre un monde qu'il n'a point fréquenté. Le sujet était dans l'air. L'époque étant prude, il était périlleux de représenter « la plus grande des impossibilités de l'amour «. La duchesse de Duras venait de publier avec succès en 1824 et 1825, deux petits romans, Ourika et Edouard, qui mettaient l'accent sur les impossibilités sociales : l'union d'une femme de couleur et d'un jeune homme de la bonne société, l'union d'un roturier et d'une aristocrate. Dans une nouvelle, restée inédite, Olivier ou le Secret, elle traita le thème de l'impuissance sexuelle ; son récit montre Olivier s'éloignant de celle qu'il aime.

stendhal

« bientôt l'idée de la mort venait le consoler et rendre le calme à son coeur.

» Or, en 1838, Stendhal faisant allusion àl'accident de jeunesse que nous avons relaté, analyse son état d'esprit de l'époque en termes révélateurs : « Il yavait souvent un moment plus déchirant, mais moins voisin du coup de pistolet ; c'était quand, le matin, au réveil, jem'apprenais mon malheur.

A ce moment j'étais voisin des larmes.

» Le rapprochement s'impose.

Sur l'Armance deCivita-Vecchia nous avons relevé deux réflexions dont la première est visiblement une variante : « Il s'était juré millefois depuis quatre ans que jamais il n'aimerait.

Cette obligation de ne pas aimer était la base de toute sa conduite etla grande affaire de sa vie ».

Mais la seconde, rédigée à la première personne, et qui n'a aucun rapport avec letexte, est bien plutôt un de ces retours sur lui-même dont il était coutumier : « Toujours honteux, dégoût pourtout.

Je ne vois qu'une seule pensée, hors de cette idée fatale il n'est rien.

Aller au-devant d'une douleur qui sembletoujours nouvelle.

» On a trop voulu voir en Stendhal un amoureux transi.

Sans doute y eut-il en lui, à de certainesheures, une âme qui luttait contre un tempérament sans toujours réussir à le vaincre, et qui, au sein de ce qu'ilnommait militairement la victoire, ignorait le tranquille abandon.

N'est-ce point le cas de rappeler une remarquefurtive du traité De l'Amour « Un homme fait la cour à la femme du monde la plus honnête ; elle apprend que cemonsieur a eu des malheurs physiques et ridicules : il lui devient insupportable ...la cristallisation est rendueimpossible.

»Sur un autre plan, le sous-titre suggéré par le libraire Urbain Canel est révélateur : Quelques scènes d'un salon deParis en 1827.

Stendhal ignore le Faubourg Saint-Germain, mais, curieux des moeurs de son temps, il campe sonhéros en fonction de l'époque, non sans prêter le flanc à quelques critiques.

Ce tableau de l'aristocratie, oùl'imagination utilise les renseignements obtenus, recompose avec détachement une atmosphère qui doit être assezjuste.

Toutefois le drame d'Octave et d'Armance est trop primordial pour qu'on s'arrête longtemps à l'aspectsatirique du roman.Le personnage d'Armance de Zohiloff, en qui l'on retrouve la suavité de Métilde, fut « copié » pour le physique, nousdit l'auteur, « d'après la dame de compagnie de la maîtresse de Monsieur de Strogonoff qui, l'an passé, étaittoujours aux Bouffes ».

Mme d'Aumale serait, selon une lettre à Mérimée, la duchesse de Castries « faite sage ».Mme de Bonnivet, qui n'est pas absolument nécessaire à l'intrigue, semble être une image composite de la duchessede Broglie, de Mme Swetchine et de Mme de Krudener ; elle est mise en scène pour donner une idée du ton cafardque l'aristocratie dut alors aux Jésuites.

Stendhal, pour créer ses personnages, procéda toujours ainsi.Le scandale littéraire suscité par Latouche eût dû entraîner un succès de curiosité, mais le roman anonyme deStendhal n'eut pas de lecteurs.

L'auteur s'en console dans une note du 6 juin 1828.

Ce n'est pas lui qu'il plaint : «Le manque de mode fait que le vulgaire ne cristallisepas pour mon roman et, réellement, ne le sent pas.

Tant pis pour le vulgaire...

» Ses amis eux-mêmes sontréticents.

Di Fiore lui affirme à plusieurs reprises qu' « il n'y a rien, absolument rien de bon dans ce roman ».

AndréGide reconnaîtra que pour le commun des lecteurs, et même des stendhaliens, Armance ne s'est pas encore relevédu jugement de Sainte-Beuve.

Il estime que cet ouvrage est le plus fin, le plus joliment écrit de tous les livres deStendhal.

La pureté des sentiments, le rythme racinien des phrases nous introduisent peu à peu dans un royaumemusical.

Les protagonistes, en qui Maurice Bardèche distingue quelque chose de « proustien », semblent voués « àd'éternelles fiançailles blanches ».Stendhal lui-même le juge sur l'exemplaire de Civita-Vecchia « délicat comme la Princesse de Clèves ».

Sans y voirun chef-d'oeuvre — c'est, en fait, un livre manqué avec un énorme préambule — n'est-ce pas un rapprochement àretenir ? Nous y discernons parfois les premiers accents, un peu timides encore, de cette « musique du bonheur »que les romans ultérieurs rendront avec plus de plénitude.

Le mépris de l'écrivain à l'égard de la Société de laRestauration s'y précise ; mais son héros, qui n'est point le révolté que sera Julien et qui appartient à un autremilieu, n'a pas en lui ce levain de l'ambition que constitue l'aventure napoléonienne.Les Promenades dans Rome, qui se placent à une charnière de l'oeuvre et de la vie de l'écrivain, offrent le tableaude la Rome antique et moderne sous le triple aspect des monuments des arts, de la politique et de la société.

Rédigéà Paris pour des besoins d'argent avec l'aide de Romain Colomb, ce livre couronne la série des écrits de Stendhal surl'Italie.

Il succède à son premier roman et précède son chef-d'oeuvre de la maturité : le Rouge et le Noir.

Parul'avant-veille de la révolution de Juillet, ne semble-t-il pas préluder à sa vie consulaire ? Il a écrit des livres plusmarquants, non de plus éclectiques.

Le souvenir de Métilde s'y devine encore, mais les Promenades sont plutôt lelivre de « Madame Azur ».Stendhal avait-il en 1829 la compétence requise pour composer un itinéraire érudit ? Depuis 1817, il avait réuni desmatériaux qui ne sont point tous passés dans la seconde édition de Rome, Naples a Florence.

D'autres, abandonnésà Milan en 1821, ne purent être utilisés.

La documentation directe des Promenades qui ne ressemblent à aucun desitinéraires classiques de Rome fut considérable.

Leur désordre n'est qu'apparent.

L'auteur adopte contre Corinne laforme déshabillée du journal de voyage et de la note de carnet non encore rédigée.

Il aime le ton vif de P.

L.Courier, du président de Brosses.

Entre ces pôles, positif et négatif, l'étincelle des Promenades a jailli.

D'un livre dontil dit lui-même qu'il n'y a aucun mérite à le vanter, car les trois-quarts ne sont qu'un extrait des meilleurs ouvrages,il a fait l'oeuvre la plus personnelle, communiquant à la fois l'impression vraie et idéale de l'Italie.Nibby, Lalande, Nardini et leurs pareils le documentent sur les monuments de l'antiquité, les églises, les musées et luifournissent quelques bribes d'histoire ancienne ; mais il tourne sans émotion les pages des siècles reculés.Indifférent aux catacombes dont il ne souffle mot, il réserve au Moyen âge, à la Renaissance et à l'époquecontemporaine le plus attentif intérêt.

Constatant que la civilisation étiole les âmes, il se persuade que l'énergies'épanouit dans l'anarchie ou sous la tyrannie.

L'hypocrisie est un élément de cette virtù débridée en laquelles'affirme la plante humaine.

Que ne doit-il pas à Sismondi, à Potter ? Nous avons toute r la gamme du plagiat.L'auteur copie la première phrase d'un paragraphe, il en résume fidèlement la partie centrale en rectifiant le style ;puis, un besoin de libération littéraire mûrissant en lui au cours de cette besogne fastidieuse, la fin du paragraphes'éloigne de plus en plus du modèle.

Il recherche avant tout la concision, la netteté, la vivacité, comprimant de mainde maître une prose incolore et ne retenant que le meilleur.

Sur une simple suggestion, il greffe un développementde son cru ou invente des arguments.

Renonçant à la lente forme narrative de Sismondi, par le choix du verbe le. »

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