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Suffit d'être poète pour faire des vers ?

Publié le 22/02/2012

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Dans ce sujet, l'élève devrait s'interroger sur ce que signifie « être [un] poète » : l'étrange activité qui consiste à « faire des vers » (définition qui viendrait spontanément à l'esprit du plus grand nombre : « le poète, c'est celui qui écrit des vers ») suffit-il à en rendre compte ? Il serait peut-être intéressant que l'élève remarque dans le sujet l'opposition entre les deux infinitifs « faire » et « être » : l'acte même d'écrire des vers, voire d'écrire en vers (rappelons que l'objet d'étude concerne justement « la spécificité du langage poétique ») peut-il vraiment rendre complètement compte de cet « état » problématique, quasi ontologique ou (et ?) de cette « fonction » tout aussi mystérieuse : « être poète ». Les textes du corpus, dans leur grande variété, devraient permettre d'appuyer une réflexion qui se demanderait donc si ce n'est pas simplement (« Suffit-il ») la création même de vers qui autorise à nommer son créateur un « poète » ; serait-il si réducteur de restreindre ainsi l'auteur à l'ouvrage (versifié) produit ? La notion de « poète » implique-t-elle un rapport, une « sensibilité » au réel (au monde, aux hommes, à lui-même) qui excède l'oeuvre même ? L'étymologie du mot « poète » ne permet d'ailleurs pas vraiment de trancher : poîetês (gr.) puis poeta (lat.) renvoient tout autant à un créateur, à un auteur qu'à un simple artisan, un fabricant ; elle s'applique spécialement à celui qui compose des vers . mais aussi des ouvrages de prose, des discours et de la musique. On peut bien sûr accepter un plan en deux parties ( l'acceptation puis la dénégation de l'affirmation par exemple. je commencerai d'ailleurs par là.) mais une troisième partie qui élargirait le propos ( être poète, ce serait avant tout être créateur d'un nouveau langage poétique, c'est faire à proprement parler poésie) serait la bienvenue : elle aurait l'avantage de renvoyer encore plus explicitement à l'objet d'étude du bac et à ne pas réduire le langage poétique au vers (qui reste cependant encore aujourd'hui évidemment très présent dans la « pratique » de la poésie.). Quoiqu'il en soit, on attend de l'élève qu'il rappelle à un moment ou à un autre de son devoir qu'on ne peut réduire l'ensemble de toute la pratique poétique au vers : l'allusion aux poèmes en prose, aux calligrammes est attendue. D'autres types de plans (à condition qu'ils intègrent l'ensemble des termes du sujet) sont bien évidemment envisageables.

« poète n'écrit-il pas d'ailleurs contre la mort, en recourant à la magie consolante des vers : pensons aux thrènes,consolations, épigrammes funéraires, etc.

Ils tentent ainsi d'exorciser, par le moyen du langage poétique, l'angoissede la mort : l'élève peut là encore se servir des textes B et C (ou penser aux poèmes fameux des Contemplationsévoquant Léopoldine.) : il s'agit peut-être pour le poète de faire renaître, revivre par la poésie quelque chose quin'est plus (cf l'image récurrente du Phoenix.) : cf.

Char : « Le poète, en sus de l'idée de la mort, détient en lui lepoids de toute mort ».

Pensons également à l'entreprise même de la Pleiade (et notamment de Ronsard : cf.

Quandvous serez bien vieille.) : par le travail poétique, ces poètes envisagent de vaincre la mort et l'oubli pour accéder àla gloire.

Evoquons brièvement d'autres visées poétiques que le vers permet de réaliser pleinement : viséesdidactiques d'une pensée que le vers permet de mieux retenir, véhiculer et conserver : Les Travaux et les Joursd'Hésiode (Antiquité grecque), Les Georgiques de Virgile (Antiquité latine), le De Natura Rerum de Lucrèce (idem),les fragments conservés d'Héraclite, etc.

; visées ludiques où le travail de mémorisation et de fantaisie prime : lesrondes, comptines, chansons, etc.

Les contraintes imposées au vers (notamment par Malherbe 17e et les premièresrègles de versification classique) permettent également l'invention d'une autre langue, d'un langage poétique propreayant son lexique particulier, sa syntaxe, ses images (périphrases, allégories, etc.) : la poésie naît peut-êtred'ailleurs de la violence que lui impose toute versification.

et / puis des subversions, entorses, attaques faites à cesmêmes règles : par opposition aux règles classiques, les enjambements des Romantiques 19e ou la suppression de laponctuation chez Apollinaire par exemple sont autant d'espaces de libertés conquis par les poètes : leurs oeuvres sesont peut-être justement nourries de ces contraintes du vers et de leurs affranchissements de certaines d'entreelles : cf.

Hugo et sa Réponse à un acte d'accusation, Verlaine et ses vers impairs, etc.

L'élève peut ainsi comparerle « chemin parcouru » dans la pratique de l'écriture du vers par les poètes entre les textes B et C, les effets(stylistiques, sémantiques, rythmiques, etc.) qu'elles entraînent respectivement - l'affranchissement décisif étant(du moins pour le sujet qui nous concerne) la contestation même du vers et l'invention du poème en prose (cf texteC).

L'élève devra peut-être être en mesure dans cette partie de citer différents types de vers qui marquent, dansleur diversité et leur variété, la richesse et l'ingéniosité des pratiques poétiques des poètes tout au long de l'histoire: les vers antiques et son alternance réglée de syllabes longues et brèves, les vers mêlés de La Fontaine 17e et leseffets qu'ils permettent, les vers dispersés sur la page du Coup de dés.

de Mallarmé 19e, les vers libres de Cendrarsou d'Apollinaire, les vers non rimés, etc.

: les possibilités respectives que permettent ces différents vers doiventêtre soulignées, du moins pour quelques uns d'entre eux, par les élèves.

Il n'est d'ailleurs par jusqu'au texte A deBaudelaire qui pourrait être ici cité par les élèves : si on s'en tient à la définition de Mazaleyrat (« toute unité dediscours délimitée par l'alinéa et que son étendue empêche d'être globalement perceptible comme vers »), il pourraitpresque s'agir avec « Un hémisphère dans une chevelure » de versets avant la lettre plutôt que de véritable poèmeen prose (de par, selon lui, la fréquence des alinéas et le principe même d'une écriture qui n'est pas discursive) : àla limite du vers et de la prose, les versets métriques et cadencés (peut-être vaudrait-il quand même mieux citerClaudel ou Perse.) conservent des séquences rythmiques proches souvent du vers : la seconde strophe du poème yfait quand même singulièrement penser.

On pourrait conclure cette trop longue partie en rappelant que tout ce quicaractérise la poésie est en très grande partie intimement lié, étroitement soumis à la « nature » même du vers et àtout ce que celui-ci permet au poète : le travail si riche sur les rîmes des poètes (Marot 16e par exemple), sur lestropes (l'immense fortune de la métaphore en poésie, de Hugo aux Surréalistes) et les figures (chiasmes,parallélismes, répétitions), les effets poétiques que permettent les enjambements (cf le poème d'Eluard), l'infinirenouvellement du sonnet (de Ronsard à Baudelaire) dépendent bien évidemment du travail sur le vers par le poète.Mais pensons également à tout ce qui caractérise le vers depuis les temps les plus anciens : la respiration, lerythme, le chant (le carmen), la musicalité, le souffle, la prière, etc.

cf Jakobson : « à tous les niveaux de la langue,l'essence, en poésie, de la technique artistique réside en des retours réitérés ». 2.

Etre poète : un rapport particulier au monde et à soi-même : On essaiera d'être beaucoup plus rapide dans cette seconde partie, où nous nous interrogerons sur ce que peutvraiment signifier « être poète », quand on juge insuffisant, réducteur de le réduire à son activité de faiseur de vers(il est vrai qu'un auteur épique, un dramaturge classique et romantique sont également des « faiseurs » de vers.).Nous envisagerons tour à tour le fait d' « être poète » comme un état, une sensibilité particulière au monde, unemission (une quête) et enfin (surtout ?) un rapport particulier au langage.

être poète : un état : le fait d'être autre: L'élève devrait pouvoir se souvenir des conceptions antiques de l'inspiration poétique ; on ne reviendra donc passur le poète comme simple « réceptacle » de la parole divine, soumis comme malgré lui, devenu étranger à soi-même, au délire prophétique, à la furor sacrée : cf.

le prophète biblique, la conception platonicienne du poète dansIon, voire le chaman, etc.

On peut également rappeler la théorie de l'enthousiasme selon Diderot, la sensibilitéexacerbée du génie qui vibre lorsqu'il est sollicité tout à coup par le sublime d'un paysage qui le saisit et letransporte (Entretiens sur le Fils Naturel).

être poète : une sensibilité particulière à soi-même et au monde : lelyrisme poétique L'élève devra impérativement traiter ce point, puisqu'il renvoie tout particulièrement aux textes ducorpus et à la question donnée (cf.

la correction de celle-ci donc pour les différentes manifestations du lyrisme dansces poèmes.).

Le poète devient celui qui fait passer ses sentiments à travers ses mots : passons sur la poésie-effusion des sentiments que Musset pourrait représenter (par ex.

le sacrifice sanglant du pélican-poète pour sesenfants / les lecteurs dans La Nuit de Mai , cf.

aussi : « le coeur seul est poète », « les chants désespérés sont leschants les plus beaux ».) ; l'élève pourra peut-être se référer à ses (quelques) connaissances sur le lyrismeromantique, sur le mal du siècle et ce rapport particulier à soi-même, à la nature grandiose, à l'histoire et à l'autre (« Quand je vous parle de moi, je vous parle de vous », « Insensé qui crois que je ne suis pas toi ! » dans la préfacedes Contemplations).

La majeure partie de la pratique poétique demeure encore aujourd'hui indéniablement lyrique(cf l'étymologie même du terme.), dans sa constitution d'une parole individuelle, dans sa figuration d'une intimité enquête d'identité (cf.

l'entreprise même d'Alcools d'Apollinaire, passant de sa division, de son mal-être dans « Zone »à sa renaissance, à la reconquête, reconstitution de soi-même dans « Vendémiaire »).

Mais cette sensibilité. »

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