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Sur cette pensée de La Bruyère : « L'ennui est entré dans le monde par la paresse. »

Publié le 09/02/2012

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paresse

L'ennui dont parle ici La Bruyère est celui des riches de son temps, de ceux que l'on considère habituellement comme les heureux de ce monde. Désoeuvrés, ils se livrent à ce que Pascal appelle le « divertissement «, afin d'échapper au spectre qui trouble la fête. Jeu, chasse, festins, bals, voyages ne semblent faits que pour tromper leur ennui. Vains efforts, l'ennui est le juste châtiment de leur vie inutile.

Mais outre ce cas spécial, de multiples exemples confirment l'opinion du moraliste et notre propre expérience suffirait à en prouver l'exactitude. Nous avons tous rencontré des gens qui s'ennuyaient. Le plus souvent, c'était faute d'une occupation sérieuse ou qui convînt à leurs goûts, à leurs aptitudes. Qui dira la somme d'ennui que la guerre versa dans les abris, dans les cantonnements, dans les dépôts, dans les hôpitaux, en imposant à des hommes faits pour le travail et l'action un farniente obligatoire!...

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« Cette constatation ne dément pas d'ailleurs, l'affirmation de La Bruyère, car, en dernière analyse, cette indifférence à l'égard des labeurs profes­ sionnels est une forme de la paresse.

Quiconque a vécu, et observé autour de soi, a aussi remarqué que les personnes les plus sujettes à l'ennui sont souvent les plus dissipées, les moins accoutumées à la réflexion, à la vie intérieure.

Leur activité exté­ rieure peut tromper les gens superficiels, les sages ne s'y méprennent pas.

Les plus brillants dans une société frivole, où il suffit pour plaire d'un certain esprit, d'un entrain factice, après s'être grisés de paroles, trouvent, installé à leur foyer, le morne ennui.

Il leur faut le monde pour les exciter à penser et à vivre; abandonnés à eux-mêmes, ils s'effondrent.

Habitués à se mouvoir sous les poussées du dehors, il leur manque un ressort inté­ rieur.

Ils ne portent pas en eux la source vive des pensées, des sentiments profonds; ils ne peuvent aimer la vie simple, le devoir austère.

Papillons chez les autres, larves chez eux.

Ils paient l'ivresse du fruit défendu pm· la nausée du pain quotidien.

Juste salaire de la dissipation! Et si nous y réfléchissons, nous nous aperce-vons que ce manque de vie intérieure pro­ cède encore de la paresse, car c'est un rude travail que de maintenir en soi le meilleur de sa vie, de ne point se laisser aller aux séductions du dehors.

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Juste - nous croyons l'avoir démontré - la pensée de La Bruyère ne laisse pas d'être un peu étroite.

Il est des sortes d'ennui qui ont d'autres causes que la paresse.

Ici nous revient en mémoire le vers célèbre de La Motte : L'ennui naquit un jour de l'uniformité.

Oui, nous sommes ainsi faits que les mêmes choses, les mêmes gens, revus ou entendus, finissent par provoquer notre ennui.

« Il nous faut du nou­ veau, n'en fût-il plus au monde.

» Consultons encore notre expérience sco­ laire.

Il est pour nous des heures où les salles de classe, où les cours de récréation sont des images bien pâles de l'admirable univers; où les lentes après-midi cheminent accablées dans le sentier des jours; où les leçons mal sues, récitées comme d'indolent~s litanies, semblent la cantilène même de l'Ennui.

Nos obscurs caprices, 'la soif de l'indépendance protestent contre la régularité monotone des exercices; il nous prend des envies de briser le « Tableau horaire ».

Les dimanches tombent toujours le dimanche; les devoirs de latin ou d'allemand le lundi, ceux de mathématiques le mardi, de physique le jeudi et de français le samedi.

Ce retour per.Pétnel des mêmes tâches nous assombrit.

Et puis, malgré leur diversité, les VIsages, les manies, les expressions, les sons de voix de ceux qui nous entourent ne varient point : on se connaît tous par cœur.

Aux ouvrages classiques, aux plus purs chefs-d'œuvre, parce qu'ils sont imposés à notre admiration, on finit par trouver un air de parenté : l'air ennuyeux.

Les alexandrins de Corneille, comme ceux de Boileau, de Racine et de LamarHne, ont tou­ jours douze pieds : L'ennui naquit un jour de l'uniformité! Victor Hugo lui prête un autre état-civil.

Il le représente sous les traits d'un « pédant » ; mais ne nous arrêtons pas à cette image, nous pourrions en déduire que l'ennui est le partage fatal de la gent écolière.

Poursuivons : Ce doctèur, né dans Londre, un dimanche, en décembre.

Or, nous savons ce qu'est Londres, le dimanche : une ville morte; et en décembre : une cité immense, ensevelie sous un brouill~rd opaque d'où la fumée des maisons et des usines ne parvient pas à s'échapper.

Il faut recon­ naître avec le poète que certaines ambiances engendrent l'ennui.

Il est des lieux qui suent l'ennui, des conditions atmosphériques qui portent à. »

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