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SYMBOLISME (courant littéraire)

Publié le 15/10/2018

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SYMBOLISME. Les historiens du symbolisme soulignent toujours, par des avertissements liminaires, la difficulté, voire l'impossibilité de leur tâche. Le symbolisme semble en effet refuser les définitions et instaurer dans la littérature l’amour du flou et de l’indicible. Dès lors, qui est symboliste? Certes, vers 1890, une bonne part de la littérature française est probablement justiciable de l’adjectif.

 

Mais à prendre une telle extension, le concept ne définit plus rien de précis, surtout quand on l’applique ensuite à des écrivains aussi différents que Gide, Proust, Claudel ou Valéry. L’école symboliste, déjà problématique, se dissout dans le vaste courant symboliste : elle s’y noie comme une Ophélie préraphaélite. D’autant qu’on peut estimer les « précurseurs » du symbolisme ou ses héritiers plus importants que les symbolistes eux-mêmes

 

ceux, du moins, de stricte observance. Après tout, faut-il vraiment considérer Baudelaire, Rimbaud et Mallarmé comme les précurseurs d’Éphraïm Mikhaël ou de Vielé-Griffin? N’est-il pas plus juste de considérer ceux-ci comme des épigones de ceux-là? Il y a là tout le danger des reconstitutions a posteriori, des préhistoires trop finalistes : c’est ainsi qu’on trouvera dans les ancêtres du symbolisme Edgar Poe, Nerval, Aloysius Bertrand, une bonne part des littératures allemande et anglaise, les poètes baroques, sans parler des Latins, des Grecs, de tous les métaphysiciens enfin qui ont touché au symbole, depuis les penseurs de l’Inde jusqu’à Swedenborg en passant par Platon — avec pour résultat de faire du symbolisme une de ces tendances éternelles de l’art qui évitent aux critiques de penser vraiment.

 

Pourtant, on ne peut pas dire non plus que le symbolisme n’existe pas, qu’il n’est qu’une manière commode de dénommer la modernité de 1890. Même si le public y range parfois des auteurs comme les Goncourt ou les

frères Rosny, les symbolistes, eux, savent mieux ce qu’ils rejettent et ce qu’ils admirent. Ce qu’ils rejettent : l’enseignement, la déclamation, la fausse sensibilité et la description objective — en fait, surtout, le positivisme et la rationalité, une certaine façon de décrire le monde « platement », sans mystère. Ce qu’ils admirent : la poésie de ces précurseurs qu’ils préfèrent appeler l;urs maîtres — Baudelaire, le père fondateur, et surtout Mallarmé et Verlaine. Ce sont ces deux derniers noms qu'on retrouve dans les actes de naissance officiels du symbolisme, dans l’article de Moréas donné au xixe Siècle en août 1885 et, bien sûr, dans son célèbre manifeste publié un an plus tard dans le Supplément littéraire du Figaro : Moréas y admire en Mallarmé le sens du mystère et de l’ineffable, tandis que Verlaine est loué d’avoir brisé « les cruelles entraves du vers que les doigts prestigieux de M. Théodore de Banville avaient assoupli auparavant ». Avec Lamartine et Vigny, avec Rimbaud aussi, ils forment le panthéon « symboliste », puisque le mot est utilisé explicitement : « Les poètes décadents — la critique, puisque sa manie d’étiquetage est incurable, pourrait les appeler plus justement des symbolistes — sont MM. Stéphane Mallarmé, Paul Verlaine, Laurent Tailhade, Charles Vignier et le signataire de cet article » (Moréas).

« une attitud e esthét isante dont Huy smans, inspiré par Je personnage de Robert de Montesquiou , donne la carica ­ ture dans A rebours (1884).

Dans ceue mo uvance se situen t les ComplainTes ( 188 5) de Laforgue et les Poète s maudit s ( 188 3), où Verlaine présente Corbiè re, Rimbaud et Mallarmé.

C'est autour de ces admirations que se regroupent le s d écadents, dont les plu s connus sont Lau­ ren t Tailhadc , Jean Lorrai n, Jule s Renard en ses début s et Ernest Raynaud, l'auteur de la Mette symboliste (1918).

Il s sont, dit Verlaine , «amateurs de l'obscu r, prop agate urs de thé ories abstruses, absconses, et, par quelle étrange association d'idées ? pessimistes e t scho­ penh aurie ns [ ...

] ».

Ils partagent en outr e des options poli tiques révolution n aires et même anarchistes : «Les Décadents, affirme leur or gane, ne som pas une école ütté raire.

Ils n'ont qu 'à détruire, à tuer les vieilleries ».

Sur un plan verbal, leur dandysme extravagan t se mani­ feste par le goût des mots rares, de s néologismes - un recue il en donnera la liste - qui leur permetten t d 'être « les mahdis clama m éternellement le dogme élixi risé, le verbe quintessencié du décadi s me triomphant>> .

On citera enfin ces revues où s'épa noui sse nt les fleurs véné­ neuses du décadi sme et qu i co nfirm ent le plus souvent la d éfin it ion de Verlaine : la Revu e ind épe ndante, où les décade n ts font bo n ménage avec les naturalistes, le Chat - Noir, et Lutèce su rtout, qui prend la suite de la Jllou.velle Rive gauche.

Dirigée par L.

Trézenik , elle publ ie Willy , Paul Adam , Ra chil de, Henri de Régnie r et Vie lé - Griff in - Mo réa s e t Tailha de aussi, membre s é minent s du cercle des Zutistes fondé par Char les Cros.

En remontan t ainsi Je temps , on e n arrive en effet à ces cénacles é tr anges qui ont pour nom les Hydropathes , le s Hir sutes, les Zutistes, et où les futur s décadents coha­ bitent avec des artistes sans appartenance préci s e : cette arrière-garde du romantisme semble être éclectique, et on en aura la p re uv e avec la Revu e du monde nouveau, où écrivent Mallarmé , Léon Die rx, Villiers de L'Isle-A dam, Germain Nouveau et Zola, avec la Rena issance aussi , où l es parnassiens se mélangent aux talents l es plus divers : Hu go, Michelet, Sainte -Beu ve, Rimbaud, Ca tuUe Men­ dès, Verlaine , Mall armé, Cha rles Cros .

Peu à peu , on en arrive à ce t immédiat après-guerre dont on fait l'origine du symbolisme.

Le rai sonn ement est le suivant : la défaite d e 1870 aurai t été la défaite de la p e n sée fran­ çaise, à laq uelle les bons esprits aurai en t vou lu remédier par une r~llex ion sur les thèses de l'idéalisme allemand, sur Kant ct Schopenhauer, ce qui expüquerait le côté brumeux (!), en tout cas m~taphysiq ue et pessimiste, de l a nouve lle école; après tou t, Villi ers est hégél ien, et Lo u is Villette co nstate, d ans le Décade nt, « le s u rbla ­ séismc d'une civilisation schopenhaue resque ».Da ns ces conditions , rien ne s'oppose à ce que Be rgson, assimilé d'ailleurs abusivement au sym boli sme, devienne le continuateur logique de Kant et - pourquoi pas? - de Goethe , d'Hoffmann ou de Nova lis.

On parle même en 1891 du fic htéisme d e Villiers et de Mallarmé.

L ' ex:pli­ cation reste pourtant insuffisante, même si l 'on y ajoute en vrac la Philosophie de l'inconscien t de Eduard von Hartmann, la l ecture des romans russe s ou J'exemple de Louis Il de Bavière.

Peut-être faut -il s'interroger alors sur le côté musical du symbol isme.

Attentif à tous les arts, le symbolis m e est particuliè reme nt proche de la mu siq ue , de l 'œu.vre de Wagne r , par exemple , déjà goü­ tée par Baudela tre.

La Revue wagnérienne, créée en 1885, publi e un «Hommage » de Mallarm é et un sonnet d e Verlaine intitul é « Parsifal »; elle com pte , parmi ses collabo rateurs , M oréas, Verhaeren , Maeterlinck et Régnie r.

De même , et en dépit des rét icences de Mal­ larm é et de Maeterlinck , on n'oubliera pas Je s ymbolisme de Debussy pré ludant à l'Après-Midi d 'un faune et com­ posant Pelllas et M élisande.

le vers libre et les revues Pou rtan t, c'est peut-être sur un plan littéraire que cette correspondance musicale est la plus claire : la mus ique ex iste da ns l'écrit ure , grâce notamment au vers libre, dont le succès a été tel que le symboüsme est devenu pour cer tains le vers -libri s me, censé apporter dans la poésie la musique que l'alexandrin est jugé incapable de transmettre.

Ses promoteurs se réfèrent , pour le défendre, à Horace, à La Fontaine , à Verlaine , bien sîlr, et à son «Art poétique».

Encore faut-il noter que Mallarmé et Verlaine ne suivent pas t oujo urs les audace s de leu rs cadets .

Ceux-ci, p oursuivan t l'entreprise d'Hugo, dislo ­ quent « ce grand niais d'alexandrin » et découvrent, comme Mallarmé, qu'il n'y a pas de prose: « ll y a l'alph abet.

et puis des vers p lus ou moins serrés, plus ou moin s diffus.

Toutes les fois qu'il y a effort au style, il y a versification ».

Dès lors, pourquoi ne pas « assou­ plir » le vers, mu ltiplier les formu les, varier le nom b re des sylla bes et la place de la césure, remplacer la rime par l 'assonance et ne pas exclure l'h i atus? Ainsi libéré, le vers suit désormais le rythme d e l'artiste.

C'est du moins de cett e faço n que les co ntempo rain s lisent cer­ tai ns tex tes des Illuminations en 1886 , ainsi que les Palai s nomades de Gustav e Kahn.

Ce lui-c i est co nsidéré comme le maitre du ver s libre, malg ré l es rec her ches de Moréa s e t de Marie Krysinska , mal gré les innovations de Laf orgue et de Walt Whitm an.

La formule conquiert bientôt une bonne part du symbolisme, et Mallarmé peut énumérer , parmi l es tenants du vers « polymorphe » : Mor éas, Vielé -Griffin, Kahn, Morice, Verhaeren, Moc­ kel, o rchestrant chacun leur musique personnelle [vo ir VERS ETVERStFICATION}.

On co mpre nd alors à quel point il est difficil e de parler du symbolisme.

Le mot suggère une cohé rence , des théories stables: or, l' individual is me littéraire ne peut êtr e le dogme que d'une communauté éphémère.

Le symbo lisme éc la te en groupes fluct uants, en « wagné­ riens », néo-parnassiens, part isans d'Ibsen et de Mae­ te rlin ck, « verlainiens » et « mallarmistes », en cénacles et en œ~v res parti culières.

Faire so n histoire revient alors à rassembler les monographies de différents auteurs, à suivre leu r trajet personnel, po li tique, mystique ou stylis ­ t~que , à voi r comme nt chacun invente (( son » symbo­ lisme.

Une démarche possib le consis terait à étu dier com­ ment naissent et meurent les diza ines de revues qui s uccèdent aux Taches d'encre , au Décadent de Baju, au Scapin d'Alfred Vallette , à la Décad e nce artistique et littéraire de Ren é Ghil.

au Symboliste de Moréas , J(ahn et Adam, à la Vogue de Léo d'Orfer: il y aura les Ec rits pour l'art, la Plume, qui naît en 1889, l'E rmitage , les Entretiens politiques et littéraires, la Revue blanche, la Conque et l e Mercur e de Fran ce, qui, lui , durera et gé né­ rera un e maison d'éd ition, celle où parru."'tront les Poètes d'aujourd'hui d'Adolphe Van Bever et Paul Léautaud.

II se produit donc une sorte de marée symbo liste qu i enlève presque au co ncep t toute détermination; cela au point que le symbolisme va se renier lu i- même: Ba ju lance un «ma nife ste socialiste,.

san s lendemain, Moréa s conduit la r éac tio n «rom ane» [voir ÉcoLE ROMANE], et le tournant du sièc le amène bientôt le naturisme, l'huma­ nisme, une tentative même (en 1905) de néo­ symbolisme.

De schisme en schisme, le symbolisme se morcèle, etl' on aper çoi t peu à peu la richesse « dionysia­ que », la vitali té de ce mouve ment qu'on croyait au départ évanesce nt et débi l e.

Quintessences et synesth é sies Ce qui précède semb le excl ure toute définition du symbolisme e n soi.

TI reste cependa nt que les symbolis-. »

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