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SYMBOLISME ET IDÉALISME (1885-1920): Poètes annonciateurs

Publié le 27/06/2012

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Verlaine (1844-1896) débuta en bon élève du Parnasse, avec ses Poèmes Saturniens (1866). Dans un vers ferme et parfois sonore, il reprend les grands thèmes de l'École, histoire, exotisme hindou, inquiétude et pessimisme aussi. Il se proclame humble artisan du vers, se défie de l'Inspiration, et veut donner à sa poésie la solidité du marbre dont est faite la Vénus de Milo. Mais déjà perce un art tout personnel, où le vaporeux d'un rêve incertain, le flou d'un vers souple et léger, la puissance suggestive d'alliances de mots originales, un sens très subtil du rythme, révèlent une indépendance à peu près totale r.ar rapport aux poncifs régnants. Il y avait dans ce recueil, dès 1866, les signes précurseurs d'une profonde révolution poétique, et les premiers germes de poncifs nouveaux. Si le poète évoque la nature, il se plaît aux crépuscules, aux étangs qui luisent entre les nénuphars, aux nuits pluvieuses,

« 560 HISTOIRE DE LA LITTÉRATURE tané bonheur.

La phrase même achève de se disloquer; le cœur murmure sa plainte à des silhouettes féminines évanescentes mais dédaigneuses.

La vision du monde a changé; le poète ne voit plus les choses à travers la lunette précise des Romantiques ou des Parnassiens; il les devine à travers un verre dépoli qui noie les contours et mêle les teintes.

La plus humble réalité, le plus bourgeois bonheur, vus ainsi, à travers ce milieu déformant, peuvent devenir infiniment poétiques.

Quand l'ivrogne bohême, quittant le monde des rêves, pense rentrer dans la vie par un mariage bourgeois, après des fiançailles offi­ cielles, il va transposer son bonheur et ses espoirs dans une poésie qu'il saura ne point avilir sans pourtant la gonfler du souffle des grandes passions sentimentales.

La Bonne Chanson (1870) relève en effet la fadeur des thèmes par un art des plus subtils et la fantaisie du poète habille d'un costume baroque, aux lignes spirituelles et aux tons amortis, la plate nudité des bonheurs cor­ rects.

Pas une strophe où l'émotion ne se poétise par la coupe ingénieuse du vers, par une image délicate et rapide, par la surprise d'un vocable amusant.

Hélas! la guerre, les heures de garde aux fortifi­ cations, l'alcool qui réchauffe, l'invincible remontée du flux des vices, la venue foudroyante, dans son ciel paisible, du météore Rimbaud, et ce sont, en 1874, les Romances sans paroles, adieux tremblants aux bonheurs calmes, évocations de mornes paysages, spleen; surtout, la pensée poétique se dilue dans la pure musique de l'image, la rhétorique s'enfuit à tire d'aile; c'est l'époque où Verlaine compose cet Art poétique, qu'il ne publiera qu'en 1884, et qui propose, après expérience, une poésie nouvelle, plus musicale que visuelle, plus imma­ térielle que réaliste, plus suggestive que descriptive, plus nuancée que colorée, dédaigneuse de la rime écla­ tante, et fluide assez pour rendre le mouvement de l'âme, et la vie même en train de devenir.

Moment capital dans l'histoire de notre littérature que celui où la poésie qui, depuis Malherbe, s'était attachée au bran­ card de la prose, brise son collier et ses traits et, dégagée de la logique des pensées ou des sentiments, redevient elle-même et s'envole libérée dans le ciel des images où les émotions du poète, nuages errants, s'irisent au reflet de son imagination.. »

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