Tableau d'une exécution de Barker
Publié le 24/10/2012
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Tableau d'une exécution de Barker À Venise, au 16e siècle, l'État commande à la peintre Anna Galactia un tableau sur le triomphe des chrétiens aux dépens des Ottomans lors de la meurtrière bataille de Lépante. Plutôt que de peindre une oeuvre à la gloire des armées de la Sainte Ligue, l'artiste choisit de montrer l'horrible carnage résultant de cette bataille navale: au terme de quatre heures de combat, plus de 30 000 morts, blessés et cadavres flottant sur une mer rougie par le sang. Outrés, les représentants du pouvoir la somment de rectifier le tableau. Créée en 1985, la pièce de Barker, s'inspire de faits réels: le personnage d'Anna Galactia ressemble étrangement à Artemisia Gentileschi, peintre de l'époque; la bataille de Lépante a véritablement eu lieu, le 7 octobre 1571; plusieurs tableaux ont été réalisés à la suite de la bataille, dont l'un, signé Andrea Vicentino, montre la violence du massacre. Le 7 octobre 1571, des galères chrétiennes et ottomanes se sont affrontées dans le golfe de Lépante. Invaincue jusque là, la marine turque n'a pas résisté alors aux canons de la flotte chrétienne. Cette victoire de la Sainte Ligue, célébrée partout en Europe, aura fait près de 40,000 morts. Plusieurs oeuvres picturales ont représenté cette bataille, magnifiant les amiraux de l'Occident. Mais en l603, La battaglia di Lepanto, du peintre vénitien Andrea Vicentino, brise les conventions en soulig...
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"Le fait historique, explique le metteur en scène, est un prétexte pour parler de cette
confrontation qui existe encore de nos jours.
La censure confirme le fait que l’art peut dénoncer;
l’art est un pouvoir, qui peut être très fort." "Ça pourrait se passer aujourd’hui, poursuit Marie
Gignac.
On pourrait très bien imaginer un État contemporain commander un ouvrage, et que
l’artiste prenne position par son oeuvre.
On peut penser aussi à l’actuel projet de loi sur le
cinéma, disant que les oeuvres qui ne respecteront pas les valeurs morales ne seront pas
subventionnées: c’est la même affaire."
Anna Galactia porte cette parole dérangeante.
Son interprète la décrit: "C’est une artiste
fougueuse, passionnée, excessive; c’est une amoureuse de la vie, de l’amour, mais aussi de son
art.
Elle est tout le temps dans l’appétit de regarder, dans l’appétit de la vérité.
C’est ça son
moteur: mettre la vérité de cette bataille-là au jour.
Elle se retrouve la seule femme au milieu
d’hommes de pouvoir; une femme artiste, donc considérée, à cette époque-là, comme une
traînée.
Il y a probablement eu quelques femmes peintres à cette époque, mais elles ont toutes été
oubliées par l’Histoire.
Ce n’était pas une job de femme d’être artiste; et bien sûr,
l’indépendance d’esprit que ça suppose n’est pas toujours bien vue.
Ce n’est pas facile d’être
une femme artiste, même aujourd’hui.
La plupart de celles que je connais ont sacrifié la
maternité ou la vie de couple.
Si t’es une créatrice, ça prend beaucoup de place dans ton cœur,
dans ta tête; il en reste peut-être moins pour s’occuper des autres.
Je pense aussi qu’il y a une
place qu’on n’ose pas prendre; c’est une question de pouvoir.
Ce n’est pas pour rien que
Galactia a maille à partir avec l’autorité.
Ce n’est pas long qu’on l’éteint, qu’on la traite
d’hystérique; on la voit presque comme une sorcière.
Mais elle a une très grande force, et elle se
bat."
"C’est de ça qu’ils ont peur: de ce qu’elle dit dans son tableau, ajoute Gill Champagne.
C’est
très dérangeant.
C’est comme sainte Jeanne, ou Camille Claudel, qu’on a enfermé.
Je suis assez
attiré par ce genre de personnages: Marie Tudor, Jeanne d’Arc… Même les trois femmes dans Le
Langue-à-langue des chiens de roche .
Cette force m’a donné envie de monter la pièce.
Mais
aussi, puisque je viens des arts visuels, le fait que ça parle de la situation d’une femme peintre.
Il
y a mariage direct entre peinture et théâtre dans ce texte; j’aurais voulu écrire cette pièce-là,
tellement ça me parle."
LE CORPS COMME METAPHORE
Gill Champagne explore pour la première fois, dans cette mise en scène, le mouvement et la
danse, collaborant avec la chorégraphe Karine Ledoyen et sept danseurs.
"La danse donne une
force à la pièce, expose-t-il.
Puisqu’on parle de peinture, de dessin, on est un peu dans le
subconscient de cette artiste qui va peindre la bataille et dénoncer les horreurs de la guerre.
On
voit naître le tableau dans la tête de l’artiste, mais on ne voit jamais le résultat final.
Les
danseurs sont comme les croquis, les coups de crayon, de pinceau de cette femme; ce sont eux
qui l’alimentent tout le temps.
Les danseurs ne sont pas des personnages, mais des images, des
émotions, des évocations du fameux tableau.
L’acteur a la parole, le danseur a son corps."
- Mis en scène Christian Esnay aux Ateliers Berthier, saison 2008-09
Quelles relations l'artiste entretient-il avec le pouvoir qui commandite ses œuvres ou le public
qui les consomme ? Quels sont les rapports entre la réalité d'un sujet, la vision du créateur
chargé de le représenter, l'interprétation à tirer du produit de son travail ? Quelle est la
responsabilité du poète vis-à-vis de la vérité ? Autant de questions que Barker porte sur scène
sans intellectualisme.
L’histoire ne s'arrête pas là, car le Doge le sait bien : contre la virulence d'une œuvre, une
certaine forme de tolérance peut être un antidote beaucoup plus efficace que la censure la plus
brutale.
Un art privé de son secret - divulgué, expliqué, livré aux puissances corrosives de la.
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