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Tartuffe

Publié le 06/04/2013

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o Tartuffe Tartuffe représente le fourbe par excellence, l'hypocrite. Faux dévot, faux ami, vrai escroc, il est l'homme qui s'immisce au sein d'une famille pour en perturber le fonctionnement interne en séduisant... le maître de maison, Orgon. Au coeur de la pièce à laquelle il donne son nom, Tartuffe n'apparaît que dans dix scènes sur trente et une. La force de sa présence est dans l'importance de ses absences physiques. Le spectateur, en connaissant surtout Tartuffe par ce qu'il en est dit, est plus enclin à en exagérer les traits et les forfaits. oÉtat civil Dorine parle de lui comme d' « un gueux, qui, quand il vint, n'avait pas de souliers/ Et dont l'a fait entier valait bien six deniers ", vision à laquelle Orgon ne s'oppose pas, puisque lui-même rappelle que, lorsqu'il le rencontra, outre « son air doux et sa modestie ", il avait noté son « indigence «. Entrant dans la famille de son protecteur, il acquiert un statut assimilable à une profession, celui de directeur de conscience -quoiqu'il fût laïc. D'Orgon, « C'est de tous (ses) secrets l'unique confident /Et de ses actions le directeur prudent «. (Au XVIIe siècle, la damnation dans les Enfers est encore redoutée, la part du diable structure encore les esprits. Elle est évoquée en de nombreux vers.) Ainsi Madame Pernelle accuse « visites «, « bals «, « conversations « d'être « du malin esprit toutes inventions« (v. 152). Selon les propos de Tartuffe, les vêtements et les accessoires des femmes sont assimilables aux « parures du diable« (v. 210). La croyance au diable va jusqu'à se faire ressentir à travers le lexique: dans l'exclamation de Dorine (v. 767), « Diantre soit fait de vous si je le veux!«, « diantre «, déformation de « diable« relève d'une imprécation sur le point d'être formulée du type «Que le diable vous emporte, si j'y consens «, mais retenue par une ultime modalisation. Tartuffe, cherchant à séduire Elmire (acte III, scène 3), évoque aussi « le noir esprit «, capable de ruser, c'est-à-dire de procéder à quelque « surprise adroite«. Enfin Orgon, une fois éclairé sur la véritable nature de son hôte, finit par assimiler Tartuffe à une créature diabolique: « Rien de plus méchant n'est sorti de l'enfer. « (v. 1535) Pour juguler cette peur des Enfers, la confession était devenue une pratique systématique, si bien que, dans les familles de haute bourgeoisie, il n'était pas rare de recourir à des confesseurs personnels appelés directeurs de conscience. oPortait physique et parlure de Tartuffe Sans être répugnant, Tartuffe est dépeint dès la scène 4 du premier acte par Dorine comme un être « gros et gras, le teint frais et la bouche vermeille « (v. 234). Que Tartuffe se définisse par ses appétits n'a en effet pas échappé à la servante de Mariane: « À table, au plus haut bout, il (Orgon) veut qu'il soit assis Avec joie il l'y voit manger autant que six; Les bons morceaux de tout, il fait qu'on les luicède; Et s'il vient à roter, il lui dit: "Dieu vous aide"« (v. 191-194) D'un appétit gargantuesque, il est capable d'avaler au cours d'un unique repas « deux perdrix, / Avec une moitié de gigot en hachis« v.238-240). Lorsque Dorine décrit ironiquement Tartuffe, elle fait état de la laideur et de la grossièreté du personnage en recourant à l'antiphrase: " Il est noble chez lui, bien fait de sa personne; Il a l'oreille rouge et le teint bien fleuri. " Sa concupiscence, elle aussi, ne fait aucun douter, car, non content de recevoir des mains d'Orgon Mariane comme épouse, il désire ardemment posséder Elmire. Figure bien personnalisée, Tartuffe a une parlure de dévot : sa parole s'inspire des Écritures saintes. Différentes expressions du personnage ont été puisées dans le Nouveau Testament. Ainsi, Tartuffe conseille à Orgon de « n'avoir affection pour rien « (v. 276), de détacher son âme « de toutes amitiés« (v. 277), jusqu'à être indifférent au sort de sa propre famille, être capable de « voir mourir frère, enfants, mère et femme « (v. 278), sacrifier même « amis, femme, parents et (lui) -même avec eux « (v. 1884) et « comme du fumier regarde[r] tout le monde« (v. 274). Il s'appuie alors sur l'Évangile selon saint Luc (XIV, 26) : le Christ y explique que chacun de ses disciples doit parvenir à un détachement du monde, de manière à pouvoir haïr pour le suivre « son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses soeurs et même sa propre vie «. Il a également à l'esprit l'Épitre aux Philippiens (III, 8), où l'apôtre affirme que son sacrifice pour le Christ fut extrême et qu'il «estime tout comme du fumier «. oPortrait moral Molière avait pour volonté de rendre très claire l'identité de son personnage, de façon à ce que le public ne le confonde pas avec un vrai dévot: « J'ai mis [explique-t-il dans la préface de la première édition] tout l'art, tous les soins qu'il m'a été possible pour bien distinguer le vrai du faux dévot. [ ... ] J'ai employé pour cela deux actes entiers à préparer la venue de mon scélérat. Il ne tient pas un seul moment l'auditeur en balance; on le connaît d'abord aux marques que je lui donne: et d'un bout à l'autre, il ne dit pas un mot, il ne fait pas une action qui ne peigne aux spectateurs le caractère d'un méchant homme, et ne fasse échapper celui du véritable homme de bien que je lui oppose. « Et pourtant, les interprétations que l'on a pu faire du personnage montrent combien le masque peut aisément être pris pour le visage. Les incarnations de Tartuffe correspondent à autant d'interprétations différentes du rôle. Au moment de la création de la pièce, Tartuffe fut joué par Ducroisy qui se présentait comme un homme d'une quarantaine d'années, de belle carrure, doté de prestance et quelque peu adipeux. Il s'était fait une spécialité des emplois comiques et permit donc à Molière de faire rire de son personnage. Deux tendances après lui se sont dessinées: l'une a voulu accentuer le côté farcesque de Tartuffe jusqu'à la caricature; l'autre au contraire donna à Tartuffe une dimension dramatique, voire tragique, par un surcroît de gravité. Sans aller plus avant ici dans les interprétations du rôle, on peut conclure à la complexité d'un personnage qui relève de la grande comédie et qui détient un double visage: celui d'un homme grossier, etcelui d'un gentilhomme pauvre, avec de bonnes manières. Tartuffe est gros et rote à table, mais, face à Elmire, il se montre habile à manier la parole d'un séducteur. Si son jargon est celui de la dévotion, il a l'éloquence d'un Dom Juan lorsqu'il caresse l'étoffe du vêtement d'Elmire. Tartuffe est doté d'une dimension protéiforme et ce d'autant plus accentuée qu'il est toujours placé sous le regard d'autrui. On distingue en effet trois groupes de personnages dans la pièce qui donnent un avis différent sur son caractère. Le premier groupe, constitué de Dorine, Damis et Cléante, se fait le porte-parole de Molière et manifeste à l'égard de Tartuffe une véritable hostilité. Le deuxième, bien que clairvoyant, parait moins virulent: Elmire accepte de transiger ou de faire preuve de modération, voire d'indulgence, bce à l'imposteur. Dans un premier temps, elle ne \Tut pas dénoncer à son époux l'homme qui a cherché à la séduire, et lorsqu'elle-même lui tend un piège pour démasquer sa concupiscence et son hypocrisie, elle s'excuse auprès de sa victime du procédé utilisé. Le troisième enfin est composé des fervents admirateurs de Tartuffe, les « tartuffiés « : Orgon tout d'abord, Madame Pernelle et, par contrecoup, peut-être également Flipote. Mais la difficulté de compréhension du rôle tient sans doute à l'absence de monologue intérieur dans la pièce, susceptible de nous faire pénétrer dans l'intimité des pensées du personnage. Nous n'avons droit qu'à une figure en perpétuelle représentation. Le problème de Tartuffe est bien là : pourquoi est-il faux dévot? Peut-être sa foi est-elle largement entamée, du fait de deux mouvements contradictoires qu'il ne parvient jamais à réconcilier, sa concupiscence et sa soif de puissance. Tartuffe est un Dom Juan raté, son athéisme foncier n'a pas les aspects fascinants d'un révolté contre Dieu, et, constamment rattrapé par ses bas instincts et ses appétits terrestres (les femmes, les biens de ce monde) ; il n'a pas le panache de tout sacrifier pour se hisser face à Dieu, comme le fera Dom Juan devant le Commandeur. Selon le point de vue adopté, Tartuffe voit donc son caractère odieux se nuancer, parfois s'effacer pour apparaître séduisant. Le dénouement ne laisse cependant aucun doute sur la fausseté du personnage. Dès la scène 2 du premier acte, Cléante avait averti le public de l'hypocrisie extrême de Tartuffe: « Lui, qui connaît sa dupe et qui veut en jouir, Par cent dehors fardés a l'art de l'éblouir.« Comme imposteur, il excelle en matière de dévotion. Sa bassesse augmente proportionnellement à la perfection avec laquelle il imite le vrai dévot. Aussi, à la scène l de l'acte IV, lorsqu'avec le langage chrétien de la charité il refuse le pardon à Damis, Tartuffe se voit-il condamné de tous, des personnages comme des spectateurs. Plus la fin de la pièce approche, plus la fausseté et l'ambition de Tartuffe se manifestent: l'hypocrite devient truand et plus personne n'en est la dupe. HYPERLINK "http://jocelyne.vilmin.free.fr/wp-content/Le%20Tartuffe.pdf" \l "page=1" \o "Page 1" HYPERLINK "http://jocelyne.vilmin.free.fr/wp-content/Le%20Tartuffe.p...

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