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TROISIÈME ACTE SCÈNE 1 du DOM JUAN DE MOLIERE

Publié le 22/02/2012

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Dom Juan, en habit de campagne et Sganarelle en habit de médecin devisent en cheminant. Sganarelle est très fier de la considération que lui vaut son habit qu'il a racheté à un mont-de-piété où un vieux médecin l'avait mis en gage. Il s'ensuit un plaisant échange de vues sur le médecine. De l'impiété en médecine Sganarelle explique à Dom Juan que sur la foi de son habit, des paysans sont venus lui demander des ordonnances. Sganarelle se faisant passer pour médecin les a soignés «à l'aventure». «Ce serait une chose plaisante», ajoute-t-il, «si les malades guérissaient et qu'',on m'en vint remercier».
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« Cependant, il y a une relation logique entre l'impiété de Dom Juan en médecine et son impiété en religion.

Dans lesdeux cas, le libertin refusait de se plier au principe d'autorité, des médecins, d'une part qui prétendent parler au nomde la science, et en jargonnant un latin de cuisine incompréhensible au commun des mortels, pour mieux cacher leurignorance, des prêtres, des prédicateurs et théologiens, de l'autre, qui se prétendaient les intermédiaires obligésentre les hommes et Dieu.Dans les deux cas il y a captation de pouvoir, il y a une autorité empruntée par une caste qui s'approprie le savoirpour abuser les esprits faibles.On voit tout le parti que l'on pouvait tirer de cette assimilation entre les charlatans de la médecine et leurshomologues cléricaux.C'est Sganarelle que son habit met en humeur de disputer qui engage la controverse sur le terrain de la religion. De l'impiété en religionLes questions qu'il pose à son maître amènent celui-ci à exprimer le fond de sa pensée.

Dom Juan si prudent avectous ceux qui représentent à quelque degré que ce soit l'autorité, tous ceux, en général, avec qui il a des rapportsde force, est parfaitement sincère avec son valet.Loin de feindre, il déclare des opinions qui étaient à l'époque très compromettantes et pour lesquelles on risquait definir sur le bûcher.Il ressort de ses réponses qu'il ne croit pas au Ciel, c'est-à-dire, à Dieu et par voie de conséquence à l'Enfer et audiable, donc il ne redoute pour ses actes ni récompense ni châtiment qui viendraient après la mort.

Dom Juan necroit qu'en la raison, et aux vérités scientifiquement, mathématiquement démontrables, il croit seulement que « deuxet deux sont quatre ».

Dom Juan professe un rationalisme qui contrairement à celui de Descartes ne ménage aucuneouverture vers la croyance dans l'existence de Dieu.

Au contraire, loin de mener vers l'idéalisme, le positivisme rigidede Dom Juan a pour corollaires l'athéisme et le matérialisme. Sganarelle va faire sombrer le débat dans le ridicule en mettant sur le même plan Dieu, l'Enfer, le diable et le moinebourru.

Ici, Molière annonce les procédés dont useront plus tard Voltaire et les philosophes des lumières pourdiscréditer la religion.

Non seulement Sganarelle met l'objet de la superstition populaire au même rang que lesdogmes les plus sacrés, que même la foi dans un seul Dieu, mais il met ce personnage douteux au comble de lagradation qu'il ménage savamment pour tester le degré d'incrédulité de son maître.

Et il s'exclame : «Et voilà ce queje ne puis souffrir, car il n'y a rien de plus vrai que le Moine Bourru, et je me ferais pendre pour celui-là! »A la médecine ramenée à un boniment de charlatans correspond la religion ramenée à des préjugés stupides.Sganarelle va répondre à la proclamation d'impiété de son maître en se livrant à une parodie burlesque dedémonstration apologétique.Le contenu de son discours reprend les principaux arguments d'ordinaire invoqués par les apologistes dans leur soucide convaincre les incroyants, mais la forme sous laquelle il tourne ces idées les ridiculise.

On retrouve, en effet,dans ce fatras, le raisonnement dit des « causes finales » qui revient à dire que le monde n'a pas été fait au hasardmais en vue d'une fin supérieure.

La création suppose un créateur : «Je voudrais bien vous demander qui a fait cesarbres-là, ces rochers, ces terres, et ce ciel que voilà là-haut, et si tout cela s'est bâti de lui-même.

»Peu à peu, son discours qui s'articulait assez correctement et sérieusement au début, devient d'un simplismecaricatural : « Vous voilà vous, par exemple, vous êtes là: est-ce que vous vous êtes fait tout seul, et n'a-t-il pas fallu quevotre père ait engrossé votre mère pour vous faire? » Décontenancé par le silence de Dom Juan dont le laconisme contraste avec la volubilité de son valet, Sganarelles'embrouille dans sa démonstration qui témoigne d'une assimilation très approximative des vérités de la religion.Comme s'il répétait une leçon apprise sans bien en comprendre le sens.

Tout à son enthousiasme philosophique, il sedémène si bienpour montrer quelle machine admirable est le corps humain qu'il tombe.

Dom Juan conclut froidement : « Bon! voilàton raisonnement qui a le nez cassé.

»Il faut reconnaître que si Molière a voulu opposer en Sganarelle la foi du charbonnier à l'impiété de Dom Juan, il nepouvait plus mal s'y prendre pour faire triompher la religion.

Les bouffonneries de Sganarelle contrastent trop avec lasupériorité intellectuelle de Dom Juan pour laisser de doute sur les intentions satiriques et polémiques qui inspirentcette scène.

Sans que l'on en déduise quoi que ce soit de certain quant aux convictions intimes de l'auteur, car teln'est pas le propos, il faut constater que cette controverse relève de la pure parodie.Sans doute faut-il rattacher ce grand moment de théâtre à une veine populaire et carnavalesque toujours trèsprésente chez Molière et qui à travers Rabelais remonte à une tradition du Moyen Age illustrée par les textes laisséspar les Goliards, ces Carmina burana, où l'on tournait en dérision les thèmes sacrés.

Mais l'Eglise était beaucoup plustolérante en ces temps médiévaux et acceptait ce genre de défoulement mieux qu'à l'époque de Molière.

Les guerresde Religion avaient laissé des traces encore vives et avaient rendu les autorités ecclésiastiques beaucoup plussourcilleuses.

En tout cas, il est intéressant de voir ce que Molière avait fait d'une oeuvre précisément inspirée parla politique de la Contre-Réforme et destinée à corriger des moeurs relâchées.

Dans la scène suivante, Molière estallé encore plus loin dans l'exploitation théâtrale d'idées prohibées et la transgression des tabous.. »

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