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Variété de l'art de Sophocle. Sa langue et son style.

Publié le 12/03/2011

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sophocle

   I    En fait, sous des ressemblances incontestables, nous avons reconnu, dans les œuvres étudiées, plusieurs types dramatiques assez différents. Et si nous nous rappelons que ces sept pièces ne formaient qu'une très petite partie du théâtre de Sophocle, nous ne pouvons douter que, dans un si grand nombre de tragédies disparues, bien d'autres variations encore ne fussent à noter. Les fragments qui en restent sont trop courts, trop décousus et presque toujours trop difficiles à interpréter, pour qu'il soit possible d'en faire aujourd'hui un relevé complet. Quelques-unes de ces variétés toutefois sont encore assez apparentes. Il ne sera pas sans intérêt de les signaler.    Aristote, dans sa Poétique, distingue trois sortes de tragédies qu'il appelle, l'une complexe, la seconde pathétique, la troisième éthique. Substituons à ces termes vieillis d'autres dénominations équivalentes, mais plus expressives pour nous. On aura une tragédie d'intrigue, une tragédie de passion, une tragédie de mœurs. Pour nous, depuis longtemps habitués à des combinaisons dramatiques que l'antiquité ignorait, aucune pièce de Sophocle ne peut être considérée comme une tragédie d'intrigue. Ecartons donc ce premier terme. Mais retenons les deux autres qui peuvent nous aider à préciser certaines de nos impressions.

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« cette légende, Œnomaos avait promis sa fille à celui qui réussirait à l'emmener sur son char jusqu'à l'isthme sans quelui-même l'eût rejoint ; il annonçait d'ailleurs l'intention de le poursuivre avec un attelage merveilleux, dont le dieuArès lui avait fait présent, et de le tuer s'il l'atteignait.

Hippodamie, éprise ardemment de Pélops, persuada àMyrtilos, conducteur de l'attelage, d'ôter les écrous des essieux.

Œnomaos tomba de son char renversé et périt,soit dans sa chute, soit, suivant une autre version, delà main de Pélops On n'imagine pas comment le poète auraitpu traiter ce sujet sans y représenter la passion d'Hippodamie, qui était le ressort naturel de l'action.

Aristophane enparodia quelques vers dans ses Oiseaux en 414. Une autre légende du Péloponnèse, celle de Tyro, fille du roi d'Elis Salmoneus, fut mise deux fois sur la scène parSophocle.

D'après Apollodore, Tyro, épouse de Crétheus, ayant été secrètement aimée du dieu Poséidon, avait eude lui deux fils, Pélias et Néleus.

Ceux-ci, exposés par leur mère, furent recueillis et élevés par un paysan.

Pendantce temps, Tyro, sans doute victime des soupçons de Crétheus, semble avoir été répudiée par lui et réduite à lacondition de servante.

Ainsi humiliée, elle était, en outre, maltraitée par la nouvelle femme de Crétheus, Sidéro,peut-être après la mort de Crétheus.

Mais Pélias et Néleus avaient grandi.

Ayant reconnu leur mère, ils la vengèrenten tuant Sidéro.

Ni l'une ni l'autre des deux pièces que Sophocle avait tirées de cette légende ne nous est connue.Mais, comme Tyro était l'héroïne de l'une et de l'autre, il n'est guère possible de douter que la vengeance exercéepar ses fils sur Sidéro ne fut justifiée par des scènes où se manifestait la violence de celle-ci, inspirée par lajalousie. Faut-il rappeler aussi la légende célèbre de Procné et de Philomèle qui a fourni à Sophocle le sujet de son Téreus ?Suivant le même mythographe, Téreus le thrace, fils d'Arès, étant venu au secours du roi d'Athènes Pandion, reçutde lui, en récompense, la main de sa fille Procné.

Il eut d'elle un fils nommé Itys.

Mais, infidèle à Procné, il s'éprit desa belle-sœur, Philomèle, en lui faisant croire que Procné était morte, et il l'épousa.

Craignant toutefois qu'elle nerévélât sa fourbe, il lui coupa la langue.

Philomèle, quoique devenue ainsi muette, découvrit Procné, que Téreusavait cachée et lui fit connaître, au moyen d'une broderie, ce qui s'était passé.

Alors Procné, dans sa fureur, tuason propre fils, Itys, fit bouillir ses membres et les servit à Téreus.

Cette histoire, passablement barbare, s'achevaitpar un miracle, la métamorphose des trois personnages en oiseaux.

On ne saurait dire si le poète avait réussi à tirerde là un chef-d'œuvre.

Mais ce qu'on est en droit de penser, c'est qu'il avait dû en faire assurément une tragédie depassion, dans toute la force du terme.

Il y est fait allusion également dans les Oiseaux d'Aristophane. A ces exemples, on pourrait en ajouter plusieurs autres, et notamment la Phèdre, qui semble avoir précédél'Hippolyte d'Euripide, mais dont, malheureusement, nous ne savons que peu de chose.

Quelle que soit la part à faireà l'incertitude, lorsqu'il s'agit de pièces perdues et si mal connues, l'énumération qui précède suffit à prouver queSophocle n'avait pas mis seulement sur la scène les passions généreuses qui animent son Ajax, son Antigone et sonElectre.

En fait, tous les mouvements violents qui peuvent agiter l'âme humaine lui paraissaient relever de latragédie.

Et nous voyons que, pour alimenter sa production dramatique, il a puisé largement dans la traditionlégendaire, où les crimes n'étaient pas moins abondants que les actes d'héroïsme. Il y a pris aussi des sujets qui se prêtaient plus aux fantaisies de l'imagination poétique et à des scènes gracieusesqu'aux émotions proprement tragiques.

Le premier succès qu'il remporta au théâtre fut celui de son Triptolème, jouésuivant le témoignage de Pline l'Ancien vers 468.

Le jeune héros d'Eleusis y était représenté comme voyageant àtravers la terre d'après les instructions de la déesse Déméter, pour communiquer aux diverses nations humaines cequ'elle lui avait appris à lui-même, à savoir l'art de cultiver le blé et d'en faire du pain.

Monté sur un char attelé dedeux dragons, présent de la déesse, sa protectrice, il parcourait l'espace avec une facilité merveilleuse.

Il estpossible que, pour mêler à sa pièce un élément tragique, le poète eut donné quelque importance aux mauvaisdesseins du roi des Gètes, Carnabon, qui, après avoir bien accueilli Triptolème, avait cherché, disait-on, à le fairepérir et avait même tué un de ses dragons.

Mais les fragments assez nombreux qui nous restent de la piècesemblent bien dénoter que la description des pays y tenait, en tout cas, une large place, le jeune poète ayant imitélibrement certaines scènes du Prométhée enchaîné et du Prométhée délivré d'Eschyle.

Géographie quelque peufantaisiste évidemment, qui a pu être, non sans raison, critiquée par Strabon, mais qui probablement avait plu auxAthéniens du temps, justement par le charme d'une invention qui se jouait très librement autour d'une certaineréalité ! Deux autres pièces peuvent être rapprochées de celle-là, parce qu'elles appartiennent toutes deux également à lajeunesse de leur auteur, et parce que, ni l'une ni l'autre, ne paraissent avoir pu comporter d'effets bien tragiques.Ce sont Nausicaa et Thamyras.

La première révèle par son titre sa nature.

Deux témoignages anciens nousapprennent d'ailleurs que Sophocle y tenait personnellement le rôle de Nausicaa et qu'il fit admirer son adresse àjouer de la balle.

C'était donc, quant au dessin général, le VIe chant de Y Odyssée transporté au théâtre.

Nul nepeut douter qu'en s'inspirant d'Homère, Sophocle n'eût renouvelé, avec la grâce attique la plus délicate, lacharmante invention du vieil aède ionien.

Mais il est évident qu'il n'avait pu y introduire aucune des fortes émotionsqui appartiennent en propre à la tragédie.

C'était uniquement par la fine peinture des sentiments qu'il lui avait étépossible d'y suppléer.

Le Thamyras avait pour sujet la triste aventure du citharède thrace de ce nom, à laquelle ilest fait allusion dans un passage de l'Iliade.

Célèbre par son talent, Thamyras avait eu, disait-on, l'audace de défierles Muses elles-mêmes.

Indignées, les déesses lui retirèrent le don du chant et lui firent oublier l'art qui avait fait sagloire.

Nous lisons dans la Vie anonyme de Sophocle, qu'en jouant le rôle de Thamyras, il fit admirer son talent sur lacithare et qu'il fut représenté dans le Pœcile, tenant à la main cet instrument.

On peut conclure de là que Thamyrasavait l'occasion dans la pièce de se montrer excellent artiste ; ce qui donne à penser que, si son sort, audénouement, pouvait inspirer la pitié, l'ensemble du rôle était plutôt fait pour charmer le public et pour lui fairegoûter de beaux morceaux de chants accompagnés par la lyre.. »

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