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Vesper - MONTHERLANT, Les Olympiques

Publié le 22/02/2012

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montherlant
Le stade n'est que silence et solitude. Les réflecteurs s'éteignent un à un. Les vitres des vestiaires s'éteignent, toutes ensemble. Quelque chose s'éteint. Il n'y a plus qu'un garçon, là-bas, qui lance le disque dans la nuit descendue. La lune monte. Il est seul. Il est la seule chose claire sur le terrain. Il est seul. Il fait pour lui seul sa musique pure et perdue, son effort qui ne sert à rien, sa beauté qui mourra demain. Il lance le disque vers le disque lunaire, comme pour un rite très ancien, officiant de la Déesse Mère (2), enfant de choeur de l'étendue. Seul — tellement seul —, là-bas. Il fait sa prière pure et perdue. MONTHERLANT, Les Olympiques, 1924. Introduction. Lui-même grand sportif, footballeur et torero à ses heures, Montherlant a consacré au sport, avec Les Olympiques, une suite de poèmes — inspirés des dédicaces olympiques de la haute époque grecque — et des réflexions sur la pratique et la philosophie du sport. Vesper, un des chants tirés de ce livre, impose une idée particulière de l'athlète, proche de la statuaire grecque, que nous allons découvrir au travers d'une mise en situation qui place le sportif hors de toute finalité de compétition. Dès lors, nous pourrons nous demander quelle dimension atteint le discobole de Montherlant ?
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« ce domaine.

Avec Le Discobole, il se détournait du réalisme (cf.

Montherlant) pour ne retenir que l'expression la plussignificative de l'action.Le poème fonctionne comme une tentative pour immortaliser, à la façon d'une sculpture, cette « beauté qui mourrademain ». b) L'homme qui regarde.La solitude de l'athlète est compromise par le voyeurisme du poète-sculpteur.

« Là-bas », répété deux fois, et « ilest la seule chose claire sur le terrain » suppose l'avidité d'un regard qui observe ce spectacle dont la pureté et labeauté le ravissent.

En même temps qu'il rayonne, l'athlète se distancie, se dérobe, fascine : « La solitude existedans l'espace.

Votre tête, là, maintenant, quand je la regarde, émerge dans le vide sur ce fond de ciel », dit lesculpteur Giacometti.Mais ce regard préserve de l'anéantissement, grâce à l'écriture, cette « musique » du geste, cette « prière », qui,du coup ne sont pas tout à fait « perdue(s) ». III.

La mise en rapport avec le cosmos. a) Le stade est un temple.Ne parle-t-on pas des dieux du stade ? Celui-ci est à l'image du divin, fait de paix, de mesure et de recueillement(cf.

les temples grecs et l'origine du mot temple, terme lié au départ à l'observation des astres.

« Templum »désigne primitivement le secteur de ciel que l'augure délimite avec son bâton).

Penser aussi que les olympiades descités helléniques de l'Antiquité (Olympe, Delphes, Corinthe, Némée...) furent fondées et continuées dans un butreligieux.Dans ce texte, l'athlète se livre à un de ces cultes primitifs : « Officiant de la Déesse Mère », Artémis, identifiée à lalune.

Étude du symbolisme de la lune liée au devenir cyclique (cf.

ailleurs dans Les Olympiques : « Je sais que je suisle siège d'une puissance aussi mystérieuse que l'électricité ou le génie, la forme, qui vient, s'en va, revient, sansraison et en dehors de toute règle connue.

») Elle évoque la beauté, la lumière dans l'immensité ténébreuse.Ce temple est un point de rencontre entre l'athlète et le cosmos (étude des mouvements ascendants etdescendants et des correspondances établies par Montherlant entre les éléments terrestres et cosmiques : « la lunemonte », « il lance le disque vers le disque lunaire », « disque »/« disque lunaire », clarté/clarté de la lune/clarté del'athlète). b) Élévation.« La lune monte » : dans sa phase ascendante, elle représente une influence favorable.

« L'officiant » d'Artémisdevient « l'enfant de choeur de l'étendue ».

Il adresse son geste, pur et beau comme une musique, à l'immensitécosmique, à cette étendue « vaste comme la nuit » (Baudelaire, Les Correspondances).

L'athlète atteint un étatd'enchantement silencieux et secret, dû à cette harmonie ; il est désormais dans un monde où les lois ordinairessont abolies, où la pesanteur terrestre n'existe plus, où le disque perd sa matérialité en s'élevant dans le ciel commeune « prière ».

Il convient ici d'étudier le rythme dilaté du poème, les sonorités feutrées des constricives (F, S, V),l'effet produit par les échos sonores (S dans le premier verset, V dans le second) et l'effet produit par les liquides(présence importante de la dentale L).S'associant au mouvement des étoiles et des astres, la force et l'épanouissement de l'athlète prennent des tonalitéstrès proches de l'idéal Baudelairien : relire cette phrase dite par le footballeur des Olympiques : « Je suis le sièged'une puissance aussi mystérieuse que l'électricité ou le génie (...) qui me donne (...) la plénitude d'un demi-dieu »et la rapprocher de ces vers d'Élévation de Baudelaire : « Au-dessus des étangs, au-dessus des vallées, Des montagnes, des bois, des nuages, des mers, Par-delà le soleil,par-delà les éthers,Par-delà les confins des sphères étoilées,Mon esprit, tu te meus avec agilité,Et, comme un bon nageur qui se pâme dans l'onde, Tu sillonnes gaiement l'immensité profondeAvec une indicible et mâle volupté.

» Conclusion. Ainsi se trouve fixé, par le poète qui semble pourtant en regretter l'évanescence, cet instant infime et parfait.Pour de nombreux sculpteurs, peintres ou photographes, l'effort artistique consiste également à retenir par le traitou le burin, un geste, un sourire ou une attitude.

On en trouverait de multiples exemples.

Citons simplement pourterminer, Le lanceur de disque, de Dunoyer de Segonzac, un dessin très proche de ce qu'a tenté ici Montherlant.. »

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