VEUILLOT Louis : sa vie et son oeuvre
Publié le 12/11/2018
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VEUILLOT Louis (1813-1883). Journaliste, romancier, poète, essayiste. Veuillot est resté avant tout un mythe, celui du dévot fanatique, du Don Quichotte réactionnaire et clérical, du « gredin béat » stigmatisé dans les Châtiments (IV, iv et VII). Caricaturé par Daumier, Nadar, Gill, il a inspiré aussi un dramaturge comme Augier (le Fils de Giboyer, 1862) et les romanciers — d’Eugène Sue à Zola en passant par George Sand et Cherbuliez. Son physique de lutteur plébéien, le visage grêlé par la petite vérole, mais aussi son itinéraire personnel (fils du peuple et journaliste gouvernemental passé au catholicisme militant) excitaient la verve, l’étonnement ou l’indignation de ses adversaires, tandis qu’il était vénéré comme le défenseur intrépide de 1 ’Église par les curés de campagne, les notables conservateurs, les congrégations ou, à l’étranger, les missionnaires et les minorités catholiques (Québec, Irlande...) — ce qui explique les tirages importants (dépassant parfois les cent mille exemplaires) de livres comme les Pèlerinages de Suisse (1839), Rome et Lorette (1841), Agnès de Lauvens (1842), le Parfum de Rome (1861) ou la Vie de N.S. Jésus-Christ (1864).
«
situation
ne déplaisait pas à Veuillot, qui avait le goOt
de la provocation et du paradoxe.
Lui-même était un
paradoxe vivant : nostalgique du passé, il était pourtant
«l'homme qui représentait Je mieux Je catholicisme
moderne » (P.
Larousse).
Il naquit à Boynes en Gâtinais, de parents illettrés.
Le
père, ouvrier tonnelier bourguignon, devint contremaître
aux entrepôts de Bercy, où la mère ouvrit un cabaret.
A
treize ans, au sortir de l'école mutuelle, il fut placé chez
Me Delavigne, avoué à Pari§.
dont les clercs le poussè
rent vers le journalisme : 1 'Echo de Rouen (1831-1832),
le Mémorial de la Dordogne ( 1832-1836), puis diverses
feuilles parisiennes.
Joyeux vivant, mais pudique et sen
timental, il ne donna nullement, comme le veut la
légende, dans la littérature légère et, s'il émargea aux
fonds secrets, ce fut comme fonctionnaire en surnombre
au ministère de l'Intérieur sous Guizot (Bureau de
l'esprit public, à ne pas confondre avec le journal qui
portera ce nom).
Entre-temps, i 1 s • était converti (à Rome, Pâques
1838), au terme d'un long cheminement que relatent
Rome er Lore•re et sa Correspondance.
Il rompit alors
ses liens avec les journaux gouvernementaux puis, peu à
peu, avec le ministère Guizot, pour relancer le quotidien
fondé par l'abbé Migne en 1833, l'Univers re li gie u x.
En
quelques années ( 1842-1848) le tirage passe de quinze
cents à cinq n:ille exemplaires.
le journal s'ouvre à l'ac
tualité littéraire et artistique, et, soutenu par Montalem
bert -non �ans frictions -, joue un rôle important
dans la campagne contre le monopole de l'Université,
polémique qui vaut un mois de prison à Veuillot (1844).
En février 1848 il a enfin les coudées franches comme
rédacteur en chef, devient un soutien recherché du parti
de l'ordre, mais refuse d'être candidat aux élections.
de
prendre parti entre Cavaignac et Louis-Napoléon, et ne
se rail ie au coup d • État que le 5 décembre 1851.
La
répression, parce qu'elle touche cette fois la bourgeoisie
anticléricale, ne suscitera de sa part aucune des réserves
qu'il émit en juin 1848 et mai 1871.
Sa verve se donne
désormais libre cours contre ses coreligionnaires libé
raux, auxquels il reproche leur complaisance au monde
moderne, leur gallicanisme, et même la faible place
accordée aux auteurs chrétiens dans 1 'enseignement
(querelle dite des humanités ou des classiques, en 1852).
M&' Dupanloup et M•' Sibour essaient en vain d'interdire
1' Univers à leur clergé : Veuillot a la confiance de Pie IX,
qu'il renconue une première fois en 1853, dont il sou
tient la doctrine intransigeante (il fut même consulté
pour la rédaction du Syllabus de 1864) et entretient la
popularité auprès des fidèles jusqu'à la proclamation de
l'infaillibilité en 1870.
Le 29 janvier 1860, l'Univers est supprimé pour son
opposition irréductible à la politique italienne de Napo
léon Ill; Veuillot sera privé de son journal pendant sept
ans.
Mais il sort de l'épreuve avec un prestige accru,
jusqu'auprès de ses adversaires: c'est l'époque où lui,
qui avait rompu en 1838 avec la bohème, Nerval, Tous
sene! et les autres, devient l'ami de Nadar, Baudelaire,
Houssaye, où Pierre Larousse tente (en vain) d'obtenir
une critique de son dictionnaire, où les Odeurs de Paris
sont attendues comme un événement littéraire (nov.
1866).
Cependant, après 1870, au moment où son talent
s'épanouit avec plus de négligé.
de hauteur, d'épanche
ment (voir Paris pen.dam les deux sièges, 1871), l'in
fluence de Veuillot décroît, du fait de la concurrence
d'autres journaux et surtout parce qu'il n'est pas
l'homme des subtilités dans lesquelles s'engagent la
droite parlementaire (il s'est rallié au comte de Cham
bord en janvier 1871) et la diplomatie vaticane : Pie IX
le rappelle même à l'ordre en 1872 et le gouvernement
de Broglie suspend deux fois 1' Univers en 1874.
Malade, Veuillot
dicte ses derniers articles en 1879 et 1880.
Veuf
de bonne heure, ayant perdu quatre de ses six filles, il
vivait étroitement entouré par son frère Eugène et sa
sœur Élise : l'Univers était devenu en avril 1867 une
entreprise familiale; mais Élise rompra en 1893 avec
Eugène, quand celui-ci acceptera le « ralliement >> des
catholiques à la République.
Veuillot est avant tout un écrivain de combat et son
œuvre en a souffert aux yeux de la postérité.
Elle a
pourtant exercé une influence considérable : Hello, Bloy,
Villiers, Claudel s'en sont réclamés.
Ses vers nous
paraissent aujourd'hui médiocres, mais les Couleuvres
(1869) figuraient dans la petite bibliothèque personnelle
de Rimbaud.
Capable d'écrire un superbe article au
« style mi-solennel, mi-canaille» (Huysmans), où
s'équilibrent « le mouvement et les raisons, l' erlzos et le
pathos, l'action et la dialectique>> (Thibaudet), voire de
rédiger un impeccable pamphlet dialogué, comme
l'Esclave Vindex ( 1849) contre la révolution bourgeoise,
Veuillot s'essouffle vite dès qu'il ne prend plus appui
sur les ridicules et les contradictions de l'adversaire : les
Libres Penseurs ( 1848), le Parfum de Rome et même les
Odeurs de Paris tiennent trop souvent du fatras ou du
prêche.
Il n'en reste pas moins un des grands critiques littérai
res de son temps.
Sa volonté moralisatrice est parfois
pesante.
Elle le tient à l'écart des grands romanciers et
même de Barbey.
Mais elle ne l'empêche pas d'admirer
Sand, Hugo, Sainte-Beuve.
Elle lui permet de dénoncer
J'engouement de son siècle pour Béranger, Scribe, Feuil
Jet ou les parnassiens.
Elle l'incite à percer les mobiles
secrets des artistes -voir les Études sur Victor Hugo
rassemblées par son frère Eugène en 1885.
Souvent sans nuances ou englué dans une vision pro
videntialiste de l'histoire, le journaliste politique a par
fois aussi le coup d'œil de 1' aigle, annonçant en 1845
que l'Algérie ne serait jamais sOre pour la France si elle
restait musulmane, mettant en garde dès 1859 contre
l'impérialisme allemand, ou brossant (le 21 juillet 1859)
le tableau extraordinaire d'un totalitarisme à venir fondé
sur la bureaucratie et la puissance de l'armement.
Enfin sa Correspondance (près de cinq mille lettres
répertoriées), qui révèle parfois un autre homme, mélan
colique et tendre, fait de lui un des grands épistoliers
français.
BIBLIOGRAPHIE
Éditions.
-Des Œuvres complètes ont été éditées (Paris,
Lethielleux) de 1923 à 1940 : 14 vol.
d'Œ uvr es diverses, 12 vol.
qe Correspondance, 14 vol.
de Mélanges (recu ei ls d'articles).
A consulter.
-Sainte-Beuve.
Nouveaux Lundis, 1861 (1.
1);
J.
Lemaître, les Contemporains, 1894 (6• série): E.
Veu ill ot,
Louis Veuillot, Paris, 4 vol., t899, 1901, t904 et 1913:
M.L.
Brown, Louis Veuillot, Durham (U.S.A.).
Moo re .
1977:
B.
Le Roux.
Louis Veuillot, 1m homme, un combat, Paris, Téqui,
1984..
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