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Victor HUGO (Recueil : Les châtiments): Au peuple

Publié le 17/01/2022

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hugo

 

Il te ressemble ; il est terrible et pacifique. Il est sous l'infini le niveau magnifique ; Il a le mouvement, il a l'immensité. Apaisé d'un rayon et d'un souffle agité, Tantôt c'est l'harmonie et tantôt le cri rauque. Les monstres sont à l'aise en sa profondeur glauque ; La trombe y germe ; il a des gouffres inconnus D'où ceux qui l'ont bravé ne sont pas revenus ; Sur son énormité le colosse chavire ; Comme toi le despote il brise le navire ; Le fanal est sur lui comme l'esprit sur toi ; Il foudroie, il caresse, et Dieu seul sait pourquoi ; Sa vague, où l'on entend comme des chocs d'armures, Emplit la sombre nuit de monstrueux murmures, Et l'on sent que ce flot, comme toi, gouffre humain, Ayant rugi ce soir, dévorera demain. Son onde est une lame aussi bien que le glaive ; Il chante un hymne immense à Vénus qui se lève ; Sa rondeur formidable, azur universel, Accepte en son miroir tous les astres du ciel ; Il a la force rude et la grâce superbe ; Il déracine un roc, il épargne un brin d'herbe ; Il jette comme toi l'écume aux fiers sommets, Ô peuple ; seulement, lui, ne trompe jamais Quand, l'oeil fixe, et debout sur sa grève sacrée, Et pensif, on attend l'heure de sa marée.

 

L'océan est comparé, comme souvent chez Hugo, à un miroir. Mais l'image flatteuse, de prime abord, a aussi son revers. Si l'océan reflète bien le ciel en acceptant « tous les astres«, c'est qu'il constitue un « niveau«, c'est-à-dire une frontière qu'il est dangereux de franchir; il a des «gouffres inconnus« où il vaut mieux ne pas s'aventurer.  Des actes énigmatiques. Ses actions les plus symboliques sont souvent désignées par des verbes intransitifs ou employés intransitivement («germer«, « chavirer«, «foudroyer«, « caresser«, «rugir «, « dévorer«...), comme si ces actes se déroulaient sans direction claire : que « dévorera demain« le peuple-océan ? L'absence de réponse montre à quel point le bien peut basculer facilement dans le mal.

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« signifier donne en même temps au poème le sens d'un rappel à l'ordre.

Un discours équivoque Tout en soulignant les immenses potentialités du peuple, le poète en montre également l'ambivalence : sa puissancepeut se faire l'instrument de la justice tout comme elle peut engendrer le chaos.Des termes ambigus.

Si l'image de l'océan s'impose peu à peu, en revanche le mot lui-même n'apparaît pas dans lepoème.

Tout se passe comme si l'auteur voulait lui garder un caractère mystérieux.

Plus encore : certainesexpressions, par leur ambiguïté, ouvrent la voie à plusieurs interprétations contradictoires.

Ainsi, comment entendrele mot « bravé» au vers 8? S'agit-il d'un acte de courage ou d'un défi orgueilleux? Dans l'un ou l'autre cas, lejugement porté sur l'océan ne sera pas le même.

Et le début du vers 10, « comme toi despote», si l'on ne prend pasgarde à l'absence de virgule, ressemble vraiment à une condamnation.

Quant au glissement du mot poétique «onde» au terme synonyme « lame», il a un aspect guerrier inquiétant.Un symbole ambivalent.

L'océan est comparé, comme souvent chez Hugo, à un miroir.

Mais l'image flatteuse, deprime abord, a aussi son revers.

Si l'océan reflète bien le ciel en acceptant « tous les astres», c'est qu'il constitueun « niveau», c'est-à-dire une frontière qu'il est dangereux de franchir; il a des «gouffres inconnus» où il vaut mieuxne pas s'aventurer.Des actes énigmatiques.

Ses actions les plus symboliques sont souvent désignées par des verbes intransitifs ouemployés intransitivement («germer», « chavirer», «foudroyer», « caresser», «rugir », « dévorer»...), comme si cesactes se déroulaient sans direction claire : que « dévorera demain» le peuple-océan ? L'absence de réponse montreà quel point le bien peut basculer facilement dans le mal.

D'où l'incohérence apparente du peuple : ses attitudescontradictoires le font passer brutalement de l'apaisement à l'agitation, de l'harmonie à la dissonance, de lasauvagerie («force rude») à la clémence (« épargne») ; il reflète le ciel mais il peut devenir aussi une puissanceinfernale et ses réactions ont souvent un caractère imprévisible.

En lui, «germe» la trombe ; ses débordementschaotiques n'obéissent à aucune loi et ses révoltes, ses marées, pour reprendre l'image finale, ne se produisentjamais au moment attendu.Le chaos.

L'image du chaos n'apparaît pas ici de manière explicite mais elle affleure constamment dans la structuremême du poème, construite à partir de fortes antithèses.

Les propositions sont, la plupart du temps, simplementjuxtaposées (4 phrases mais 14 points-virgules).

Les éléments, quand ils sont liés explicitement, le sont par un « et»au caractère souvent ambigu, autant relatif qu'adversatif (comme on le constate notamment aux vers 4, 12 et 21).La confusion s'étend à la syntaxe elle-même, avec l'anacoluthe* de la seconde phrase (v.

4-5) et la distorsionmarquée entre phrase et versification, qui donne l'impression d'un univers décomposé, en particulier à la fin dupoème (deux rejets, « 0 Peuple», « Quand», un rythme saccadé, l'utilisation systématique de l'apposition), aumoment précis où disparaît l'identification entre l'océan et le peuple. CONCLUSION Dans cette comparaison du peuple avec l'océan, Victor Hugo élabore un véritable mythe du peuple.

A l'aide d'imagespuissantes, il procure à son interlocuteur collectif unité et prestige, magnifiant jusqu'à la foule elle-même.

Ceportrait illustre la façon dont le poète conçoit son rôle dans la cité : mettre en mouvement par la puissance de sonverbe, cristalliser par ses images les tendances profondes de l'époque.. »

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