Waterloo. L'Expiation. Hugo (commentaire)
Publié le 14/02/2012
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Derrière un mamelon la garde était massée. La garde, espoir suprême et suprême pensée ! « Allons ! faites donner la garde ! « cria-t-il. Et, lanciers, grenadiers aux guêtres de coutil, Dragons que Rome eût pris pour des légionnaires, Cuirassiers, canonniers qui traînaient des tonnerres, Portant le noir colback ou le casque poli, Tous, ceux de Friedland et ceux de Rivoli, Comprenant qu'ils allaient mourir dans cette fête, Saluèrent leur dieu, debout dans la tempête. Leur bouche, d'un seul cri, dit : vive l'empereur ! Puis, à pas lents, musique en tête, sans fureur, Tranquille, souriant à la mitraille anglaise, La garde impériale entra dans la fournaise. Hélas ! Napoléon, sur sa garde penché, Regardait, et, sitôt qu'ils avaient débouché Sous les sombres canons crachant des jets de soufre, Voyait, l'un après l'autre, en cet horrible gouffre, Fondre ces régiments de granit et d'acier Comme fond une cire au souffle d'un brasier. Ils allaient, l'arme au bras, front haut, graves, stoïques. Pas un ne recula. Dormez, morts héroïques !
1 Quel est le sujet de ce fragment ?
2 Quelle en est la composition ?
3 Expliquer nettement le sens et la valeur des mots soulignés.
4 Où, quand et pourquoi ces vers s'écartent-ils de la règle énoncée par Boileau:
Que toujours dans vos vers le sens coupant les mots
Suspende l'hémistiche, en marque le repos.

«
puffs la calme resignation des braves qui
souriant a la mitraille anglaise,
vont a la mort en poussant irers Cesar leur to morituri salutant; enfin la
male douleur de Napoleon, dont s'evanouit le supreme espoir a mesure
que, dans cet horrible goulTre,
Fondent ces regiments de granit et d'acier,
Comme fond une cire au souffle d'un brasier.
En maniere de conclusion, Hugo renferme l'eloge funebre des heros
dans cet hemistiche Dormer! morts heroiques.
Par sa puissante imagination qui' si fortement evoque les scenes gran-
dioses, le poke a vu la garde dans les plaines de Waterloo; dans le cceur de
Napoleon, « l'homme inquiet 1., it a surpris la mêlée des sentiments divers :
tout cela, it le peint pan les units et les rythmes.
Les mots, qui donc, plus que Hugo,.
les a eus nombreux et dociles a sa
disposition? Les vocables se presentent .lui en foule et it ne se donne
pas toujours le loisir d'en faire un choix judicieux; on dirait qu'il les
aligne en enumerations naturelles ou fatigantes, obscures ou ecfatantes,
au hasard de leur apparition.
a son esprit.
'
Ici, nous n'avons pas a signaler ce defaut, dont le poke est coutumier; it
(Merit, enumere sans affectation, et les mots sont, en general, les plus justes
pour rendre la pensee.
En face de
La, plaine, oh frissonnaient les drapeaux dechires.
..oil les regiments, comme des pans de murs
Tombaient.
Napoleon fremit.
Il n'a plus qu'une poignee de braves.
De leur devouement,
it ne doute 'pas; mais leur &het sera une &route:
La garde, espoir supreme et supreme pensee,
La.
Garde imperiale, creee au camp de Boulogne, etait un corps d'elite
comprenant, au complet, un effectif de 80.000 homilies tepartis en vieille,
moyenne et jeune garde.
L'Empereur va-t-il l'engager? Elle est la, tranquille
pres « des mourants qu'on egorge massie en run de ces 'cartes, rem arts
d'acier contre lesquels tant de fois les efforts de l'Europe se sont brises.
Si
elle est vaincue, l'Empire s'ecroule; mais si l'Anglais et le Prussien reculent,
Ai$le plane toujours vainqueur sur les Tuileries, et le monde tremblant
()Mira aux ordres de son maitre.
Le maitre attend Grouchy; c'est Bliicher qui
parait : plus d'hesitation,
Allonsl faites donner la garde!
Et voila que s'ebranlent les grenadiers (1), soldats d'elite que Berlin,
Vienne et Moscou ont vus passer triomphants, et dont Rgine eat forme ses
plus vaillantes legions (2); les canonniers ers trainant apres tux, comme des
tonnerres, les engins meurtriers qui vont couvrir la plaine de bruit et
d'horreur.
Au .soleil reluisent leurs casques polis et les cones tronques de
leurs noirs kolbacks (3).
Us vont saluer l'Empereur qu'ils adorent comme
un dieu; l'Empereur qui les eat conduits au bout du monde, qui les a
fascines par 'son regard, seduits .par son habile familiarite, electrises par
ses harangues; l'Empereur pour .qui ils vont mourir, eestiniant heureux,
en echange de leur vie, de lui entendre dire encore ; « Soldats, je compte
sur vous Une telle mort leur apparait toinme.
une'fete.
Impassible au sein de l'effrayant tumulte de la bataille,.
:de la tempete
dont le fracas sinistre se repercute au loin, Napoleon est debout sur une
, l'origloe, les grenadiers etaient charges de lancer It la main de petites bombes ou grenades.
leg,ioxi-romaine an templet comprenait 6.600 hommes on legionnaiies:.ILenr bravOure et leur dis-
cipline les .conduisirent A la conquAte du monde.
_
,
3.
Kolback, sorte de bonnet A poll, ports en Turquie par certaines castes.
Lea chasseiri A cheval en
Brent usage, pour la premiere.fois,.au retour de l'expedition d'EgYpte.-,
pÜÏ.sla calme résignation des braves qui
souriant à la mitraille anglaise,
vont à la mort en poussant .V-ers Cés~r leur te morituri salutant; enfin la
mâle douleur de Napoléon, dont s'évanouit le suprême espoir à mesure
que, dans ' cet horrible gouffre, Fondent ces régiments de.
granit et d'aerer,
Comme fqnd une çire au souffle.
d'un brasier.
En manière de conclusion, v.
Hugo renferme l'éloge funèbre dans cet hémistiche : · Dorme!ZI.
morts héroïques •
.
..
des héros
Par sa puissante ii~aginati9n ,qui· si fortement évoque les scènes gran dioses, le poète a vu largardé dans les plaines de Waterloo; dans le cœur de Napoléon, « l'homme inquiet», il a surpris la mêlée de~ sentiments divers : tout cela, il le peint p~r,Jes mots: et les ryth~es.
.
Les mots, qui donc, plus que Hugo,.
les a eus nombreux et dociles à sa disposition? Les vocablës se présentent à lui en foule et il ne se donne pas toujours le loisir d'en faire un choix judicieux; on dirait qu'il les
aligne en énumérations naturelles ou fatigantes,·.
obscures ou éclatantes, au hasard de leur apparitton.
à son esJ,Jrit.
· · Ici, nous n'avons pas à signaler ce defaut, dont le poète est coutumier; il décrit, énumère sans a~ectation, et les mots sont, en g~_néral, les plus justes pour rendre la pensée.
· En face de
La plaine, où frissonnaient les 'drapeaux déchirés
.
.
• où les régiments, comme des pans de murs Tombaient.
·
Napoléon frémit.
Il n'a plus qu'une poignée de braves.
De leur dévouement, il ne doute ·pas; mais _leur échec sera une déroute.
La garde, espoir suprême et suprême pensée,
.
La Garde impériale, créée au camp de Boulogne, était un corps d'élite comprenant, au complet, un effectif de 80.000 hommes répartis en vie~lle, inoyenrie et jeune garde.
L'Empereur va-t-il l'engager? Èlle est là, tranquille près « des mourants qu'on égorge », massée en l'un de ces carrés, remparts d'acier contre lesquels tant de fois les efforts de l'Europe se sont brises.
Si elle est vaincue, l'Empire s'écroule; mais si l'Anglais et le Prussien reculent,
l'Aigle plane toujours vainqueur sur les Tuileries, et le monde tremblant obéira aux ordres de son maitre.
Le maître attend Grouchy; c'est Blücher qui paraît : plus d'hésitation, ·
Allons/ faites ,donner la gardel
, ·Et voilà que s'ébranlent les grenadiers (1), !!Oldats d'élite que Berlin, Yienpe et Moscou ont vus passer triomphants, et dont RQ:me eût .formé ses plus vaillantes légions (2); les canonniers traînant après .eux, comme des tonnerres, les engins meurtriers qui vont couvrir la plaine de bruit et d'horreur.
Au soleil reluisent leurs casq~es polis ·et les cônes tronqués de leurs noirs kolbacks (3).
Ils vont saluer l'Empereur qu'ils adorent comme un dieu; l'Empereur qui les eût eonduit's au bout du monde, qui les a fascinés par 'son regard, séduits pa~ ~on habile fa~iliarité, .
électrisés pa,r ses harangues; l'Empereur pour qm Ils vont mourir, s'estimant heureux, en échange .de leur vie, de ·lui entendre dire encore ; ·«Soldats, je compte sur voust» Une telle mort leur apparaît eomme une:{êtl!.
Impassible au sein de l'effrayant tumulte de la 'bataille,.
de .la tempête dont le fracas sinistre se répercute a_u loin, Napoléon est debout sur une
, 1.; jll'orig,ijl~, les gre)ladic1'S étaient chargés de lancer à la main de.pe,\ites bollÙleS OU grenades.
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Kolback, sorte de bonnet à poil, porté en Turquie par certaines castes.
L)ls, ,epilss~ù~s· à cheval· en· firent usage, pour la première1~is,.au retour..~e l'expédition d'E!fYPte;~.;,,;.,.
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