Zazie dans le métro
Publié le 17/01/2013
Extrait du document
«
Mais son appétit est parfois d’ordre intellectuel : tout au long du film, elle entend satisfaire sa
curiosité et comprendre ce qu’est un « hormosessuel » (p.
65), question à laquelle
les adultes refuseront systématiquement d’apporter une réponse valable et qu’elle s’acharnera à
reposer avec plus ou moins de violence.
Le caractère sans limite de ses aspirations et de ses fantasmes est également illustré par sa
manière de se projeter dans l’avenir : elle désire d’abord être institutrice pour « faire
chier les mômes (…).
Ceux qu’auront [s]on âge dans dix ans, dans vingt ans, dans cinquante ans,
dans cent ans, dans mille ans, toujours des gosses à emmerder », puis se
ravise : elle sera astronaute pour « pour aller faire chier les martiens » (p.
23).
4.
Un être sans limites : ni convenance, ni politesse, ni tabou.
L’énergie de Zazie se déploie avec d’autant plus de vigueur qu’elle semble n’être bornée par aucune
limite de convenance.
Elle dit vertement à chacun ses vérités, sans retenue
aucune : son appréciation sur l’état de son taxi de Charles (« Il est rien moche son bahut » p.
12),
son avis sur le physique de la veuve Mouaque (« Et ma tante est drôlement
mieux que vott’ pomme » p.
129), l’hypocrisie de Pédro-surplus (« Alors, vous mentiez tout à
l’heure ? » p.
53).
Ces déclarations sont clairement revendiquées comme une
affirmation de liberté et d’indifférence à l’égard des adultes et de leurs règles : « Grandes personnes
mon cul » (p.
102) ; « la nouvelle génération, dit Zazie, elle t’… » (p.
16).
Sa parole n’est entravée par aucun tabou ; Zazie n’a en particulier aucune difficulté à aborder les
questions sexuelles.
Si son insistance sur « l’hormosessualité » de Gabriel
peut être mise sur le compte de l’ignorance, le récit du fait divers qui la met en scène avec ses
propres parents montre en revanche le naturel avec lequel elle aborde la question
de l’inceste (chap.
5).
On observe à cet égard une nette différence entre le roman et le film : Louis Malle a en effet
largement atténué la charge de scandale du chapitre 5 dans lequel Zazie raconte
la tentative d’inceste dont elle a été l’objet.
Certains passages, les plus innocents, sont audibles
tandis que ceux qui explicitent vraiment la tentative d’inceste sont rendus
inaudibles car la bande son est montée à l’envers et que les paroles sont couvertes par la musique
(26’).
Nous n’entendons donc pas ces passages du roman : « voilà qu’il se
met à me faire des papouilles zozées, alors je dis ah non parce que je comprenais où c’est qu’il
voulait en arriver le salaud », « il bavait même un peu quand il proférait ces
immondes menaces et finalement immbondit dssus » (p.
54).
5.
… et sans innocence ? L’écart entre le roman et le film
Zazie a donc une position plus radicalement étrangère aux questions sexuelles dans le film que dans
le livre, ce qui lui permet de poser ses questions sans créer de trouble sur
sa propre position.
C’est en ce sens que l’on peut interpréter l’écart d’âge qui sépare la Zazie du
roman de celle du film.
Louis Malle a expliqué son choix dans un entretien :
« Zazie, dans le roman, est un personnage de treize-quatorze ans, très petite femme ; elle a un côté
Lolita qui nous gênait beaucoup parce qu’il enlevait de la force à notre
démonstration et ça en faisait un personnage qui était un tout petit peu déjà du monde des adultes.
Alors on lui a enlevé quatre ans.
C’est une enfant » (« Entretien avec Louis
Malle », André FONTAINE, Le Monde, 27 octobre 1960).
Par « enfant », Louis Malle entend une
forme de pureté : « [Zazie] est, si vous voulez, un personnage pur et dur à
la fois, comme sont les enfants ».
Dans le roman, les passages qui abordent la question sexuelle sont plus nombreux et plus
explicites : aussi bien dans l’évocation des possibles pulsions pédophiles de Pédrosurplus (« C’est
un dégoûtant satyre, dit Gabriel.
Ce matin, il a coursé la petite jusque chez elle.
Ignoble.
» p.
175),
que dans les manœuvres de charme que Zazie exerce
consciemment (« C’est pas gentil pour moi, ça, dit Zazie en se tortillant.
– Si maintenant elle se met
à te faire du charme, dit Gabriel, on aura tout vu » p.
124).
• La confusion entre les deux mondes et une maturité précoce
La confusion entre le monde des adultes et celui des enfants s'incarne dans le personnage de Zazie.
Elle
peut tout aussi bien jouer l'enfant innocente ou bien faire preuve d'une grande maturité.
Pour échapper
à Turandot qui veut l'empêcher de fuguer, elle hurle :.
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