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Du temps de l'Urgence au temps du lien

Publié le 28/11/2013

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Du Temps de l'Urgence au Temps du lien Ou La temporalité de la crise Dr Paul-Edouard VOLA*, Mme Elodie LIBERT** Nous sommes entrés dans une société de la réparation : l'hémorragie affective doit être cautérisée, le trauma occasionné par les aléas de la vie a le droit à une attelle compassionnelle. La violence, qui trame tout fait social, scandalise. Elle menace le confort d'une société autosatisfaite. Les temps actuels ont fait éclater la barrière de l'intime, valorisant la dramatisation, rupture avec le bien être. Le regard s'émeut devant la figure de la victime; elle ne dit rien d'elle-même, elle dit les stigmates dont elle se sent porteuse. Rendre publique les plaies de son âme, c'est se croire assuré d'une réparation. «  La sentimentalité nie la haine » écrivait Winnicott ; elle envahit aujourd'hui tous les discours, nous nous abritons derrière elle pour échapper au réel. Nier le tragique de la vie humaine, ou effacer ce que l'on ne saurait voir, le psychiatre est, lui aussi, convoqué à cette tache. Il faut colmater, envelopper, materner. L'espace des Urgences devient le Narthex, où le pénitent extériorise son mal être et demande son salut.  * Psychiatre, Centre Hospitalier Valvert, Marseille. ** Psychologue, Centre Hospitalier d'Aubagne. Les psy, soignants ou soignés, qui projettent leur être dans un hôpital général sont un peu hors du temps médical ; ils prennent le risque d'une dysfonctionnalité, d'un heurt. Un bon heurt ou un mal heurt ? Cela dépend de la disponibilité du moment, de la capacité à affronter son réel, de jouer de la différence. N'y a-t-il pas une certaine irritation à entendre à notre arrivée : «  Au box X, il y en a un pour toi ! », sur le ton de la cage aux fauves ou aux folles ? Ne sommes-nous pas dans deux univers qui se croisent et se rencontrent le plus souvent dans le mal entendu ? L'oreille se fait sourde, quand l'autre n'est pas là où on souhaite le trouver. Quand l'affect n'est pas traité, quand il n'est pas métabolisé, de frustré, on devient frustrant, d'angoissé on devient angoissant, d'agressé agressant. Les urgences sont cet espace névralgique où cette problématique va s'exprimer dans toute son acuité. Il s'agirait donc peut-être d'un temps de digestion, ou de gestation ? Mais puisqu'il est question de geste, quel geste ??Dans l'impasse, on nous le passe. Et nous, on le repasse, ça ne fait pas de pli. Voilà bien un objet qui dépare, un objet encombrant. Il y a souvent du décalé, de l'incompréhension, qui disparaissent comme par enchantement si nous répondons au  « qu'est-ce que tu fais de lui ?». Nous l'avons ingéré, et il est dans nos circuits, il disparaît de l'assiette. Tout baigne, alors?dans notre jus. Mais, celui qui vient interpeller la médecine, en urgence, n'est pas là où se situe son âme ! C'est par son corps qu'il vient porter sa plainte. Et même si elle est la trace, la marque de son manque à l'âme, cet être là n'est pas en quête de son sens. Il fuit son destin car il le redoute, il vient chercher refuge, repos, un « fais quelque chose pour moi ! » pour colmater la brèche. Lui, son réel, d'une manière ou d'une autre il en refuse l'augure. C'est l'autre, comme un « entier », un «puissant » qu'il veut impliquer, de qui il vient chercher médecine. Et même s'il ne fait pas désordre, il n'est pas victime de la défaillance de son corps, il s'en sert comme instrument, pour exprimer l'insupportabilité de sa défaillance au regard de son univers. Là, il y a du désir et de l'absence, et ce sont eux qui viennent interpeller la médecine d'urgence en guise de salut ? N'est-elle pas, elle aussi, dans l'immédiateté et dans la réponse ? Ne sont-ils pas tous deux en résonance, même complice ; un même tropisme pour les scénarios catastrophes, où dans l'émotionnel, ils expriment et cherchent leur signifiant ? En nous répercutant et légitimant une demande symétrique : d'être, d'avoir ou de devenir, ce qu'il n'est pas? pas ou plus? où sa puissance bat de l'aile, elle ( la médecine d'urgence) s'épargne d'une rencontre avec ses limites, et lui ( le souffrant) se débat avec cette rencontre. Il y a du deuil, du manque qui ne peuvent être intériorisés, ils s'exsudent ou s'expulsent. Et c'est à nous de nous en charger. Mais nous, que faisons-nous dans cette périphérie de la médecine ? N'avons-nous pas choisi en toute intentionnalité de nous...
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« Les psy, soignants ou soignés, qui projettent leur être dans un hôpital général sont un peu hors du temps médical ; ils prennent le risque d’une dysfonctionnalité, d’un heurt.

Un bon heurt ou un mal heurt ? Cela dépend de la disponibilité du moment, de la capacité à affronter son réel, de jouer de la différence.

N’y a-t-il pas une certaine irritation à entendre à notre arrivée : « Au box X, il y en a un pour toi ! » , sur le ton de la cage aux fauves ou aux folles ? Ne sommes-nous pas dans deux univers qui se croisent et se rencontrent le plus souvent dans le mal entendu ? L’oreille se fait sourde, quand l’autre n’est pas là où on souhaite le trouver.

Quand l’affect n’est pas traité, quand il n’est pas métabolisé, de frustré, on devient frustrant, d’angoissé on devient angoissant, d’agressé agressant.

Les urgences sont cet espace névralgique où cette problématique va s’exprimer dans toute son acuité.

Il s’agirait donc peut-être d’un temps de digestion, ou de gestation ? Mais puisqu’il est question de geste, quel geste ?…Dans l’impasse, on nous le passe.

Et nous, on le repasse, ça ne fait pas de pli.

Voilà bien un objet qui dépare, un objet encombrant. Il y a souvent du décalé, de l’incompréhension, qui disparaissent comme par enchantement si nous répondons au « qu’est-ce que tu fais de lui ?».

Nous l’avons ingéré, et il est dans nos circuits, il disparaît de l’assiette.

Tout baigne, alors…dans notre jus. Mais, celui qui vient interpeller la médecine, en urgence, n’est pas là où se situe son âme ! C’est par son corps qu’il vient porter sa plainte.

Et même si elle est la trace, la marque de son manque à l’âme, cet être là n’est pas en quête de son sens.

Il fuit son destin car il le redoute, il vient chercher refuge, II. »

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