LUCRÈCE
Publié le 17/01/2022
Extrait du document
«
LucRÈCE est naturellement affligé du complexe œdipien, comme l'est César qui, en Espagne,
rêve
d'amour incestueux avec sa mère, comme nous le sommes tous, si bien que ce ne serait pas
la peine d'en parler, s'il n'y avait pas, pour quelques-uns, une liquidation difficile du complexe.
Il est curieux de voir un poète combattre la religion mythologique de son époque et, en même
temps, placer son œuvre sous le signe de Vénus! Pure clause de style? Mais le style n'est-il pas
déjà l'homme même.
Un examen attentif montre en effet que Lucrèce, loin de saluer en Vénus
une froide allégorie, ou la classique déesse des amants « normaux », épanche en elle à son insu
la sensibilité refoulée d'un fils vers une mère-amante.
A son insu, répétons-le, puisque l'amant
qui vient dans le poème visiter Vénus est un dieu guerrier et superbement viril : Mars, le vain
queur.
Or Lucrèce fait de ce fringant, de ce terrible, de ce hussard, un blessé d'amour, un parte
naire en posture de suppliant!
Voyez son comportement amoureux.
Mars au lieu de prendre Vénus sur ses genoux, comme
pour la mieux chambrer, s'assied au contraire sur les genoux de Vénus, dans son giron, ln gremius.
Là, penchant le profil fin de sa nuque, il repaît en silence ses regards avides.
Etrange silence d'extase de la
part d'un technicien des foudres! Il bée en elle (inhians in te) et suspend son souffle au sien,
exactement comme un enfant se suspendrait à la mamelle.
Aussi
la psychanalyse ne manque pas de vraisemblance quand elle nous parle de fixation à
la mère et donc d'amour inassouvissable.
D'autant mieux qu'à cette attitude d'un Nlars infantile,
correspond l'attitude enveloppante, câlinante, d'une Vénus maternelle :
Hune tu, diva, tua recubantem corpore sancto
Circumfusa super, suaves ex ore loquellas
Funde ...
Combien Montaigne eût admiré davantage encore cet intraduisible circumfusa super ( ...
déesse
qui fuses et circumfuses, et planes, autour et sur ce blotti de ton corps sacré ...
) s'il l'avait su signi
fiant,
dans l'inconscient de Lucrèce, la remise au cocon, l'éternel retour à la poche chaude, à la
liquidité de l'amnios où le fœtus comme l'esprit flotte sur les eaux !
« Une union si intime, dit le docteur Logre, ne peut être réalisée physiologiquement que
dans la vie intra-utérine, et spirituellement que dans certains états de communion et d'extase plus
ou moins mystique.» N'est-ce pas la dérision même du Poète Maudit que de représenter le Ratio
nalisme de son temps, d'être le père des matérialistes d'aujourd'hui et de se comporter comme
un mystique qui s'ignore?
La vraie malédiction pour lui est sa posture amoureuse jamais satisfaite, qui engendre sa
névrose profonde.
Il nous parle des vains efforts de l'amour pour arriver à ses fins; mais à quelles
fins? Toujours les mêmes
tant que l'oubli psychique qui le relie à la mère n'est pas tranché :
...
les aliments absorbés par notre corps
y trouvent place et nous rassasient.
Mais d'un beau visage aux joues en feu
rien n'entre en nous dont nous puissions jouir
sauf
une nourriture pour les yeux, une image
trop ténue.
Et le poète de nous montrer les efforts des amants pour se saisir, pour tenter sur leurs corps
une caresse incertaine.
Ils serrent passionnément ces corps et les font souffrir (premunt arte faciunt
que dolorem).
Ils impriment leurs dents dures sur les lèvres qu'ils écrasent (et dentes intidunt stepe
libellis osculaque injligunt).
Ce sont bien là les ogreries de l'amour.
Le baiser signifie le besoin de consommer, d'absorber,.
»
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