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Peut-on sans illusion faire confiance à autrui ?

Publié le 23/12/2005

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illusion
            Pourquoi autrui pourrait-il toujours potentiellement décevoir ? Comment se fait-il que faire confiance à l'autre implique de prendre le risque de l'illusion ?             Autrui se donne d'abord à moi par l'intermédiaire de son corps. Autrui est en premier lieu un objet de perception externe. C'est pourquoi, je peux lui faire confiance mais non le connaître : prendre connaissance d'autre chose concernant autrui que ce qui se donne physiquement (gestes paroles actes) reviendrait à pénétrer son intériorité. Or depuis Descartes, on entend la pensée comme un phénomène : 1- subjectif, c'est-à-dire valable à la première personne 2- radicalement distinct, au moins en principe, de la matière. En effet, le moi se définit par la conscience directe qu'il a de lui-même. Ainsi que le dit Descartes, j'ai avant tout la certitude d'être un sujet pensant ; ma pensée est ce qui se manifeste à moi avec le plus d'évidence (à tel point d'ailleurs qu'elle seule est capable de résister aux assauts du malin génie). Mais d'emblée, il semble alors impossible de rendre compte de l'expérience d'un autre moi : pour connaître autrui, éprouver comme conscience celle d'un autre, il faudrait que je sois moi-même cette conscience - ce qui, de fait, est impossible. Tout ce que l'on peut appréhender concernant les pensées d'un autre que soi est douteux et incertain.

Il semble difficile de connaître autrui : comment serait-il possible de connaître un point de vue qui, par définition, n’est pas le sien ? Comment parvenir à la connaissance d’une intériorité qui égale celle que j’ai de la mienne ? Il semble ainsi qu’il faille toujours croire autrui, lui faire confiance dans la mesure où l’on a comme certitude le concernant, que celle portant sur son extériorité (gestes, paroles, comportements) et non sur l’intériorité. Toutefois, cette confiance ne va pas sans risque, et c’est ainsi qu’au lieu de faire confiance autrui, on peut s’en méfier et ne lui accorder crédit qu’avec une extrême prudence. D’où le problème : autrui est-il à ce point obscur que l’on ne puisse, ou bien, lui faire une confiance aveugle (qui refuse obstinément la possibilité de l’illusion) ou bien, au contraire, s’en méfier et se replier sur soi (le moi = seule chose certaine = position égoïste) ? Peut-on sans illusion faire confiance à autrui ou bien est-on condamné à toujours être déçu ?

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« a) Autrui est une totalité psychophysique … Ce qui nous amène à rendre problématique la confiance que nous accordons quotidiennement à autrui tient à ce qu'autrui est pensé comme étant pour soi ce que je suis pour moi : ses actions sont les manifestations d'uneintériorité à laquelle lui seul (en tant que sujet pensant) à accès avec certitude.

Ainsi, le corps de l'autre (son être« en soi » par opposition au « pour-soi ») n'est pour nous qu'un moyen, un intermédiaire entre ce qui est visible et ce qui donne une structure à ce visible (les intentions d'autrui).

Telle est la thèse que récuse Max Scheler, dans Nature et forme de la sympathie (1928). Pour cet auteur, la thèse défendue repose sur un présupposé dualiste que la perception d'autrui, si on l'examine attentivement, contredit : nous percevons autrui, non comme un corps, mais comme une unité psychophysique.Scheler est ici phénoménologue : ce qui nous est donné primitivement, ce ne sont pas des caractéristiquesextérieures ou matérielles, mais une structure d'ensemble pourvu d'un sens .

Pour le dire autrement, les mouvements du corps d'autrui sont toujours déjà signifiants.

Citation : « Il est certain que nous croyons percevoir dans le sourire d'un autre sa joie, dans ses larmes son chagrin et sa douleur, dans la rougeur de son visage sa honte, dans letendre regard de ses yeux, son amour, […] dans ses paroles le sens même de ce qu'il veut dire » b) … qui exclut d'emblée toute possibilité de méprisePour Scheler, autrui pose problème dès lors qu'on pense le sourire, les larmes, la rougeur, le regard, comme des données matérielles qu'il faudrait interpréter ; en un mot, nous verrions d'abord des larmes sur un visage, puis nous comprendrions dans un second temps qu'autrui pleure car il est triste.

Cette idée pour Scheler suppose qu'autrui est pour nous un objet des sens puis un objet de pensée.

Or, Scheler récuse cette distinction. Voici son argument : chaque élément matériel (larmes, rougeur, sourire…) qu'on chercherait à examiner à part de ce qu'ils expriment ici et maintenant, serait alors insignifiant ; car où et quand ces données prennent-elles un sens si ce n'est dans l'instant où ils se donnent à nous ? Le sens des actions d'autrui ne s'obtient donc pas par décomposition puis recomposition , comme s'il était possible, par cet unique moyen, d'obtenir la même perception que ce nous avait fournit le phénomène primitif et total.

Ainsi le risque d'illusion est dissipée puisque même lorsqu'autrui tente de m'induire en erreur : « je suis capable de percevoir directement son mensonge, l'acte par lequel ilment ».

Transition· Le corps d'autrui ne pose problème que dans un cadre théorique précis, celui du dualisme ; cependant, en étudiant la perception de l'autre, on voit qu'elle porte en elle indissociablement intériorité et extériorité (les 2nous sont donnés simultanément en tant qu'autrui = structure signifiante ; il n'y a pas de rupture entre ce quefait autrui et ce qu'il veut faire. · Cependant , il y a encore un domaine des faits qui reste problématique : pourquoi autrui peut-il nous décevoir ? Si nous ne déduisons pas de ses actions ses intentions (parce que percevoir c'est déjà connaître), comment de cette immédiateté peut résulter des erreurs ? S'il n'y a d'erreur que dans un processus finalisé dévoyé, comment se fait-il que cette connaissance immédiate que nous avons de l'autre puisse êtrefausse ? 3- EN TANT QU 'ÊTRE LIBRE , AUTRUI EST OBJET DE PENSÉE ET NON DE RAISON Exemple du mensonge pernicieux : on peut pour en rendre compte 1) faire appel à des déterminations empiriques (la « mauvaise éducation », la « société pernicieuse », la « méchanceté d'un nature insensible à la honte »…) 2)postuler que le sujet est l'unique cause de ses actions (= libre).

Ainsi, Kant nous dit : « la même action qui, comme appartenant au monde sensible, est toujours sensiblement conditionnée, c'est-à-dire mécaniquement nécessaire,peut aussi en même temps avoir pour principe la de la causalité de l'être agissant, en tant qu'il appartient au monde intelligible, une causalité inconditionnée sensiblement, partant pouvant être conçue comme libre ». Conséquence : on ne peut annuler tout risque d'illusion concernant autrui, qu'en posant que la connaissance que l'on en a est complète, et finalement, en le chosifiant.

[1] S'expliquant sur sa formule « je pense donc je suis » et insistant sur le fait que le « donc » n'est pas l'indice d'unraisonnement (pensée et être sont une même chose), Descartes dit bien que la prémisse majeure supposée « toutce qui pense est » ne peut être prouvée.. »

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