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Alexandre II

Publié le 22/02/2012

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De Pierre le Grand à Lénine, nul maître de toutes les Russies ne fit davantage pour transformer son pays qu'Alexandre II, et pourtant ce "tsar libérateur" ne fut ni un prince aux vues avancées, ni un autocrate ferme et hardi : c'était un traditionaliste qui, face à la crise grandissante de l'ancien régime russe, fut poussé à changer beaucoup de choses afin de mieux conserver l'essentiel. Né en 1818, il fut élevé à l'école de son père, Nicolas Ier, le "gendarme de l'Europe", qui avait tout mis en oeuvre pour figer son empire dans le moule militaire du grand Pierre. Le tsarévitch, malgré l'influence humaniste de son précepteur, le poète Joukovski, grandit fidèle aux principes paternels : l'orthodoxie, l'autocratie et un nationalisme qui opposait à tout jamais la Russie à l'Occident libéral. Au service de ces idéaux il apportait une bonne intelligence, une instruction étendue et une réelle volonté tempérée par le pragmatisme. Ce fils soumis ne s'est regimbé qu'une fois, mais sur un point majeur.

« de l'agriculture.

Quant aux nobles, l'indemnité accordée par le Trésor est aux deux tiers annulée par leurs dettesaccumulées, et le déclin de la première classe de l'Empire devient désormais irréversible.

L'intelligentsia enfin traite laréforme "d'escroquerie" et Alexandre de "fantoche" des nobles : les libéraux se retirent dans une opposition sourde,tandis que les socialistes commencent à rêver de révolution populaire.

Avec le recul historique, il est difficile de voircomment Alexandre aurait pu accorder sensiblement plus à la paysannerie sans détruire la noblesse, ce qui auraitdétruit l'Empire ; de plus, c'est essentiellement par la volonté personnelle d'Alexandre que l'affranchissement devingt millions d'âmes fut mené à bien dans la paix civile et la légalité (au même moment, il fallut aux États-Unis uneguerre civile sanglante pour libérer quatre millions d'esclaves).

Néanmoins, il est difficile de qualifier l'émancipation de"succès", à cause des problèmes économiques et sociaux laissés sans solutions, ainsi que de la désaffection del'intelligentsia et des paysans - legs qui pèsera sur la Russie jusqu'en 1917.

Peut-être faut-il conclure qu'une réforme"réussie" d'une société aussi chargée de tares que l'ancien régime russe représentait la quadrature du cercle ? Dès 1861 donc, l'Empire entre en effervescence.

Les étudiants des universités réformées s'agitent.

Des tractsrévolutionnaires paraissent dans les rues de Saint-Pétersbourg.

Surtout, l'intelligentsia se durcit : dans laterminologie consacrée par le roman de Tourgueniev, c'est la relève des "pères" par les "fils".

Ceux-là (telsTourgueniev lui-même ou Herzen) étaient aristocrates, raffinés et esthètes, formés à l'idéalisme allemand, etgradualistes en politique.

Ceux-ci (tels Tchernychevski ou Pissarev) étaient le plus souvent roturiers, "fielleux" eticonoclastes, matérialistes en philosophie et démocrates impatients en politique.

Ces "nihilistes" (c'est-à-dire ceuxqui nient toute valeur reçue) refusent tout compromis avec l'ordre existant et traitent leurs aînés libéraux desuppôts "objectifs" de l'autocratie.

Les plus hardis forment même une éphémère société révolutionnaire, "Terre etLiberté".

L'effervescence nihiliste frappe d'autant plus Alexandre qu'elle coïncide avec la révolte de la Pologne.Privées de leur diète nationale par Nicolas après l'insurrection de 1831, les provinces polonaises, avec le nouveaurègne, espéraient retrouver un statut d'autonomie.

(Que tel était le vœu d'Alexandre fut démontré quand il octroyaun régime de ce genre au grand-duché de Finlande.) Mais les lenteurs initiales des autorités russes, d'une part, lafierté nationale des Polonais, de l'autre, ont bientôt amené ceux-ci à revendiquer non plus l'autonomie, maisl'indépendance.

La nomination en 1862 à Varsovie du marquis Wielopolski, patriote polonais mais aussi politicienréaliste, pour réaliser enfin une réforme dans le cadre de l'empire vient trop tard.

La révolte armée éclate l'annéesuivante.

Alexandre se croit obligé de l'écraser dans le sang, car l'intégrité même de son patrimoine est en jeu.

Il nepeut plus être question d'autonomie, et la Pologne est soumise à un régime de russification forcée.

Une partie del'opinion russe jusqu'alors libérale partagea l'alerte du souverain et, sous l'égide du journaliste Katkov, vira à droite. Face à ces crises multiples, Alexandre sévit : Tchernychevski et Pissarev furent emprisonnés et les revues nihilistessuspendues.

Mais quelques groupuscules "souterrains" subsistaient, et en 1866 un conjuré dérangé, Karakozov,tenta de tuer l'empereur.

Ce fut le signal d'une contre-attaque par tous ceux nombreux dans la société officielle quin'avaient jamais accepté la réforme.

Alexandre cède à cette pression et installe un réactionnaire avéré, le comteDimitri Tolstoï, comme ministre de l'Éducation.

Jusqu'à la fin du règne, Tolstoï se livra à une mise au pas draconiennedes universités et des lycées.

En même temps, Alexandre renforça l'appareil policier et nomma le brutal généralTrepov chef de la police de la capitale avec des "pouvoirs d'exception" permanents.

La sédition, certes, était unproblème réel ; mais ces deux nominations furent l'erreur capitale du règne, car l'acharnement de ce couple "ultra"n'aboutit qu'à grossir les rangs des révolutionnaires. Mais entre-temps l'effort réformateur ne fut pas arrêté.

Et il pouvait difficilement l'être, car l'affranchissement despaysans avait miné toutes les structures de la vieille société et il fallait bien en mettre d'autres à leur place.

La finde la juridiction seigneuriale avait laissé la Russie presque sans gouvernement local.

En conséquence, en 1864,furent créés les zemstvos, organes élus de self-government régional ils étaient, il est vrai, censitaires et doncdominés par la noblesse, mais les paysans et l'intelligentsia modérée y avaient aussi une voix réelle.

Par l'effort deces administrations, la médecine et l'agronomie modernes, ainsi que l'école primaire laïque, furent pour la premièrefois introduites dans la Russie rurale.

De plus, les libéraux y voyaient une école de civisme, une base pour préparerun lointain "couronnement de l'édifice" des réformes : une Assemblée nationale.

L'émancipation avait aussi renducaduc l'ancien système judiciaire, fondé sur des tribunaux de classe, avec une procédure barbare : secret del'instruction, déposition écrite sans débat contradictoire, omniprésence de la concussion.

En 1864 encore, Alexandreétablit un système moderne, inspiré des meilleurs modèles occidentaux : l'égalité de tous devant la loi, le jury,l'inamovibilité des juges, une procédure orale, publique et contradictoire.

De toutes les "grandes réformes"d'Alexandre, ce fut incontestablement la plus réussie.

Par une nécessité analogue, ce travail "modernisateur" futpoursuivi tout le long du règne, même pendant la grande période réactionnaire après 1866.

Ainsi, en 1870, un régimepareil à celui des zemstvos fut étendu aux villes bourgeonnantes de l'Empire, sous la forme de doumas municipales,élues par trois collèges censitaires.

En 1874 enfin, vint la réforme militaire, œuvre d'un des frères Milioutine, Dimitri,ministre de la Guerre.

Dans l'ancienne Russie, les recrues uniquement des paysans étaient choisies au caprice duseigneur et servaient vingt-cinq ans.

Milioutine établit l'égalité devant l'obligation militaire, à raison de six ans deservice pour tous - charge qui aurait paru intolérable ailleurs, mais qui en Russie représentait une réelledémocratisation.

De même, il abolit les punitions corporelles.

Dans un esprit analogue, le ministère des Finances initiela Russie à l'économie et à la technologie modernes.

Par des concessions au Crédit mobilier français la Russiemanque de capitaux le pays est doté d'un réseau ferroviaire compréhensif, conçu en fonction à la fois des besoinsmilitaires et de l'exportation des céréales.

L'extraction houillère, la sidérurgie et la banque sont développées.

Sansqu'on puisse encore parler de révolution industrielle, le pays est lancé sur la voie qui y mène. Au milieu des années 1870 enfin, cette Russie rénovée est prête à faire sa rentrée sur la scène internationale.L'ambition russe, certes, ne s'était jamais relâchée en Asie Centrale, où Tachkent et Boukhara furent annexées.

Eten 1870, profitant de la guerre franco-prussienne, la Russie avait dénoncé le traité de Paris de 1856, pour. »

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