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Faut-il enterrer le passé ?

Publié le 29/07/2005

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Enterrer quelque chose ou quelqu'un, c'est l'enfouir dans la terre, entendons loin de soi, de la surface visible. Une bonne part des choses que nous enterrons le sont pour la simple raison qu'elles ne peuvent et ne doivent pas rester accessible au regard. On enterre ce qui doit rester secret, ce qui doit être tû. Si l'on prend l'exemple d'une corps, sa décomposition et tout l'aspect déplaisant que cela représente, échappera à notre regard. Mais si l'on prend cet exemple comme modèle d'enterrement, nous sommes à vrai dire bien vite surpris. Le corps que l'on enfouie sous terre n'est pas pour autant oublié. Il a une destiné en dehors de son cercueil, les hommes à la surface continuent de se le représenter. Comme nous le rappelle Edgar Morin dans son ouvrage L'homme et la mort, il y a une étonnante proportion entre le temps de décomposition d'un cadavre, et celui du deuil du disparu. Ce qui se passe sous terre en terme biologique, ou physico-chimique, se retransmet dans le même temps en termes mentaux chez ceux qui continuent de vivre après le décès de leur proche. Nous n'oublions pas ce que nous enterrons, nous lui donnons un autre sens. Le fait qu'il demeure loin des yeux entraîne l'esprit à créer des représentations nouvelles, détachées de la réalité empirique. Le corps décomposé est oublié au profit de l'apparition d'autre chose, les souvenirs par exemple qui survivent dans l'esprit de ceux qui ont partagé son existence, sa destiné dans un paradis ou un enfer religieux. Une coutume japonaise consistait à planter un arbre près du corps que l'on enterre: ainsi, la sève, l'écorce seraient nourris du processus de décomposition du cadavre. L'homme mort continuerait de cette façon à exister à travers la croissance et la vie de l'arbre planté: ce qui est laissé en hors-champ continue ainsi à inspirer ce qui se passe au coeur du champ, l'absence continue de se signaler à travers l'existence de ceux qui survivent mais sous une autre forme, une forme adaptée. Il s'agit donc de ne pas confondre « enterrer « son passé et « l'oublier «: nous le voyons, enterrer quelque chose n'implique pas forcément qu'il disparaisse de notre esprit, mais plutôt qu'il persiste sous une autre forme. Nous nous poserons peut-être même la question de savoir si nous n'enterrons pas les choses pour mieux nous les représenter, si nous ne les cachons pas pour mieux les voir?

« Nietzsche: soyons injuste! II. Dans ses Considérations intempestives sur l'histoire , Nietzsche enquête sur le poids même que l'histoire représente dans la vie des hommes.

Selon lui,l'homme mérite de savoir aussi oublier son histoire pour ne pas qu'elledevienne indigeste au point d'entraver sa démarche.

Que ce soit sur le planobjectif ou subjectif, la vénération de l'histoire doit pouvoir trouver une limite.En effet, toute création nécessite quelque part d'être injuste avec le passé,de l'oublier ou de le saccager un peu.

Il faut parfois s'émanciper de latradition, des icones d'une civilisation, remettre l'héritage en question pourtenter de créer du neuf. Nietzsche se lève contre cette histoire monumentale devant laquelle on pose le genoux à terre, empli de respect, comme devant un monument respectueuxqu'on ne doit surtout pas remettre en question.

D'un côté, nous sommessilencieux de respect devant ces vestiges du passé, et d'un autre côté, nousenvions le chien qui aboie parce qu'il demeure « attaché au piquet de l'instant ».

Ce qu'il vit aujourd'hui, il l'oubliera dans un instant.

Au-delà du simple fait que cette vision de l'animal est aujourd'hui une éthologie périmée,nous saisissons le point de vue nietzschéen: nous voudrions oublié, ne plus être soucieux de ce qui pèse parfois sur notre conscience, et que Nietzsche représente par la morsure d'un serpent,comprenons la morsure de la mauvaise conscience.

La culpabilité, cet affect triste, freine notre action d'un point devue individuel, et ronge notre esprit. Du point de vue de l'histoire collective, l'artiste qui veut créer doit piétiner ce passé, être irrespectueux envers-lui.Sans cela, il ne sera qu'un philistin cultivé nous dit Nietzsche, i-e celui qui déteste la nouveauté, qui vit sous le poids de la culture et des apports du passé sans jamais les remettre en question, angoissé de perdre ses repères.Les grands hommes doivent être capable de créer une rupture, un gouffe entre eux et le passé.

Mieux quesimplement l'enterrer, ils doivent par la suite le profaner, le traiter sans aucun respect, le violenter.

Ils doivent ensomme être injustes envers le poids de la tradition. Les fantômes existent III. Aristote faisait une distinction entre ce qui est en puissance , et ce qui est en acte .

La neige par exemple, en puissance, pourrait être verte, bleue, noire, ou de n'importe quelle autre couleur.

Mais il se trouve qu'elle s'actualise en blanc.

Ainsi, si potentiellement, elle peut revêtir n'importe quelle couleur, elle passe dans la réalité, en blanc.

Il ya avait donc pour Aristote, un champ en dehors du réel, le champs des possibles où était contenu tout ce qui estjustement possible, contrairement à la réalité qui n'est que l'actualisation d'un seul possible.

C'est cette séparationentre puissance et acte que va critiquer Spinoza, cette pseudo marge en retrait de l'univers. Pour Spinoza, le réel est entièrement effectif, affaire d'actualité.

Entendonspar-là qu'il n'y a rien à chercher en dehors de ce que nous voyons, àcommencer par ce que le philosophe américain Quine appelle un univers boursoufflé de possibles.

Tout ce qui existe existe en acte, nul arrière-fonds de possible.

L'idée ici contenu, c'est que l'on ne peut prétendre échapper auréel, que rien n'existe en marge de lui: il représente tout ce qui est et rienn'est en dehors de lui, même en tant que possible. On serait donc dans l'illusion la plus totale en pensant qu'enfouir quelquechose à quatre pieds sous terre, c'est le faire sortir de la réalité, c'est faireen sorte qu'il ne joue plus sur le réel vécu, le présent.

Peut-être est-ce ici lefardeau de l'homme comme le dit Nietzsche qui pèse lourdement sur sesépaules, mais on ne peut se séparer du passé.

On peut cependant leréinventer en lui donnant un sens différent.

Si nous n'enterrions pas lesmorts, nous resterions focaliser sur l'aspect physique de la décomposition,l'aspect horrible qui sanctionnerait la vie du défunt par un bien tristespectacle.

En le soustrayant du regard, on se permet une représentationautre de lui, on figure son absence d'une autre manière, en se réapproprie sontrépas.

Apprendre à se représenter les choses, c'est apprendre à faire sien unobjet, à le retranscrire dans notre esprit.

Il en est de même de notre passé.Comme nous l'avons vue dans l'exemple de la psychanalyse, nous refoulonsmalgré nous: cependant, il appartient à chacun de faire ressurgir ce passé douloureux, de se le réapproprier pourqu'il n'existe pas simplement sous la forme d'un symptôme.

C'est après tout cela un fantôme: un passé qui noushante parce qu'avec lui nous n'avons pas réglé nos comptes Conclusion. »

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