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Jean-Paul SARTRE: Projet et Liberté

Publié le 03/04/2005

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L'homme n'est rien d'autre que son projet, il n'existe que dans la mesure où il se réalise, il n'est donc rien d'autre que l'ensemble de ses actes, rien d'autre que sa vie. D'après ceci, nous pouvons comprendre pourquoi notre doctrine fait horreur à un certain nombre de gens. Car souvent ils n'ont qu'une seule manière de supporter leur misère, c'est de penser : « Les circonstances ont été contre moi, je valais beaucoup mieux que ce que j'ai été ; bien sûr, je n'ai pas eu de grand amour, ou de grande amitié, mais c'est parce que je n'ai pas rencontré un homme ou une femme qui en fussent dignes, je n'ai pas écrit de très bons livres, c'est parce que je n'ai pas eu de loisirs pour le faire... Sont restées donc, chez moi, inemployées, et entièrement viables une foule de dispositions, d'inclinations, de possibilités qui me donnent une valeur que la simple série de mes actes ne permet pas d'inférer. » Or, en réalité, il n'y a pas d'amour autre que celui qui se construit, il n'y a pas de possibilité d'amour autre que celle qui se manifeste dans un amour ; il n'y a pas de génie autre que celui qui s'exprime dans des oeuvres d'art... Un homme s'engage dans sa vie, dessine sa figure, et en dehors de cette figure il n'y a rien. Évidemment, cette pensée peut paraître dure à quelqu'un qui n'a pas réussi sa vie. Mais d'autre part, elle dispose les gens à comprendre que seule compte la réalité, que les rêves, les attentes, les espoirs permettent seulement de définir un homme comme rêve déçu, comme espoirs avortés, comme attentes inutiles ; c'est-à-dire que ça les définit en négatif et non en positif. Jean-Paul SARTRELa thèse de la responsabilité et de la liberté pleine et entière de l'homme peut ainsi être établie à travers ce texte.
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« Après avoir énoncé que l'homme, en tant qu'existant, se ramène à la totalité de ses actes, de ce qu'il fait, et qu'ilest donc totalement responsable, Sartre note que cette conception de l'homme fait horreur à certains et résume lesarguments invoqués par eux à l'appui de leur thèse.

Mentionnons, d'abord, les circonstances, que nous pouvonsdéfinir comme ce qui constitue et caractérise le moment présent.

Dès lors, les circonstances évoquent,fondamentalement, la Situation, c'est-à-dire l'ensemble des relations et des aspects concrets qui, à un momentdonné unissent un sujet ou un groupe au milieu dans lequel ils doivent vivre.

C'est donc ma position au milieu dumonde qu'invoquent les adversaires de la thèse de Sartre.

Je ne crée pas cette position historique et concrète, elleme fait, elle me modèle, elle donne une forme et un contenu à ma vie.En fait, l'argument constitué par les circonstances s'entrecroise avec le second argument, celui qui privilégiel'intériorité pure, indépendamment de toute extériorisation concrète.

Ce dernier argument consiste, grosso modo, às'abriter derrière des dispositions purement virtuelles et intérieures qui permettraient de saisir l'homme et de lecomprendre.

Ainsi, pour ne pas se sentir responsable de ses échecs, invoquera-t-on des qualités intérieures que lescirconstances historiques ou quotidiennes n'auraient pas permis de développer.

Les adversaires de la thèsesartrienne se protègent donc à l'aide de deux systèmes d'idées : celui qui valorise l'importance des situations etcelui qui valorise la pure intériorité.

Mais nous comprenons déjà que, pour Sartre, ceux qui invoquent ces excusesvivent finalement leur projet libre dans la mauvaise foi et veulent renoncer librement à leur liberté en se raccrochantà des prétextes spécieux.C'est ce que Sartre nous montre précisément dans les lignes qui suivent (« Or, en réalité...

il n'y a rien »).

Lesexcuses précédentes ne peuvent naître que de la mauvaise foi, de la volonté de ne pas assumer sa condition.

Eneffet, le concept de dispositions purement intérieures est un concept absurde.

Si ce n'est qu'intérieurement qu'unhomme est génial ou amoureux, alors cette intériorité pure est véritablement creuse et vide.

L'intériorité pure estune réalité illusoire.

On ne peut séparer l'intérieur de l'extérieur.

S'il n'y a rien à l'extérieur, c'est qu'il n'y a rien àl'intérieur.

La thèse de Sartre relie dont l'intérieur et l'extérieur.

Il donne deux exemples à l'appui de sa conception,ou, plus exactement, reprend dans sa propre perspective les exemples de son adversaire imaginaire : l'exemple del'amour et celui du génie artistique.

Le seul amour valable, c'est celui que l'on reconnaît à ses actes.

Deuxièmement,il est impossible à celui qui n'a rien créé ou qui est sans talent de se consoler en pensant que l'intérieur de son êtreest plein d'idéaux grandioses, qu'il était, en puissance, un Vinci ou un Mozart.

Non, réplique Sartre, il n'y a pas deMozart purement virtuel ; le génie, c'est-à-dire l'aptitude supérieure de l'esprit qui le rend capable de la plus grandefaculté créatrice, ne peut être saisi comme une pure virtualité, une puissance intérieure : c'est un acte, l'union del'extérieur et de l'intérieur.

Sartre résume ainsi sa pensée en disant que l'homme n'est rien d'autre que la figure qu'ildessine dans savie, ce qui signifie qu'il n'est rien d'autre que la série de ses actes.Enfin, dans les dernières lignes, il souligne que sa conception, peut-être dure pour celui qui n'a pas réussi sa vie, estéminemment réaliste dans la mesure où elle dirige l'homme vers la pratique, vers le contenu extérieur de ses actes.Au fond, veut dire Sartre, sa thèse a le mérite de nous engager à agir concrètement.

En mettant l'accent sur latotale responsabilité de l'homme, qui ne peut se raccrocher à des excuses qu'à travers la mauvaise foi, Sartre nousinvite à nous engager dans l'existence. Intérêt philosophique du texte Ce texte nous paraît avoir un très grand intérêt philosophique parce qu'il s'attaque, très lucidement, à un certainnombre d'erreurs, tant en ce qui concerne le problème de la liberté, qu'en ce qui concerne le sens de l'intérioritéhumaine.Tout d'abord, ces lignes ont l'intérêt et le mérite de mettre l'accent sur la totale liberté et la totale responsabilitéhumaine.

Elles nous invitent à récuser la fatalité, à ne pas nous raccrocher à des excuses commodes.

Sartre dégagemagistralement que la liberté est l'être même de l'homme, que la mauvaise foi elle-même est une manière de vivreinauthentiquement notre condition.Dès lors, en mettant l'accent sur la liberté entière de l'homme, Sartre valorise le travail, l'activité, l'énergie quel'homme déploie dans ses oeuvres et ses entreprises.

Aussi ces lignes sont-elles humanistes au sens très concret duterme : Sartre définit la valeur de l'homme à partir de ses démarches concrètes et de ses opérations dans le monde.Ainsi humanise-t-il même le génie, qui devient une tâche, tout autant qu'un don ! La vraie vie d'adulte est une viede travail, d'effort, de longue conquête, semble nous dire Sartre en ces lignes, qui ont le mérite et la valeur dedessiner un choix authentiquement humain.Quant à la critique de l'intériorité abstraite, il faut la comprendre également sous cet angle moral.

Sartre acertainement raison, du point de vue éthique, de récuser la notion d'une intériorité pure.

En général, il fautreconnaître, avec Sartre et Hegel (qui disait à peu près la même chose) qu'il existe une unité fondamentale del'intérieur et de l'extérieur.

N'y a-t-il pas quelque illusion à se référer à une supériorité intérieure ? Après tout, unpassage fameux de l'Évangile notait déjà : vous les reconnaîtrez à leurs fruits! Effectivement, c'est d'après nosactes dans le monde que nous devons être jugés, non point d'après nos bonnes intentions vides.

Sartre a raison denous rappeler que l'aspect organisé et extérieur de notre existence, que la série globale de nos actes, sontsignificatifs. Conclusion Sartre souligne clairement dans ces lignes que la liberté est l'être de l'homme, qu'elle consiste à dessiner notre figuredans le monde et qu'invoquer les situations et les circonstances relève bien souvent de la mauvaise foi.

Enprivilégiant ainsi le faire et le travail, il esquisse une attitude humaniste, valorisant l'homme et ses efforts.. »

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