LE MYTHE NAPOLEONIEN
Publié le 30/03/2012
Extrait du document
Jusqu'en 1821 - date de la mort de Napoléon à Sainte-Hélène - il n'y a guère de mythe. Il semble même que la désastreuse expérience des Cent Jours avait contribué à démobiliser et décristalliser. A droite, Napoléon était l'ogre, à la limite, l'instrument d'une Providence qui s'en était servi pour accomplir ses desseins. A gauche, les libéraux, bénéficiaires de l'opération constitutionnelle de 1814, n'avaient tout simplement pas besoin de lui. La Charte constituait un progrès décisif et suffisant. Benjamin Constant fait l'éloge de la société marchande, pacifique, libérale, antimilitaire (De l'Esprit de conquête et d'usurpation), et en 1828 encore, Victor Cousin, philosophe officiel du ministère Martignac, déclare qu'à Waterloo, les seuls vainqueurs ont été la " civilisation " et la Charte. Les nantis, les assurés n'ont pas besoin du mythe, dangereusement mobilisateur de possibilités trans-libérales....
«
Réconciliation ! Que les bons Français s'entendent !
Des bruits courent, toutefois : il n'est pas mort ! Ou :
le Fils est toujours là
! Qui bouge et fabule ainsi ?
Les vieux de la vieille, d'abord, les demi-soldes, sou
vent janissaires de province
ou de bas quartiers (voir
Philippe Bridau, dans
La Rabouilleuse de Balzac),
toujours hommes de cœur, habits bleus et croix
d'honneur contre croix de Saint-Louis et mollets mai
gres.
Certains
se sont ralliés, mais la masse a été
mise à l'écart.
Est-ce là qu'est
né le mythe ?
Si le phénomène d'inadaptation et de non-intégration
sociale avait été limité aux anciens combattants et aux
victimes administratives d'une mise à la retraite préma
turée, sans doute n'y aurait-il pas
eu de mythe.
Du côté
républicain, on était contre, et Michelet, comme Quinet,
n'oublieront jamais que l'Empire avait enterré les libertés.
Mais le porte-à-faux était ailleurs : l'Empire avait été une
prodigieuse machine à mobiliser et à intégrer les éner
gies.
La France, alors, avait connu certaines répressions
(d'où
les antimythes des réfractaires) mais aussi elle avait vécu sous le signe du plein emploi.
Des forces popu
laires avaient pu, alors, accéder à la dignité, à la liberté.
D'où, au moment où s'accentue le caractère revanchard
de la Restauration, mais aussi alors que s'affirme le
caractère aliénant de la société libérale, une poussée, un
surgissement de napoléonisme qui ne s'explique pas - loin de là -par l'analyse objective du phénomène impé
rial, mais bien par un besoin profond de compensation.
Dans un univers prosaïque, utilitariste, matérialiste au pire
sens du terme, d'un utilitarisme et d'un nationalisme non
plus scientifiques et libérateurs, mais servant uniquement
des intérêts, le mythe va rouvrir les chemins de la poésie,
de la continuité, du mouvement.
Il laïcise les visions
religieuses traditionnelles ; il historicise l'idée d'envers
et d'ailleurs et réenchante la vie dans un univers qui est
de plus en plus celui du désenchantement.
Dès Les Folies du siècle de Lourdoueix (1817),
apparaît l'image du fou -ou du génie -qui ne.
»
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