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Peut-on vivre sagement ?

Publié le 26/12/2005

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Si le savoir consiste en une connaissance vraie, la sagesse consiste en une connaissance vraie que l'on cherche à appliquer au sein de sa vie. Ainsi la sagesse ne se réduit pas à un discours théorique, mais consiste en une activité pratique : elle est un effort pour conformer sa vie à des préceptes déterminés par la raison. En d'autres termes, si le savoir peut rester d'une certaine manière extérieur à la vie personnelle du savant, la sagesse ne peut être pensée que comme vécue en personne dans la vie quotidienne. Qui prendrait au sérieux en effet un sage qui se contenterait de faire des discours de sagesse plutôt que de les incarner et de les actualiser par son propre exemple ? Ainsi la sagesse contient en elle-même l'exigence fondamentale d'être réalisée sous peine de se réduire à une prétention ridicule. Par conséquent, se demander si l'on peut vivre sagement, c'est tout simplement se demander si le mot de sagesse a un sens. En effet, la sagesse n'existe que si elle est réalisée, mais est-elle bien réalisable ? Dans la mesure où la sagesse cherche à bien conduire sa vie en vue du bonheur, on peut supposer que les hommes tendent spontanément à la sagesse. Ainsi il leur suffirait de vouloir conformer leur vie à des préceptes de la raison pour le pouvoir. En ce sens, on pourrait facilement vivre sagement. Cependant, si nous désirons souvent être heureux, nous désespérons tout aussi souvent d'y arriver. Nous ne savons pas toujours ce qu'il faut faire, et même quand nous le savons, nous ne le voulons pas toujours ou du moins pas avec constance. Nos devoirs n'obéissent pas à notre raison ni à notre volonté et nous poussent bien plus à l'intempérance qu'à la sagesse. Il serait par conséquent impossible de conduire sa vie par sa volonté propre. En ce sens, la sagesse semble se réduire à un idéal irréalisable réductible à la présomption de l'homme sur les pouvoirs de sa nature. Nous devrions donc renoncer à la sagesse en prenant conscience de son caractère irréalisable. Il s'agit donc de s'interroger sur la possibilité ou non d'inscrire ce qui doit être dans l'être, c'est à dire la vie elle-même. Notre problème sera donc : la sagesse est-elle une exigence de la raison susceptible d'être réalisée au sein d'une vie humaine ou bien se réduit-elle à un idéal irréalisable ?

« l'accablent en la ramenant à ce qu'elle est vraiment pour que cette vie soit heureuse par elle-même.

Parconséquent, si « la sagesse est le principe et le plus grand des biens », elle est aussi facile à réaliser puisqueelle se réduit à la connaissance rationnelle de ce qui nous rend heureux._ Néanmoins il ne suffit pas seulement de savoir ce qu'il faut faire pour être heureux, encore faut-il le faire.

Lasagesse serait ridicule si elle se réduisait à un discours ; aussi elle consiste essentiellement en uneactualisation individuelle de cet idéal rationnel.

L'askésis signifie en grec l'exercice spirituel qui consiste àrefaire pour soi-même le geste du sage.

Ainsi à mesure qu'on s'applique à l'exercice vécu de la sagesse, lafrontière qui séparait les sages des non sages disparaît : chacun s'il le désire a la possibilité d'accéder à lasagesse, c'est-à-dire au bonheur.

C'est pourquoi « personne ne peut soutenir qu'il est trop jeune ou tropvieux pour acquérir la santé de l'âme ».

Cet idéal s'adresse à tous et il est à la portée de tous pour peu qu'ons'astreigne à sa pratique constante.

En effet il ne suffit pas de s'être convaincu une fois pour ne plus avoirpeur de la mort, il faut que cette absence de peur face à la mort s'inscrive dans l'âme jusqu'à ne plus fairequ'un avec elle.

Cet effort de la volonté consiste essentiellement dans la méditation, qui est la repriseconstante par l'individu de ces préceptes, facilitant leur application dans sa propre vie.

Pour « vivre comme undieu parmi les hommes », il suffit en somme de le vouloir sérieusement.

Par conséquent, si l'on a laconnaissance de ce qui rend heureux, et la volonté de l'être vraiment, aucun obstacle majeur ne s'oppose àl'effectuation pratique de l'idéal de sagesse On peut donc avec facilité vivre sagement.Le présupposé à toute philosophie thérapeutique est la puissance de la volonté sur ses passions : les passionssont des maux illusoires que la connaissance suffit à écarter et que l'effort constant de la volonté suffit àéliminer progressivement.

Néanmoins nous expérimentons souvent l'impuissance de notre volonté face à nosdésirs.

En outre si le bonheur est le but de la sagesse et que cette dernière est si facile à vaincre, commentexpliquer que nous rencontrons peu d'hommes à la fois sages et heureux ? II La sagesse est une exigence de la raison impossible à incarner au sein d'une vie humaine _ Le caractère réalisable de la sagesse se fonde sur la vigilance de la raison et la toute puissance de notrevolonté.

Or nous expérimentons souvent la confusion de notre raison et la relative faiblesse de notre volontéface à nos désirs.

Tout d'abord nous ignorons souvent ce qu'il faut faire, et alors nous demeurons irrésolusface à la conduite à tenir dans notre vie ; cette irrésolution nous amène souvent à faire des choix, puis à lesregretter ensuite dans un cycle d'espoir, de déceptions et de repentirs.

Nous nous disons souvent lorsquenous apprenons notre erreur : « si j'avais su ».

Tout le problème, c'est qu'il nous était impossible de savoir cequ'il fallait choisir au moment où nous avons choisi.

Ce n'est que l'avenir résultant de notre propre choix quinous a appris par la suite et souvent à nos dépens si nous avions eu tort ou raison de nous engager dans tellou telle voie.

Mais au moment même où nous délibérions pour faire le meilleur choix, si nous ne nous mentionspas sans cesse à nous-mêmes, nous saurions que ce choix a été fait de manière aléatoire et que l'instantsuivant, nous nous serions peut-être engagé dans l'autre voie.

Ainsi s'il n'est pas possible de connaître par laraison la conduite qu'il nous faut tenir par après et que le choix de toute vie se fonde sur un arbitraire caché ànous –mêmes, l'idéal de sagesse qui consiste à suivre l'idéal de la raison devient problématique._ De plus, dans l'idéal de la philosophie thérapeutique, la connaissance de la raison est insuffisante par elle-même, elle doit s'appuyer sur un effort de la volonté pour appliquer avec constance les préceptes.

Admettonsque la raison nous dicte la conduite qu'il nous faut tenir pour être heureux, serons-nous pour autant capablede l'appliquer avec constance ? Cela est bien incertain dans la mesure où l'homme le plus sage a parfois despériodes d'inconstance : il nous est souvent difficile d'appliquer avec la même fidélité un même précepte, etnous changeons plusieurs fois par année de préceptes.

Qu'il nous suffise de nous souvenir de nos bonnesrésolutions au jour de l'an pour s'en convaincre ! Or si la vie humaine est parcourue par l'inconstance, c'estparce que la volonté est par elle-même impuissante face à nos désirs.

Nous avons beau avoir arrêté unerésolution à laquelle nous devions nous tenir, lorsque l'occasion d'un plaisir futile s'offre à nous, nous nousempressons d'oublier ce que nous avions décidé avec fermeté.

En cela, l'humanité toute entière est frappéepar un trait propre au Dom Juan de Molière, l'inconstance, et la faiblesse de la volonté face à ses désirs. _ De plus si tous les hommes recherchent d'être heureux, bien peu le sont vraiment.

La philosophiethérapeutique attribuerait la cause de cette minorité à l'absence de pratique effective de la sagesse : ilsuffirait à la majorité malheureuse de vouloir vraiment accéder au bonheur pour y parvenir et la minoritéheureuse serait précisément celle qui aurait voulu avec constance le bonheur.

Or à présent que nous avonsmis en lumière l'ignorance de la raison, l'inconstance de l'homme, et la faiblesse de la volonté face aux désirs,nous pouvons remettre en cause cette conception volontariste de la sagesse.

Rien ne nous prouve en effetque la minorité heureuse des sages ne soit pas aveuglée par une illusion confortable : en effet nous n'ignoronspas que la raison se trompe sans cesse, mais nous refusons de le reconnaitre car c'est par la raison quel'homme est censé pouvoir conduire sa vie.

Or si la raison et la volonté sont défaillantes, c'est la capacité del'homme à conduire lui-même sa propre vie qui est remise en cause.

Ainsi nous préférons conserver une imagepositive de notre raison plutôt que de s'avouer sa faiblesse.

Cette capacité à s'illusionner nous-mêmescompense notre incapacité à conduire notre vie par notre raison et notre volonté.

Quand bien même serions-nous capables de conformer notre volonté à notre raison, est-il certain que le but de la sagesse serait notreportée ? Nous pouvons en douter.

Ainsi Pascal, au fragment 148 de ses Pensées démontre que le bonheur nous est inaccessible.

Depuis le péché originel, les hommes ont perdu la présence de Dieu qui constitue le vraibonheur.

Aussi le vrai bien étant perdu, tout a tendance à prendre sa place.

Notre désir de bonheur se dirigealors vers une multitude d'objets et d'activités qui se contredisent entre elles.

Notre désir de Dieu est ungouffre infini par nature qui ne peut être comblé que par l'infini lui-même.

Aussi la multitude des objets finisavec lesquels nous tentons d'accéder au bonheur nous laissent fatalement malheureux.

Par conséquent,l'idéal de la sagesse est une exigence impossible à réaliser : elle est sans contenu rationnel, la volonté n'est. »

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