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PLATON: le mythe de Prométhée

Publié le 27/02/2008

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platon
C'était au temps où les Dieux existaient, mais où n'existaient pas les races mortelles. Or, quand est arrivé pour celles-ci le temps où la destinée les appelait aussi à l'existence, à ce moment les Dieux les modèlent en dedans de la terre, en faisant un mélange de terre, de feu et de tout ce qui encore peut se combiner avec le feu et la terre. Puis, quand ils voulurent les produire à la lumière, ils prescrivirent à Prométhée et à Epiméthée de les doter de qualités, en distribuant ces qualités à chacune de la façon convenable. Mais Epiméthée demande alors à Prométhée de lui laisser faire tout seul cette distribution : « Une fois la distribution faite par moi, dit-il, à toi de contrôler ! » là-dessus, ayant convaincu l'autre, le distributeur se met à l'oeuvre. En distribuant les qualités, il donnait à certaines races la force sans la vélocité ; d'autres, étant plus faible étaient par lui dotées de vélocité ; il armait les unes, et, pour celles auxquelles il donnait une nature désarmée, il imaginait en vue de leur sauvegarde quelque autre qualité : aux races, en effet, qu'il habillait en petite taille, c'était une fuite ailée ou un habitat souterrain qu'il distribuait ; celles dont il avait grandi la taille, c'était par cela même aussi qu'il les sauvegardait. De même, en tout, la distribution consistait de sa part à égaliser les chances, et, dans tout ce qu'il imaginait, il prenait ses précautions pour éviter qu'aucune race ne s'éteignit. Mais, une fois qu'il leur eut donné le moyen d'échapper à de mutuelles destructions, voilà qu'il imaginait pour elles une défense commode à l'égard des variations de température qui viennent de Zeus : il les habillait d'une épaisse fourrure aussi bien que de solides carapaces, propres à les protéger contre le froid, mais capables d'en faire autant contre les brûlantes chaleurs ; sans compter que, quand ils iraient se coucher, cela constituerait aussi une couverture, qui pour chacun serait la sienne et qui ferait naturellement partie de lui-même ; il chaussait telle race de sabots de corne, telle autre de griffes solides et dépourvues de sang. En suite de quoi, ce sont les aliments qu'il leur procurait, différents pour les différentes races pour certaines l'herbe qui pousse de la terre, pour d'autres, les fruits des arbres, pour d'autres, des racines ; il y en a auxquelles il a accordé que leur aliment fût la chair des autres animaux, et il leur attribua une fécondité restreinte, tandis qu'il attribuait une abondante fécondité à celles qui se dépeuplaient ainsi, et que, par là, il assurait une sauvegarde à leur espèce. Mais, comme (chacun sait cela) Epiméthée n'était pas extrêmement avisé, il ne se rendit pas compte que, après avoir ainsi gaspillé le trésor des qualités au profit des êtres privés de raison, il lui restait encore la race humaine qui n'était point dotée ; et il était embarrassé de savoir qu'en faire. Or, tandis qu'il est dans cet embarras, arrive Prométhée pour contrôler la distribution ; il voit les autres animaux convenablement pourvus sous tous les rapports, tandis que l'homme est tout nu, pas chaussé, dénué de couvertures, désarmé. déjà, était même arrivé cependant le jour où ce devait être le destin de l'homme, de sortir à son tour de la terre pour s'élever à la lumière. Alors Prométhée, en proie à l'embarras de savoir quel moyen il trouverait pour sauvegarder l'homme, dérobe à Héphaïstos et à Athéna le génie créateur des arts, en dérobant le feu (car, sans le feu, il n'y aurait moyen pour personne d'acquérir ce génie ou de l'utiliser) ; et c'est en procédant ainsi qu'il fait à l'homme son cadeau. Voilà donc comment l'homme acquit l'intelligence qui s'applique aux besoins de la vie. Mais l'art d'administrer les Cités, il ne le posséda pas ! Cet art en effet était chez Zeus. Mais il n'était plus possible alors à Prométhée de pénétrer dans l'acropole qui était l'habitation de Zeus, sans parler des redoutables gardes du corps que possédait Zeus. En revanche, il pénètre subrepticement dans l'atelier qui était commun à Athéna et à Hèphaïstos et où tous deux pratiquaient leur art, et, après avoir dérobé l'art de se servir du feu, qui est celui d'Hèphaïstos, et le reste des arts, ce qui est le domaine d'Athéna, il en fait présent à l'homme. Et c'est de là que résultent, pour l'espèce humaine, les commodités de la vie, mais, ultérieurement, pour Prométhée, une poursuite, comme on dit, du chef de vol, à l'instigation d'Epiméthée ! « Or, puisque l'homme a eu sa part du lot Divin, il fut, en premier lieu le seul des animaux à croire à des Dieux ; il se mettait à élever des autels et des images de Dieux. Ensuite, il eut vite fait d'articuler artistement les sons de la voix et les parties du discours. Les habitations, les vêtements, les chaussures, les couvertures, les aliments tirés de la terre, furent, après cela, ses inventions. Une fois donc qu'ils eurent été équipés de la sorte, les hommes, au début, vivaient dispersés : il n'y avait pas de cités ; ils étaient en conséquence détruits par les bêtes sauvages, du fait que, de toute manière, ils étaient plus faibles qu'elles ; et, si le travail de leurs arts était un secours suffisant pour assurer leur entretien, il ne leur donnait pas le moyen de faire la guerre aux animaux ; car ils ne possédaient pas encore l'art politique, dont l'art de la guerre est une partie. Aussi cherchaient-ils à se grouper, et, en fondant des cités, à assurer leur salut. Mais, quand ils se furent groupés, ils commettaient des injustices les uns à l'égard des autres, précisément faute de posséder l'art d'administrer les cités ; si bien que, se répandant à nouveau de tous côtés, ils étaient anéantis.PLATON
platon

« potiers— métallurgie et céramique.

Tous les ans, sa fête donne lieu à une course aux flambeaux, comme pour le culted'Athéna et Héphaïstos.

Après coup, les Grecs expliquèrent ce rite en l'intégrant à ceux qui, dans l'Antiquité,contribuaient à alimenter le feu divin, à le renouveler.

Donc, comme le dit Hésiode, le plus ancien dramaturge grecde l'Antiquité connu, Prométhée finit par réintégrer l'harmonie olympienne, qu'il avait troublée. Dans ce dialogue de Platon, le personnage de Protagoras (célèbre sophiste) fait le récit du mythe de la situationoriginelle de l'homme.

Dépourvu de tout, nu et sans défense, celui-ci est à la merci d'une nature hostile et peuprodigue à son égard.

Chargé par les dieux de distribuer des qualités spécifiques à chaque animal, Prométhéeaccepte de déléguer cette mission à son frère Epiméthée qui, dans son empressement, oublie l'homme.

Pour éviterque ce dernier ne disparaisse et pour réparer l'étourderie d'Epiméthée, Prométhée dérobe le feu à Héphaïstos et laconnaissance des arts à Athéna pour en faire présent à l'homme.

Mais les Dieux en sont irrités et punissentProméthée pour sa forfaiture.

Les leçons de ce mythe sont très nombreuses.

D'abord, on peut remarquer que sansles arts et le feu (c'est-à-dire sans la technique), l'homme est dans un état de dénuement total.

Comparativementaux animaux, il ne dispose en effet d'aucun "outil naturel" : pas de bec, pas de crocs, pas de fourrure, pas de venin,pas d'agilité à la course… L'homme est donc contraint, sous peine de disparaître, de pallier la faiblesse de sacondition par l'usage d'outils et d'artifices divers.

La technique se donne par conséquent, d'abord, comme unenécessité vitale à laquelle nous devons notre survie et notre arrachement à la nature ainsi que notre spécificité.Mais dans le mythe, il faut rappeler que les dieux punissent Prométhée et ce n'est pas seulement le vol qu'ilssanctionnent parce que celui-ci s'apparente plus fondamentalement à un viol : Prométhée a donné à l'homme lemoyen d'être une sorte de dieu lui-même, un rival inattendu.

Par le développement des arts et des techniques,l'homme dispose d'un pouvoir extraordinaire.

Alors, le cadeau est peut-être empoisonné : ce pouvoir, l'homme peut-ille maîtriser ? Ce à quoi il doit sa survie ne risque-t-il pas de préparer paradoxalement sa disparition ? Si la techniqueest d'origine divine, elle procure un grand pouvoir, une immense responsabilité, et elle peut aussi se retourner contreceux qui ne sont pas conscients des dangers qu'elle engendre. 3.

Le voleur de feu La légende de Prométhée explique les sacrifices divins; elle revêt un caractère sacré car elle rend compte d'unepratique reposant sur une ruse mais demeurant toujours en vigueur.

Donc elle souligne le caractère complexe de larelation nouée entre les hommes et les dieux.

Le sacrifice apparaît, en effet, comme une preuve de soumission dansla désobéissance même.

Le mythe de Prométhée explique le rapport des hommes et des dieux mais aussi la perted'une forme d'immédiateté — la figure de Pandore anticipe celle d'Eve.Porté sur la scène par Hésiode en un temps où le théâtre était un lieu d'échanges sacrés en même temps quepédagogiques, Prométhée devient la figure de celui qui possède un savoir alors que Zeus doit légitimer l'exercice deson pouvoir.Très présent chez Balzac, romancier de l'énergie active, Prométhée incarne, en lui-même, la force créatrice, le feudu génie — qui fait penser à la formule de Hegel, un peu galvaudée aujourd'hui mais intéressante : rien de grandsans passion.

Cette figure internationale est, entre autres, exploitée par l'Allemand Goethe, Prométhée, l'AnglaisShelley, Prométhée délivré, le Français Gide, Prométhée mal enchaîné, etc.

Il symbolise l'idée que la création est liéeà un potentiel énergétique mais aussi à la volonté d'aller au-delà de ses limites. Transition Le mythe de Prométhée semble suggérer à l'homme qu'il doit domestiquer ses instincts pour en exploiter la forcedans un sens positif...

Voleur de feu, incarnation de l'énergie vitale, il serait le père de la sublimation des pulsionscréatrices. III.

La valeur idéologique du mythe de Prométhée 1.

La portée philosophique du mythe : le concept de perfectibilité Dans le livre II de la République, Platon distingue le logos — verbe philosophique — du muthos — discours indirect,allégorie trahissant l'incapacité à rationaliser l'explication des causes premières.

Dans le Protagoras (320c - 322a), ilreprend le mythe de Prométhée et critique la parole mythique, qui lui semble insuffisante pour fonder le discours envérité.

Cependant, il se réfère à la légende ancienne qui fait de Prométhée un voleur de feu : le philosophe évoque,en effet, le caractère inachevé, incomplet, de la nature humaine ; le frère de Prométhée, Epiméthée, n'a pas pourvul'homme des mêmes moyens de survie que les animaux.

Par mesure de compensation, Prométhée rend l'être humainperfectible en dérobant l'habileté et le feu.

« C'est ainsi que l'homme fut mis en possession des arts utiles à la viemais la politique lui échappa : celle-ci était en effet auprès de Zeus : or Prométhée n 'avait plus le temps depénétrer dans l'Acropole [...].» Dans Le Gai savoir, Nietzsche, lui aussi, procède à peu près de la même manière.Donc, les philosophes tendent à interpréter le mythe de Prométhée en référence à la perfectibilité, qui définirait laspécificité de l'homme par rapport aux animaux — cf.

tous les philosophes des Lumières et, bien évidemment,Rousseau, qui, dans ses Discours, montre bien le caractère très ambigu de la perfectibilité si elle n'est pas guidéepar la morale.

Alors que, mus par leur instinct, les animaux se bornent à reproduire des schémas, l'homme transformele réel ; il développe son habileté par nécessité, pour assurer sa survie.

Mais ces progrès le transforment eux aussi.Ainsi, l'homme doit, au cours du temps, réaliser sa nature en se « fabriquant » lui-même grâce au développement deses progrès techniques : il se crée en travaillant, à condition qu'il accomplisse une œuvre et ne se borne pas às'aliéner à une tâche répétitive (cf.

notre chapitre sur le progrès et la technique).. »

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