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SAMUEL BECKETT: En attendant Godot

Publié le 22/02/2012

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En attendant Godot est une oeuvre de rupture. Entrée aujourd'hui dans l'histoire du théâtre, cette pièce, lors de ses premières représentations, au début de l'année 1953, au Théâtre Babylone à Paris, surprit le public par son ton radicalement nouveau. Pourtant, l'auteur de ce texte appelé à révolutionner le théâtre se considérait essentiellement comme un romancier. Il a écrit, dira-t-il, En attendant Godot pour échapper à la dépression dans laquelle l'avait plongé le roman qu'il venait de terminer, Malone meurt. Il parlera de cette première tentative d'écriture théâtrale comme d'une « merveilleuse diversion libératrice ». Il achève la rédaction de sa pièce en 1949. Elle est publiée aux éditions de Minuit en octobre 1952, peu avant sa création dans une mise en scène de Roger Blin.
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« bien distinctes l'une de l'autre.Le film se termine comme ceci : les deux personnages se rencontrent et s'en vont ensemble.

Pourquoi une tellesituation nous émeut-elle ? Parce que les deux personnages incarnent un mythe qui est au tréfonds de chacund'entre nous : la réconciliation des contraires, l'unicité de l'être.

»Beckett ne se conforme pas exactement au schéma décrit par Fellini, mais Vladimir apparaît comme le meneur dejeu, le penseur, le discoureur.

Il morigène, conseille, protège Estragon, qui, comme l'auguste, est constammentaccablé par des soucis bassement matériels.

C'est Estragon qui reçoit les coups, Estragon qui a faim, qui a mal auxpieds, Estragon qui quémande une carotte ou se jette sur des os de poulet.Vladimir, le clown blanc, plane dans les hautes sphères de la pensée, il s'interroge à tout moment sur le sens de lavie ; Estragon, l'auguste, se traîne à ras de terre, prisonnier de ses instincts. Le rideau se lève sur un décor unique : une route à la campagne, avec un arbre.

Près de cet arbre, Estragons'acharne à enlever sa chaussure.

Vladimir se livre à des commentaires philosophiques et théologiques : « Voilàl'homme tout entier s'en prenant à sa chaussure alors que c'est son pied le coupable.

»Estragon a été battu par des inconnus.

Cela inspire à Vladimir des réflexions paternalistes : « ...

je me demande [...]ce que tu serais devenu [...] sans moi...

» Puis Vladimir s'interroge sur le sort des deux larrons crucifiés avec leChrist.

Les évangélistes présentent des versions différentes des faits.

Derrière les propos apparemment décoususdes deux compagnons transparaissent des allusions à des questions fondamentales : le temps, la mort, le salut.Ce lien entre la banalité quotidienne et un appel à la transcendance éclaire la situation d'attente dans laquelle ils setrouvent.

Ils se mettent à douter des conditions de leur rendez-vous avec Godot.

Ne se sont-ils pas trompésd'endroit, de jour ? Ils songent à se pendre.A propos d'une carotte, ils constatent leur disparité : l'un la trouve de moins en moins bonne au fur et à mesure qu'illa mange, l'autre au contraire s'habitue de plus en plus à son goût.

Ils en déduisent la différence essentielle quisépare les êtres et les condamne à rester toujours eux-mêmes.Cet échange illustre le mot très juste d'Anouilh pour définir cette pièce : les pensées de Pascal jouées par lesFratellini.

Cette formule a le mérite de rendre compte du passage incessant du plan le plus trivial à une interrogationmétaphysique qui traverse toute la pièce et trouve sa première manifestation dans le nom même de Godot, nom bienfrançais mais qui contient le mot «god» désignant Dieu en anglais.Les remarques les plus banales contiennent un sens caché qui renvoie à d'autres niveaux de lecture.

Lecommentaire d'Estragon sur le goût de la carotte se rapporte aussi au mouvement du récit : « plus on va moinsc'est bon », « le And ne change pas », aux personnages qui s'agitent pour rien et, à travers les personnages àtoute vie humaine, dénuée de but, toujours identique à elle-même sous les vaines apparences de changement.

Les contre-pitresLa référence aux Fratellini est, chez Anouilh, d'autant plus justifiée que les Fratellini ont inventé le contre-pitre qui,dit Fellini, « ressemble à l'auguste, mais qui toutefois était l'allié de son maître ».

Or, Pozzo et son souffre-douleurLucky viennent apporter une réplique subtile à Vladimir et Estragon.

Pozzo n'est pas exactement le contre-pitre telque le définit Fellini, mais il en est une variante.

De même que Vladimir et Estragon ne sont que des variantesbeckettiennes, très personnelles du clown blanc et de l'auguste.Tout en correspondant, ne serait-ce que par leur irruption, leur effet de surprise, à la fonction du contre-pitre,Pozzo et Lucky apportent une version nouvelle de l'opposition traditionnelle entre le clown blanc et l'auguste.

Alorsqu'entre les deux premiers personnages les rapports de domination ne sont pas très marqués, ils sont poussés àl'extrême chez Pozzo, le maître, et Lucky, l'esclave.

Le quatuor ainsi constitué correspond à une structure en miroirqui commande également la relation entre les deux actes. Vladimir et Estragon prennent d'abord Pozzo pour Godot.

Rapidement conscients de leur méprise, ils passeront durôle de personnages acteurs tenant toute la scène à celui de spectateurs du théâtre dans le théâtre.

Ilscommenteront avec curiosité les sketches que jouent pour eux Pozzo et Lucky.

C'est une nouvelle manière de tuerle temps et de remplir leur attente de Godot.L'arrivée des visiteurs est annoncée, indique Beckett, par un cri terrible qui vient des coulisses.

Estragon en perd sacarotte.

Vladimir ramasse sa chaussure.

Ils se précipitent à la rencontre des nouveaux venus.

Pozzo brandit unfouet et tire Lucky par une corde.

Ce dernier porte une lourde valise, un siège pliant, un panier à provisions et unmanteau.Pozzo s'impose, d'emblée, comme le meneur de jeu.

Il présente Lucky comme son knouk, un sous-hommeentièrement à sa merci.

Il va donner une véritable représentation pour épater les deux vagabonds.

Il décide de leurtenir compagnie, de les distraire.

Mais ses gestes et ses propos sont surtout imprégnés d'une extraordinaire fatuité,du plaisir d'étaler sa supériorité, de faire l'inventaire de ses biens.Il a la faconde et l'assurance d'un montreur de tours.

Il semble content d'avoir trouvé un public.

D'abord, il tire deson panier des provisions qu'il mange avec satisfaction.

Il consent à laisser les os de poulet à Estragon.

Ensuite ilfume la pipe.

Ses propos paraphrasent pompeusement les clichés du discours poétique.

Avant de quitter les deuxamis il leur décrira le crépuscule.Il traite de haut ses compagnons de rencontre, mais on comprend qu'il est en même temps dans leur dépendancepar son souci d'éveiller et de soutenir leur intérêt.

Pozzo est un personnage à plusieurs facettes.

Il est la parodie del'acteur, du cabotin.

Mais il incarne aussi la suffisance bourgeoise.

Il prétend qu'il est le propriétaire des terres surlesquelles Godot a donné rendez-vous à Vladimir et Estragon.

Pozzo les questionne longuement sur ce Godot qu'ilvoudrait rencontrer lui aussi.. »

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