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Tes yeux du du Docteur Nadim Mrad (commentaire)

Publié le 30/12/2011

Extrait du document

Tes yeux (2).

 

1.      Tes yeux bruinent des chansons douces ;

2.      Tes yeux submergent, moussent, éclaboussent !

3.      Tes yeux,

4.      Des navires vagabonds ;

5.      Des voyages vers des au-delàs lointains,

6.      Des départs, des retours sans fins !

7.      Tes yeux,

8.      Des aurores mauves, des couchants gris,

9.      Des fêtes et des festins,

10.  Des avrils, des mais, des juins…

11.  Si transparents sont tes yeux nimbés de rosée !

12.  Tes yeux

13.  M’apaisent et me tourmentent,

14.  Me transportent et m’exaltent !

 

15.  Tes yeux

16.  Sont fiers comme des jasmins

17.  Sont frais comme des matins !

18.  Je dors dans la nuit de tes yeux,

19.  Et je fais des rêves,

20.  Aussi doux que tes yeux !

 

21.  Bénis soient tes yeux…

 

22.  Triste est leur adieu

23.  Car la nacre

24.  De tes yeux                                                              

25.  A une saveur âcre !                                                 

Dr Nadim Mrad

Des Pensées Vagabondes - 2007

Tout au long du poème "tes yeux-2" du Docteur Nadim Mrad, une véritable perturbation au niveau du lyrisme paraît surprendre le lecteur. Cette perturbation se veut non démolisseuse et destructrice mais réconciliatrice et reconstructrice car le poète, à travers son texte, cherche un réel équilibre entre deux images très symboliques et très significatives : une image paternelle de soleil et de traversées spatiales et maritimes qui se veulent dépassement et affranchissement :"aurores"," couchants", "navires vagabonds", "voyages vers des au-delà", "des départs, des retours sans fins" et une image maternelle de nutrition et de bercement dont la manifestation se révèle sans opposition aucune avec celle paternelle puisque les 2 images se confondent dans le seul et unique champ optique des yeux d’une femme : "bruinent", "des chansons douces", "submergent", "moussent", "éclaboussent", "nimbés de rosée", "apaisent et tourmentent", "transportent et exaltent", "fiers comme des jasmins", "frais comme des matins", "dormir dans la nuit des yeux et y faire des rêves doux…".

« 2 Il est tout à fait indéniable que le regard et la perception occupent, à travers les yeux de la personne vénérée, dans ce texte, une dimension poétique démesurée.

Les yeux nous épient de partout et prennent une ampleur si invraisemblable que la psychologie ne peut pas ne pas y discerner un caractère préoccupant : Le poème dans sa globalité est semé d’yeux, depuis le début jusqu'à la fin.

Ces yeux voyagent (vers 5), bruinent (vers 1), s’incarnent dans tous les aspects de la nature, se décolorent, s’enluminent (vers 8) et font la fête (vers 9).

Se trouvant donc, dans cet espace « scopique» transperçant, le lecteur peut -il passer sous silence son désintéressement vis -à -vis de cet aspect stylistique établi sur la vue et la vision qui, à force d’envie, de désir, de sensualité et d’appétit libidinal, finissent par être une orbite érotique avide de satisfaction, de jouissance et de plaisir ? Le lecteur peut -il ne pas voir - dans ce kaléidoscope de miroirs convergents où viennent s’agglutiner les gourmandis es du décor extérieur- la bouche d’un nourrisson collée à un sein maternel affriolant ou un trou vaginal en plein coït de fécondation ? Métaphore de stade buccal ou oral, où la bouche de l’enfant devient, comme nous venons de le suggérer, sexe d’adulte af in de donner une forme mature à cette libido scopique, le tout se joue dans une perspective de régression infantile vers des mers « navires vagabonds» (vers 4), des au-delàs (vers 5), des départs, des retours sans fins (vers 6)…, où le temps ne peut que s’a rrêter pour de bon dans le système psychique du poète.

Le tout s’opère comme si l’auteur cherchait, à travers l’accumulation des yeux et leur fuite, un œil unique qui puisse synthétiser la totalité de ces organes « voyeuristes» et faire contrepoids avec une vision clairvoyante de soi -même et de l’autre.

Et depuis, Mrad paraît ne pas arrêter de naviguer contre le courant de l’enfance et ramer , par des va-et -vient, par des départs, des retours vers le rivage de l’âge adulte dans une tentative optique, inconsc iente, de briser le miroir narcissique et de se trouver seul, face à lui -même, coupant le cordon ombilical avec la mère –puisqu’enfin la connotation que les yeux offrent à l’analyse n’est autre qu’une connotation maternelle- et forgeant par là, une identit é propre à lui via une recherche de soi qui se veut artistique et poétique, voulant du fait même, rétablir l’équilibre rompu depuis son bas -âge et donner à ces manifestations d’yeux le rôle propre qui est dû pour un seul et unique œil ; à savoir un œil int rospectif, autoptique.

La poétique de l’auteur, comme on le remarque bien, est une poétique d’amour qui s’adresse visiblement à une femme qui paraît avoir charmé le poète –quelque part dans sa vie - par son regard, par ses yeux de mille nuan ces.

Cependant, il n’en est pas ainsi sur le plan de la psychologie des profondeurs.

L’écrivain emprunte à la grammaire de l’inconscient le phénomène de déformation : Il nous déforme son image maternelle à travers un kaléidoscope d’yeux séduisants de femmes d’amour et derrière toute cette astuce, une tentative de recherche de soi en voulant saillir, voire affirmer, sans trop le vouloir, une identité optique qui le travaille où viennent se connecter des troubles et des manifestations d’ordre sexuels : on a l ’impression de voir par exemple dans le crescendo des verbes bruiner , mousser et éclabousser un dispositif d’éjaculation.

Dans des navires vagabonds , des socs qui percent la terre, un phallus aventurier.

Ce phénomène de percement est confirmé à la fin du p oème par le mot nacre dont l’étymologie en arabe est naqqara = percer et qui ( la nacre ) n’est autre qu’un symbole de féminité si l’on observe bien ce tableau ci -dessous de Botticelli où la poétique de Nadim Mrad dans Tes yeux (2) , trouve bien des échos.. »

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