Tes yeux du du Docteur Nadim Mrad (commentaire)
Publié le 30/12/2011
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Il est tout à fait indéniable que le regard et la perception occupent, à travers les yeux de la
personne vénérée, dans ce texte, une dimension poétique démesurée.
Les yeux nous épient de partout et
prennent une ampleur si invraisemblable que la psychologie ne peut pas ne pas y discerner un caractère
préoccupant : Le poème dans sa globalité est semé d’yeux, depuis le début jusqu'à la fin.
Ces yeux
voyagent (vers 5), bruinent (vers 1), s’incarnent dans tous les aspects de la nature, se décolorent,
s’enluminent (vers 8) et font la fête (vers 9).
Se trouvant donc, dans cet espace « scopique» transperçant,
le lecteur peut -il passer sous silence son désintéressement vis -à -vis de cet aspect stylistique établi sur la
vue et la vision qui, à force d’envie, de désir, de sensualité et d’appétit libidinal, finissent par être une
orbite érotique avide de satisfaction, de jouissance et de plaisir ? Le lecteur peut -il ne pas voir - dans ce
kaléidoscope de miroirs convergents où viennent s’agglutiner les gourmandis es du décor extérieur- la
bouche d’un nourrisson collée à un sein maternel affriolant ou un trou vaginal en plein coït de
fécondation ?
Métaphore de stade buccal ou oral, où la bouche de l’enfant devient, comme nous venons de le
suggérer, sexe d’adulte af in de donner une forme mature à cette libido scopique, le tout se joue dans une
perspective de régression infantile vers des mers « navires vagabonds» (vers 4), des au-delàs (vers 5), des
départs, des retours sans fins (vers 6)…, où le temps ne peut que s’a rrêter pour de bon dans le système
psychique du poète.
Le tout s’opère comme si l’auteur cherchait, à travers l’accumulation des yeux et leur
fuite, un œil unique qui puisse synthétiser la totalité de ces organes « voyeuristes» et faire contrepoids
avec une vision clairvoyante de soi -même et de l’autre.
Et depuis, Mrad paraît ne pas arrêter de naviguer
contre le courant de l’enfance et ramer , par des va-et -vient, par des départs, des retours vers le rivage de
l’âge adulte dans une tentative optique, inconsc iente, de briser le miroir narcissique et de se trouver seul,
face à lui -même, coupant le cordon ombilical avec la mère –puisqu’enfin la connotation que les yeux
offrent à l’analyse n’est autre qu’une connotation maternelle- et forgeant par là, une identit é propre à lui
via une recherche de soi qui se veut artistique et poétique, voulant du fait même, rétablir l’équilibre
rompu depuis son bas -âge et donner à ces manifestations d’yeux le rôle propre qui est dû pour un seul et
unique œil ; à savoir un œil int rospectif, autoptique.
La poétique de l’auteur, comme on le remarque bien, est une poétique d’amour qui s’adresse
visiblement à une femme qui paraît avoir charmé le poète –quelque part dans sa vie - par son regard, par
ses yeux de mille nuan ces.
Cependant, il n’en est pas ainsi sur le plan de la psychologie des profondeurs.
L’écrivain emprunte à la grammaire de l’inconscient le phénomène de déformation : Il nous déforme son
image maternelle à travers un kaléidoscope d’yeux séduisants de femmes d’amour et derrière toute cette
astuce, une tentative de recherche de soi en voulant saillir, voire affirmer, sans trop le vouloir, une identité
optique qui le travaille où viennent se connecter des troubles et des manifestations d’ordre sexuels : on a
l ’impression de voir par exemple dans le crescendo des verbes bruiner , mousser et éclabousser un
dispositif d’éjaculation.
Dans des navires vagabonds , des socs qui percent la terre, un phallus aventurier.
Ce phénomène de percement est confirmé à la fin du p oème par le mot nacre dont l’étymologie en arabe
est naqqara = percer et qui (
la nacre ) n’est autre qu’un symbole de féminité si l’on observe bien ce tableau
ci -dessous de Botticelli où la poétique de Nadim Mrad dans
Tes yeux (2) , trouve bien des échos..
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