Du Bellay et la France
Publié le 12/09/2015
Extrait du document
Il n’est pas nation plus ouverte, ni sans doute plus mystérieuse que la française; point de nation plus aisée à observer et à croire connaître du premier coup. On s’avise par la suite qu’il n’en est point de plus difficile à prévoir dans ses mouvements, de plus capable de reprises et de retournements inattendus. Son histoire offre un tableau de situations extrêmes, une chaîne de cimes et d’abîmes plus nombreux et plus rapprochés dans le temps que toute autre histoire n’en montre.
«
France 1 109
La formule de du Bellay n'a en fait de sens -autre
que grossièrement patriotique -qu'à être restituée
dans
le contexte des Regrets.
Auteur célèbre de par la
publication
de La Défense et illustration de la langue
française
en 1549, du Bellay a vécu quatre ans à Rome
entre
1553 et 1557, où il assurait la fonction de seqé
taire-intendant de son parent, le cardinal du Bellay.
C'est
ce voyage que relatent Les Regrets, voyage tout
entier placé sous le signe de la déception, de l'exil et de
la mélancolie.
Dans la distance, la séparation, la
France devient pour du Bellay le signe d'une félicité
interdite que la poésie a pour charge de dire pour
mieux en marquer la perte.
C'est tout
le sens du sonnet
9 dont voici
le texte :
«France, mère des arts, des armes et des lois,
Tu m'as nourri longtemps du lait de ta mamelle:
Ores, comme un agneau que sa nourrice appelle,
Je remplis de ton nom les antres et les bois.
Si tu m'as pour enfant avoué quelquefois,
Que
ne me réponds-tu maintenant, ô cruelle?
France, France, réponds
à ma triste querelle,
Mais nul, sinon Echo,
ne répond à ma voix.
Entre les loups cruels j'erre parmi la plaine,
Je sens venir l'hiver, de qui la froide haleine
D'une tremblante horreur fait hérisser ma peau.
Las, tes autres agneaux n'ont faute de pâture,
Ils
ne craignent le loup, le vent ni la froidure :
Si ne suis-je pourtant le pire du troupeau.,.
La FFance, on le voit, est, en fait, évoquée comme une
maîtresse dont
la beauté n'est rendue que plus grande
et douloureuse par l'absence.
La poésie n'a d'autre
mission, dans la grande tradition pétrarquiste dont
du Bellay fut en France un des principaux représen
tants, que de dire cette absence.
Ce qui compte, au
total, dans l'image de la France que du Bellay nous.
»
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