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JOUHANDEAU Marcel : sa vie et son oeuvre

Publié le 27/12/2018

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JOUHANDEAU Marcel (1888-1979). Marcel Jouhan-deau était le fils d’un boucher de Guéret, homme dur, violent, volage. Son enfance fut entourée d’affections féminines : sa mère, sa grand-mère Blanchet, la boulangère, tante Alexandrine. C’est à dix ans qu’il découvrit le plaisir, et toute sa « vie sensuelle et sentimentale, écrit-il, n’a été que le recommencement de cet assassinat ». L’influence d’une jeune fille, qui avait été carmélite, et celle de Mme Alban, une dame mûre qui veut l’orienter vers la prêtrise, colorent de spiritualité son adolescence. En 1908, il se rend à Paris, pour y poursuivre ses études. Il deviendra, en 1912, professeur de sixième au pensionnat Saint-Jean de Passy, et il y enseignera durant trente-sept ans, appréciant cette vie modeste et l’indépendance qu’on lui laisse en dépit de toutes les routines...

 

L’amitié jouera un grand rôle dans sa jeunesse — amitiés sensuelles, qui se bornent souvent à de furtives rencontres; amitiés féminines surtout, plus durables et plus enrichissantes — celles d’Éliane et de Véronique Pincengrain, celle de MmE Laveine, qui deviendra dans ses livres « la duchesse », celle aussi de Marie Laurencin.

 

S’il a brûlé, en 1914, tous ses premiers écrits, il envoie à Gallimard, en 1919, la première partie de la Jeunesse de Théophile. C’est ainsi que commencera sa carrière littéraire. La Nouvelle Revue française publie, en octobre 1920, les Pincengrain, et la Jeunesse de Théophile paraît l’année suivante. Jouhandeau devient l’ami de Gide, de Jean Paulhan, de Roger Martin du Gard, qui l’admirent et qui l'aident. Ses ouvrages se succèdent avec une belle fécondité : citons Monsieur Godeau intime (1923), Prudence Hautechaume (1927), Astaroth (1929), Images de Paris (1934 et 1956), Chaminadour (1934),

« et l'indépendance qu'on lui laisse en dépit de toutes les rou tines ...

L'amitié jouera un grand rôle dans sa jeunesse - amitiés sensuelles, qui se bornent souvent à de furtives rencontres; amitiés féminines surtout, plus durables et plus enrichissantes -celles d'Éliane et de Véronique Pincengrain, celle de Mme Laveine, qui deviendra dans ses livres « la duchesse >>, celle aussi de Marie Laurencin.

S' i 1 a brfilé, en 1914, tous ses premiers écrits, il envoie à Gallimard, en 1919, la première partie de la Jeunesse de Théophile.

C'est ainsi que commencera sa carrière littéraire.

La Nouvelle Revue française publie, en octobre 1920.

les Pincengrain, et la Jeunesse de Théophile paraît l'année suivante.

Jouhandeau devient l'ami de Gide, de Jean Paulhan, de Roger Martin du Gard, qui l'admirent et qui l'aident.

Ses ouvrages se succèdent avec une belle fécondité : citons Monsieur Godeau intime ( 1923), Pru­ dence Hautechaume ( 1927), Asta roth (1929), Images de Paris (1934 et 1956), Chaminadour (1934), De l'abjec­ tion ( 1939), Essai sur moi-même ( 1945), les sept livres du Mémorial (1948-1972), les neuf volumes des Scènes de la vie conjugale (parmi lesquels Élise, 1933, Chroni­ ques maritales, 1938), les vingt-huit Journaliers ( 1961-1983).

En juin 1929, il épouse Élisabeth Toulemon (dite Caryathis), une ancienne danseuse.

Ses démêlés conju­ gaux sont célèbres.

La jalousie, la méchanceté, les accès de rage d'« Élise » feront d'elle un personnage inoublia­ ble.

La vie sexuelle de l'écrivain demeurera absolument parallèle à ce mariage, et, en 1948, s'illuminera d'un «pur amour>> pour un soldat, qui l'élève de la simple sensualité à la véritable passion.

La mort de son père en 1930.

de sa mère en 1936, puis de la chère Véronique Pincengrai n en 194 7, quelques inquiétudes au moment de la Libération pour un article publié en 1941 où le peuple allemand était exalté, la retraite de l'enseignement e,n 1949, l'adoption de la jeune Céline, enfin la mort d'Elise en 1971 et 1 'éducation de Marc, le fils de Céline, rythment cette existence fina­ lement assez sereine, où la débauche et le mysticisme poursuivent leur interminable dialogue.

Cham ina dour A Guéret, les premiers livres de Marcel Jouhandeau firent scandale.

C'est que, tel Asmodée, l'auteur soule­ vait les toits.

Les menus scandales, les petites lâchetés, les hypocrisies, les horreurs de la vie provinciale y étaient dépeints, et sans aucun travestissement.

La réalité brute nous était livrée.

On a parlé du «picaresque ironi­ que>> de Chaminadour (nom sous lequel Guéret étair rebaptisé).

L'é\'ocation qui y est faite des «monstres de village>> a été rapprochée des plus acerbes pages de La Bruyère, de Saint-Simon, de Jules Renard.

Jouhandeau, commère de sa ville natale, se plaît à détruire les appa­ rences, mais ce n'est pas seulement une cruauté intrépide qui l'inspire; il entre beaucoup de tendresse dans cette diffamation.

Jouhandeau est, en tout cas, l'un de nos plus grands « anecdotiers >>.

Toute son œuvre signifie, d'une manière ou d'une autre, que la réalité, dans sa discontinuité, sa fraîcheur, est infiniment plus singulière et plus instruc­ tive que les fictions les mieux construites.

Même dans ses évocations de Paris, dans ses confidences sur sa vie sexuelle ou conjugale, rien n'est inventé.

Un empirisme radical, dépourvu jusqu'à un certain point de tout sys­ tème d'organisation, est le secret principe de cette litté­ rature, qui n'offre d'abord qu'une succession de tableau­ tins à la Frans Hals ou à la Hogarth -peu de couleurs, mais un dessin rude, qui sculpte et isole les formes.

Le cc Fou de Dieu u La vie conjugale de Jouhandeau fut un long enfer : querelles mesquines, humiliations publiques, tempêtes, tromperies ..

Rien de bien comique dans cette intermina­ ble comédie, qui semble mettre en cause toute possibilité d'entretenir un rapport humain en dehors de la haine et du masochisme.

L'échec de ce mariage était prévisible, puisque, d'une part, J,ouhandeau n'aimait pas les femmes et que, d'autre part, Elise n'admettait aucun compromis.

Cette longue désunion est transcrite avec la même exacti­ tude que les horreurs de Chaminadour.

Dieu y est égale­ ment présent.

Il sert d'abord d'excuse: «Je n'étais pas mariable.

Je ne suis mariable qu'à l'Absolu >>.

Du reste, l'infidélité conjugale est une image de la vie chrétienne : .

Ainsi que l'a montré Nietzsche, Dieu est vul­ nérable par son amour des hommes.

Ne s'agit-il que d'une damnation orgueilleuse, qui prouve la liberté du pécheur et humilie Dieu lui-même? Ou bien, au-delà de cet orgueil et de cette révolte, ne peut-il Sllrgir un amour plus profond de Dieu et une plus grande abnégation? Ou même le véritable humanisme catholique ne suppose-t-il pas cette tension entre la révolte et l'humilité, entre une solitude luciférienne et l'imploration angoissée? Un classique Paulhan et Gide ont admiré Jouhandeau.

L'écrivain a longuement médité sur son art.

Son idéal est tout classi­ que : approche patiente, précautionneuse des âmes dans leur mystère et leur solitude; souci de l'harmonie d'en­ semble et de la propriété des termes; effort tenace, mais dissimulé.

Dans ses plus belles pages, Jouhandeau nous laisse deviner cette prudente méticulosité.

Le lecteur peut être rebuté par ce catholicisme du concile de Trente, que l'Église même a abandonné; il peut encore plus être lassé par ces interminables ratiocinations, ces redites, cette attention de myope à toutes les petitesses; et, mal­ gré tant de religion et tant de réalisme, 1 'écrivain demeure enfermé en lui-même, dans son narcissisme ou, comme il le dit, son exhibitionnisme.

L'œuvre est cohé­ rente; on doit tout accepter pour en atteindre le suc; et, dans les derniers livres, à force de maîtrise et de simpli­ cité, sa prose acquiert une sorte de noblesse incantatoire.

BIBLIOGRAPHIE Publications posthull)eS de Jo uh an d e au : Portraits, Jacques Antoine éditeur, 1988; Ecrits secrets (trois tomes), Arléa, 1988.

Claude Mauriac, Introduction à une mystique de l'enfer, Paris, Grasset, 1938; Maurice Blanchot, "Chaminadour », dans Faux. »

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