Devoir de Philosophie

ABRÉGER, verbe transitif.

Publié le 27/09/2015

Extrait du document

ABRÉGER, verbe transitif.  

Rendre plus court. 

A.—  [Le complément (ou le sujet dans l'emploi pronominal) désigne la longueur d'un parcours, la durée d'un procès...] :

Ø 1. La nécessité de nos conversations du soir et du matin, qui pourraient m'être agréables, si je me sentais le maître de les abréger à mon gré, mais que Biondetta se montre trop décidée à prolonger, que je le veuille ou non, cette nécessité suffit quelquefois pour me disposer mal pour toute la journée.

BENJAMIN HENRI CONSTANT DE REBECQUE, Journaux intimes,  1804, page 109. 

Ø 2.... j'avais pour règle, afin d'abréger mon propre travail, de ne m'arrêter sur aucun des objets dictés à d'autres, sachant qu'ils demeuraient assurés.

EMMANUEL DIEUDONNÉ, COMTE DE LAS CASES, Le Mémorial de Sainte-Hélène, tome 2, 1823, page 316. 

Ø 3. Si ces arbitres, qui feraient toujours l'office d'un jury d'équité, étaient payés proportionnellement à la somme disputée, et sans égard à la durée de l'instruction, ils seraient intéressés à simplifier, à abréger les procès, pour épargner leurs temps et leurs peines, et à juger équitablement pour avoir de l'occupation.

JEAN-BAPTISTE SAY, Traité d'économie politique,  1832, page 501. 

Ø 4. Tels sont mes rêves. C'est toujours la raison humaine se débattant contre la douleur et l'impuissance. Un semblable sommeil abrège la vie au lieu de la prolonger. Il dépense une énorme énergie. Le travail de la pensée, plus désordonné, plus fantasque dans les songes, est aussi plus violent et plus rude.

AURORE DUPIN, BARONNE DUDEVANT, DITE GEORGE SAND, Lélia,  1833, page 128. 

Ø 5.... quand nous nous remémorons le passé, c'est-à-dire une série de faits accomplis, nous l'abrégeons toujours, sans altérer cependant la nature de l'événement qui nous intéresse. C'est que nous le connaissons déjà;...

HENRI BERGSON, Essai sur les données immédiates de la conscience,  1889, page 154. 

Ø 6. La chambre fait silence et jongle avec ces bulles.

Or le miroir cruel les attire. Voici

qu'elles virent dans l'air vers la clarté du piège,

croyant l'espace libre en ce cadre transi

dont le leurre recule un chemin qui s'abrège.

GEORGES RODENBACH, Le Règne du silence,  1891, page 20. 

Ø 7. Elle ne voyait que le chemin, des peupliers, des saules : à dix mètres en avant, elle ne distinguait plus rien. Elle marchait, mais elle ne pouvait s'empêcher de penser qu'elle risquait sans cesse de s'égarer, d'augmenter la distance au lieu de l'abréger. Elle ne connaissait que très mal le chemin.

HENRI PETIOT, DIT DANIEL-ROPS, Mort, où est ta victoire?,  1934, page 44. 

Remarque : Les termes mis en série avec abréger exprimant l'idée de suppression partielle ou totale sont très nombreux : diminuer, restreindre, réduire, ... Suivant la nature du contexte, le verbe se colore d'une nuance dépréciative ou valorisante; dans ce dernier cas il est presque synonyme de simplifier, épargner (exemple 3). 3 exemple choisis parmi un grand nombre offrent des groupes antonymes où abréger s'oppose à prolonger (exemple 1, 4), s'arrêter sur (exemple 2). Dans l'exemple 1, l'emploi du verbe avec le substantif d'action conversation montre le lien entre l'acception A et l'acception B. 

B.—  [Le complément (ou le sujet dans l'emploi pronominal) désigne plus spécialement un discours parlé ou écrit, un chant,... (dans ce cas abréger s'emploie le plus souvent en construction absolue)] :

Ø 8. Dans mon premier plan je faisois reparoître cette femme célèbre. L'épisode qu'elle me fournissoit eût été aussi long que celui de Giaffar; j'ai mieux aimé le soustraire que le gâter en l'abrégeant

STÉPHANIE FÉLICITÉ DUCREST DE SAINT-AUBIN, COMTESSE DE GENLIS, Les Chevaliers du Cygne, tome 1, 1795, page XVI. 

Ø 9.... dans l'obligation d'abréger ce qu'il m'a confié, je mutile sans cesse, c'est-à-dire, je gâte.

EMMANUEL DIEUDONNÉ, COMTE DE LAS CASES, Le Mémorial de Sainte-Hélène, tome 1, 1823, page 989. 

Ø 10. Il arrive souvent ainsi, en littérature, que des séries entières d'oeuvres antérieures, appartenant à une période finissante de la civilisation avec laquelle elles s'en vont disparaître elles-mêmes, se retrouvent soudainement dans une dernière oeuvre modifiée et supérieure, qui les abrège, les résume et en dispense.

CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Port-Royal, tome 1, 1840, page 153. 

Ø 11.... ces adultérations sont plus sensibles encore si vous écoutez, après l'office des Complies, le Salve Regina. Celui-là, on l'abrège de plus de moitié, on l'énerve, on le décolore, on l'ampute de ses neumes, on en fait un moignon de musique ignoble,...

GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, En route,  1895, page 179. 

—  En emploi absolu.  Faire court, s'exprimer en peu de mots : 

Ø 12.... tu dois avouer ton escapade en France et ta présence, le 18 juin, dans les environs de Waterloo. Du reste abrège beaucoup, diminue cette aventure, avoue-la seulement pour qu'on ne puisse pas te reprocher de l'avoir cachée; tu étais si jeune alors!

HENRI BEYLE, DIT STENDHAL, La Chartreuse de Parme,  1839, page 11. 

Ø 13.... comment donc, chez un être aussi vibrant, aussi émotif qu'un poète, la continuité ou la répétition des apparences ne feraient-elles pas surgir une image obsédante qu'il tentera de reproduire, et bientôt, plus ou moins consciemment, d'abréger, d'épurer, de styliser, de symboliser?

ÉLIE FAURE, L'Esprit des formes,  1927, page 75. 

Ø 14. Le XVIIIe.  siècle (...) scinde, abrège, aboutit à la phrase « voltairienne », où se forgent la langue moderne et sa concision.

RENÉ HUYGHE, Dialogue avec le visible,  1955, page 43. 

Remarque : Abréger se range à côté des verbes comme (se) résumer, scinder (exemple 14) ou omettre, ou encore à côté de verbes employés métaphoriquement comme mutiler (exemple 9), amputer (exemple 11). Noter la constitution de séries synonymes avec corriger, affiner, ou épurer, styliser, symboliser (exemple 13); en construction absolue, avec supprimer, renoncer, etc. [L'association de abréger à des verbes comme diminuer, raccourcir, réduire, amoindrir et écourter permet de préciser quelques nuances. Diminuer s'applique à des domaines plus concrets] ; raccourcir s'applique au domaine de l'espace et spécialement en parlant de longueur, ce qui le distingue de réduire, spécifiquement employé en parlant du volume; amoindrir et écourter sous-entendent une diminution excessive portant sur la qualité plutôt que sur la quantité; abréger un discours signifie \" le raccourcir \" en le réduisant à ce qui est essentiel, significatif. Le contexte permet le cas échéant, d'ajouter à l'idée d'abrégement une part d'appréciation subjective de la durée, il s'agit de créer l'illusion de l'abrégement (exemple 5 et 6). Dictionnaire de l'Académie Française 1835 est, semble-t-il, le premier à signaler cet emploi : \" Abréger signifie quelquefois, faire paraître moins long. La conversation abrège le chemin (...) \". 

C.—  Emplois techniques. 

—  DROIT FÉODALITÉ.  Abréger un fief, en diminuer de propos délibéré les revenus (confer historique C 2). 

—  LINGUISTIQUE.  Abréger un mot, une syllabe, lui faire subir un abrégement de sa longueur (voir abrégement, abréviation). 

 

 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 515. Fréquence relative littéraire : XIXe.  siècle : a) 1 269, b) 888; XXe.  siècle : a) 381, b) 399. 

Liens utiles