Usage du terme: BAIGNER, verbe. I.— Emploi transitif. A.— [Le sujet désigne un animé] Mettre dans un bain; tremper et maintenir dans de l'eau ou tout autre liquide un corps, l'une des parties d'un corps (personne ou animal), un objet pour le laver, le rafraîchir, etc. Baigner un chien, un enfant; baigner une brioche dans du lait : Ø 1.... Yvonne devait le bouchonner, ce corps, le baigner, le doucher, le parfumer, lui donner la meilleure présentation possible, à lui aussi bien qu'à ses compléments, ongles, cheveux, sourcils. RAYMOND QUENEAU, Pierrot mon ami, 1942, page 83. SYNTAXE : Baigner ses mains, baigner des plaies; baigner des étoffes dans une cuve de teinturier (Larousse 19e. ). — Par analogie et métaphorique " Plonger à plusieurs reprises. " (Grand dictionnaire universel du XIXe. siècle (Pierre Larousse), Nouveau Larousse illustré.) « Baigner ses mains dans l'or » (Larousse du 19e. siècle, Nouveau Larousse illustré. ). — Se baigner. [Suivi d'un complément d'objet désignant une partie du corps] Se baigner les yeux, se baigner les tempes avec du vinaigre : Ø 2. De ses mains extraordinairement vivantes l'étranger s'y baigna [dans le petit baquet] le visage, s'inonda le cou, aspergea sa chevelure, tandis que les regards s'acharnaient à suivre le moindre de ses mouvements. GERMAINE GUÈVREMONT, Le Survenant, 1945, page 10. Remarque : Dans cette construction il y a transfert (habituel) de l'idée de possession (baigner ses yeux -› se baigner les yeux). B.— [Le sujet désigne la mer, un lac, un cours d'eau] Entourer, couler dans, auprès de : Ø 3. PILE. — Et maintenant notre noble navire s'élance à toute vitesse sur les sombres lames de la mer du Nord. PÈRE UBU. — Mer farouche et inhospitalière qui baigne le pays appelé Germanie, ainsi nommé parce que les habitants de ce pays sont tous cousins germains. ALFRED JARRY, Ubu Roi, 1895, V, 4, page 92. SYNTAXE : Les continents que baignent ces vastes mers, le fleuve qui baigne ces murs (Dictionnaire de l'Académie Française 1835); l'eau baigne, comme à Amsterdam (...) le pied des maisons (HUYSMANS, L'Art moderne, 1883, page 101); côté baignée par des courants chauds (VIDAL DE LA BLACHE, Principes de géographie humaine, 1921, page 30). — Par extension : Ø 4. Sur le vivant, le sang circulant est partout présent. Il bat dans les artères, glisse dans les veines bleuâtres, remplit les vaisseaux capillaires, et baigne tous les tissus de lymphe transparente. ALEXIS CARREL, L'Homme cet inconnu, 1935, page 82. — Au figuré, littéraire et souvent au passif. [Le sujet désigne fréquemment une source lumineuse] Envelopper de tous côtés. Cloître baigné d'une fraîcheur de source : Ø 5. Il se sentait renaître dans cette belle aurore glacée, et plein de force, plein de vie. La lumière le baignait, l'entourait, le pénétrait comme une espérance. GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 2, La Petite Roque, 1885, page 1048. · [Ou un état d'âme] Être envahi, baigné de tristesse : Ø 6. Avant qu'il lui eût rien demandé, et sans qu'elle eût réfléchi à la fausseté de sa situation, elle appartenait à Jean, en pensée. Elle vivait un rêve magique, tout baigné de lumière et de bonheur,... HENRI PETIOT, DIT DANIEL-ROPS, Mort, où est ta victoire? 1934, page 166. C.— Par exagération, souvent au passif. [Fréquemment en parlant de la sueur, des larmes] Mouiller, arroser (une personne, son visage). Baigner les tempes de quelqu'un avec de l'eau froide : Ø 7. Un jour que je traversais le cloître, je vois une soeur converse assise sur la dernière marche de l'escalier, pâle, mourante, baignée d'une sueur froide. Elle était placée entre deux seaux fétides qu'elle descendait du dortoir et qu'elle allait vider. AURORE DUPIN, BARONNE DUDEVANT, DITE GEORGE SAND, Histoire de ma vie, tome 3, 1855, page 199. SYNTAXE : Serrer quelqu'un entre ses bras et le baigner de ses larmes (DUPUIS, Abrégé de l'origine de tous les cultes, 1796, page 241); baigner son lit de larmes, baigner son visage de pleurs (Dictionnaire de l'Académie Française 1798). II.— Emploi pronominal. A.— [Le sujet désigne un animé] Se plonger dans l'eau de la mer, d'une rivière, etc., pour le sport ou l'agrément. Plus rarement. Se laver dans une baignoire : Ø 8.... elle a mis un drap au fond du ruisseau, un drap maintenu par des pierres, bien plaqué au fond de l'eau. Ça a fait comme une grande cuvette toute propre. Et elle s'est baignée. Elle s'est lavée du haut en bas avec une poignée de saponaire. JEAN GIONO, Regain, 1930, page 143. — Avec ellipse du pronom personnel. Faire baigner des chevaux, un chien (Dictionnaire de l'Académie Française). — Par extension, figuré et littéraire. Se plaire à quelque chose. Se baigner dans le sang. Avoir du plaisir à répandre le sang (des martyrs, de ses ennemis, etc.). Se baigner dans les larmes des malheureux (Dictionnaire de l'Académie Française 1798, Dictionnaire universel de la langue française (LOUIS-NICOLAS BESCHERELLE) 1845). — Poétique. Se plonger dans. Se baigner dans l'air libre (Nouveau Larousse illustré. ); Confer aussi Dictionnaire universel de la langue française (Louis-Nicolas Bescherelle) 1845 et Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française (Paul Robert) : Ø 9. Il y a dix-huit ou dix-neuf ans, je me baignais avec délice dans la pure métaphysique, je vivais dans la spéculation supérieure, et j'agitais volontiers et passionnément les grandes idées philosophiques. HENRI-FRÉDÉRIC AMIEL, Journal intime, 1866, page 220. B.— [Le sujet désigne un inanimé] Être plongé partiellement. Une tour qui se baigne dans l'eau (Gustave Flaubert dans Grand Larousse encyclopédique en dix volumes). III.— Emploi intransitif. [Le sujet désigne un animé ou un inanimé] Être plongé dans l'eau ou un liquide quelconque. Baigner dans. Il faut que ces herbes baignent dans l'esprit-de-vin, que ces concombres baignent dans le vinaigre (Dictionnaire de l'Académie française. 1835-1932) : Ø 10. Il y a là un quartier de choix, veiné de filets de graisse, lourd comme de la pierre, divisé en morceaux roussis à la poêle. Comme garniture, du hachis de jambon, du hachis d'oignon, et quelques gousses d'ail. Le tout baigne dans un mélange d'eau et de vin : par moitié. JOSEPH DE PESQUIDOUX, Chez nous, 1923, page 116. Remarque : En ce sens baigner dans désigne une immersion totale, d'une durée plus ou moins longue. — Par hyperbole. Baigner dans son sang. Être mortellement blessé, être couvert de sang. Baigner sans sa sueur; être baigné de sueur (Dictionnaire de l'Académie Française) : Ø 11. Alors Tanguy gratta une allumette et vit Ansart, sans connaissance, qui baignait dans son sang. FRANCIS AMBRIÈRE, Les Grandes vacances, 1946, page 253. — Au figuré. Être plongé dans, être imprégné de : Ø 12.... certains de ceux qui, dans les barbelés, avaient rêvé d'une patrie renouvelée s'attristent de la médiocrité morale et de l'atonie nationale où baignent trop de Français. CHARLES DE GAULLE, Mémoires de guerre, 1959, page 244. — Emplois spéciaux. · FAUCONNERIE. " Se dit (...) de l'oiseau de proie, lorsque de lui-même, il se jette dans l'eau, ou qu'il se mouille à la pluie, ou qu'on le plonge dans l'eau après l'avoir poivré " (Traité général des Eaux et Forêts - Chasses et pêches (JACQUES-JOSEPH BAUDRILLART) 1834); Confer Dictionnaire de l'Académie Française, Compléments 1842 où il est noté comme " verbe actif et pronominal ", Dictionnaire universel de la langue française (Louis-Nicolas Bescherelle) 1845 et Grand dictionnaire universel du XIXe. siècle (Pierre Larousse)). · La lune baigne. " Quand elle est entourée d'un cercle et que son contour est mal terminé " (Dictionnaire de la langue française (ÉMILE LITTRÉ)) : Ø 13. La couleur pâle de la lune, les cercles concentriques plus ou moins obscurs dont elle est entourée, ses cornes mal terminées, l'auréole lumineuse qui s'étend autour d'elle et qui fait dire que la lune baigne, sont autant de signes de pluie;... Journal Officiel. 20 septembre 1873, page 5 976, colonne 1 (LITTRÉ. ). STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 2 251. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 2 820, b) 3 365; XXe. siècle : a) 3 816, b) 3 067.
