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Article de presse: René Coty, président de la transition

Publié le 22/02/2012

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coty
8 janvier 1959 - Le jeudi 8 janvier 1959, René Coty accueille sur les marches du perron de l'Elysée son successeur, élu le 21 décembre précédent par 57 000 des 74 000 " grands électeurs " : le général de Gaulle devient le dix-huitième président de la République depuis Louis-Napoléon Bonaparte en 1848. Cinq ans plus tôt, le samedi 16 janvier 1954, René Coty s'était installé à l'Elysée après avoir été élu président de la République le 23 décembre précédent par le Congrès du Parlement à Versailles, au treizième tour de scrutin. Le septennat interrompu de René Coty a donné lieu à des études moins nombreuses que celles qui ont été consacrées à son prédécesseur, Vincent Auriol, premier président de la Quatrième République, et surtout à ses successeurs. Il est vrai que la période 1954-1958 met davantage l'accent sur le rôle des présidents du conseil que sur celui du chef de l'Etat. La politique se fait plus à l'hôtel Matignon et à l'Assemblée nationale qu'à l'Elysée. Ainsi d'ailleurs l'a voulu la Constitution de 1946. Huit présidents du conseil se succèdent pendant la présidence de René Coty : Joseph Laniel, Pierre Mendès France, Edgar Faure, Guy Mollet, Maurice Bourgès-Maunoury, Félix Gaillard, Pierre Pflimlin et Charles de Gaulle, soit un indépendant, quatre radicaux-socialistes, un SFIO, un MRP et... un gaulliste. La fin de la guerre d'Indochine, le début de la guerre d'Algérie, l'expédition de Suez, la crise du 13 mai 1958, notamment, ponctuent cette époque. Les pouvoirs du président de la République étaient particulièrement restreints. Il " inaugure les chrysanthèmes ", ironisera cruellement de Gaulle. René Coty en donne lui-même un témoignage éloquent en mentionnant dans ses notes à la date du 21 février 1956 : " Hier, pendant le dîner, téléphone de Guy Mollet qui m'annonce que Chaban et Lemaire entrent au gouvernement. " C'est ainsi que le chef de l'Etat était informé des décisions que venait de prendre le chef du gouvernement ! Et pourtant, malgré les apparences, René Coty joue dans cette période un rôle de premier plan. Non seulement il est le président de la transition entre la République parlementaire et la République gaullienne, mais il est un des premiers à dénoncer les défauts du système de la Quatrième République. Il est vrai que ce qu'il conteste surtout, c'est le jeu des partis, l'impossibilité de dégager une majorité cohérente, les déviations imposées à la règle de droit. Il souhaite avant tout la restauration de l'autorité du Parlement, représentant direct de la souveraineté nationale. Le président de la République n'est pas, selon lui, et ne doit pas être, le chef de l'exécutif, mais le garant du respect d'une Constitution avant tout parlementaire. René Coty est, en effet, un parlementaire chevronné et sage, qui à soixante et onze ans accède à la charge suprême. Pour lui, l'histoire ne progresse pas par bonds. Elu député de Seine-Maritime en 1923 (il est né au Havre le 20 mars 1882), sénateur en 1935, secrétaire d'Etat pendant huit jours sous la Troisième République, ministre de la reconstruction pendant un an sous la Quatrième, il a peu de pratique gouvernementale, et demeure attaché au régime d'Assemblée. La démocratie directe, le recours au peuple, lui sont des notions étrangères, voire dangereuses. Il est toutefois conscient de la nécessité des réformes, et en 1956 il va jusqu'à déclarer à Verdun que la révision des institutions est " une tâche primordiale ". Mais, étonné de son audace, il ajoute : " Que le président de la République puisse vous tenir un tel langage n'est pas un vain propos. C'est un signe. " Durant son " quinquennat " il s'est efforcé d'user de son autorité plus morale et politique que concrète, par exemple en nommant Guy Mollet président du conseil de préférence à Pierre Mendès France et en menaçant à plusieurs reprises de démissionner. Cependant, convaincu en 1958 de la nécessité d'un recours à de Gaulle, il obtient que les formes constitutionnelles et parlementaires du retour au pouvoir du chef de la France libre soient scrupuleusement respectées. Ces scrupules et la dignité avec laquelle il accueille à l'Elysée le 8 janvier 1959 " le premier des Français qui est désormais le premier en France " sont unanimement salués. ANDRE PASSERON Le Monde du 8-9 janvier 1984

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