Aux captifs, aux vaincus ! ... à bien d'autres encore !
Publié le 08/09/2013
Extrait du document
Un poème testamentaire
Le chemin qui s'ouvre devant le poète de la modernité n'est
pas celui de la facilité, de l'ivresse du nombre, mais celui d'une
ascèse douloureuse et solitaire. La beauté nouvelle, la beauté
moderne, la beauté à découvrir est au bout de cette méditation
qui, dans« Le Cygne«, ce grand poème de la mélancolie et de
l'exil, s'achève sur une mémoire purifiée, sur l'unité retrouvée
non avec une nature définitivement viciée, non avec une
société aliénée, mais avec la communauté des réprouvés.
Baudelaire n'a jamais mieux signifié son rapport à la modernité
que dans ce poème qu'il convient de considérer comme
testamentaire et dans lequel il a éternisé sous l'image du cygne
s'abîmant dans la boue du pavé parisien, Je symbole du poète
maudit, du poète proclamant avec orgueil sa déréliction, son
rejet du monde des vivants, sa solidarité avec les bannis et les
morts:
«
A fécondé soudain ma mémoire fertile,
Comme je traversais le nouveau Carrousel.
Le vieux Paris n'est plus (la forme d'une ville
Change plus vite, hélas! que le cœur d'un mortel);
Je ne vois qu'en esprit tout ce camp de baraques,
Ces tas de chapiteaux ébauchés et de fûts,
Les herbes, les gros blocs verdis par l'eau des flaques,
Et, brillant aux carreaux, le bric-à-brac confus.
Là
s'étalait jadis une ménagerie; Là je vis, un matin, à l'heure où sous les cieux
Froids et
clairs le Travail s'éveille, où la voirie
Pousse un sombre ouragan dans l'air silencieux,
Un cygne qui s'était évadé de sa cage, Et, de ses pieds palmés frottant le pavé sec,
Sur le sol raboteux traînait son blanc plumage.
Près
d'un ruisseau sans eau la bête ouvrant le bec
Baignait nerveusement ses
ailes dans la poudre,
Et disait,
le cœur plein de son beau lac natal :
"Eau, quand donc
pleuvras-tu? Quand tonneras-tu foudre?"
Je vois ce malheureux, mythe étrange et fatal,
Vers le ciel quelquefois, comme l'homme d'Ovide,
Vers
le ciel ironique et cruellement bleu,
Sur
son cou convulsif tendant sa tête avide,
Comme s'il adressait des reproches à Dieu!
Il
Paris change ! mais rien dans ma mélancolie
N'a bougé! palais neufs, échafaudages, blocs,
V.ieux faubourgs, tout pour moi devient allégorie,
Et mes chers souvenirs sont plus lourds que des rocs.
Aussi devant ce Louvre une image m'opprime :
Je pense à mon grand cygne, avec ses gestes fous,
Comme
les exilés, ridicule et sublime,
Et rongé d'un désir sans trêve! et puis à vous,
Andromaque, des bras d'un grand époux tombée,
Vil bétail, sous la main du superbe Pyrrhus,
Auprès d'un tombeau vide en extase courbée;
Veuve d'Hector,
hélas! et femme d'Hélénus!
Je pense à la négresse, amaigrie et phtisique, Piétinant dans la boue, et cherchant, l'œil hagard,.
»
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- Merci (ordre de la), en espagnol orden de la Merced, ordre religieux espagnol, dit aussi ordre de la Rédemption des captifs ou ordre de Notre-Dame-de-la-Merci, fondé à Barcelone en 1218, par Pierre de Nolasque, gentilhomme français, et Raymond de Peñafort.
- Zorobabel, chef des captifs libérés et Josué, le grand prêtre, entreprirent de reconstruire Jérusalem et son temple, et d'y établir un nouveau gouvernement.
- MATHA, Jean de, saint (1160-1213) Fondateur de l'ordre des Trinitaires, voué au rachat des captifs.
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- Par le mal qu'ils ont fait les hommes sont vaincus