Le Bachelier
Publié le 30/03/2013
Extrait du document
«
« Tout ce monde a l'air heur eux et amoureux ! »
EXTRAITS ~ ~~~~~ ~~
Jacques Vingtras se bat, seul,
contre la société
Pas un homme , c onnu ou obscur, pas un
livre, gros
ou min ce, à tranches fad es ou vio
l lentes, n'a laissé échap
per un mot -comme un
souffle d 'écrasé -contre
cette popularité qui
met
son pied mou, chaussé
de pantoufles, sur le
cœur du peuple, et qui
lui enfonce du coton
tricolore dans les
oreilles!
Au secours, donc, l es
fils de pauvres ! ceux
dont les pères ont été
fauchés par la Réqui
sition ! Au secours, les
descendants des sans
culottes ! Au secours,
tous ceux dont les mères
ont maudit l'ogre de
Corse ! ceux qui étouf
fent dans les greniers, ceux dont les Lisettes
ont faim ! Au secours ! ...
La passivité du peuple face au coup
d'État de Napoléon III accable
Jacques Vingtras
La rue est-elle déjà debout et enfeu ? (.
.
.)
A
peine de maigres rassemblements ! des
gouttes de
plui e sur la tête, de la boue sous
les pieds, -les affiches blanches
sont claires
dans le sombre du temps ,
et crèvent, comme
d'une lueur, la brume grise.
Elles paraissent
seules vivantes en
face de ces visages morts!
Les déchir e-t-on ? hurle-t-on ?
Non.
Les gens lisent les proclamations de
Napoléon, les mains dans leurs poches , sans
fureur!
Oh! si le pain était augmenté d 'un sou, il y
aurait
plus de bruit ! ...
Les pauvres ont-ils
tort
ou raison ?
On ne se battra pas !
Nous sommes perdus! Je le sens, mon cœur
me le crie ! mes yeux me le disent ! ...
La
République est morte, morte !
La misère poursuit Jacques Vingtras
à travers Paris
J'ai vécu et je vis comme un loup.
( ...
)
Je passe ma vie à la Bibliothèque; j'y viens
souvent, l'e
stomac hurlant, parce qu'on ne
va pas loin avec mes quator ze sous par jour
qui se réduisent à douze et même à dix bien
souvent, car j'emprunte au trou de mon
estomac pour boucher d'autres trous.
Peut-être un jour entendront-ils un homme
glisser de sa chaise et rouler évanoui sur le
plancher.
Ce
sera moi
qui aurai faim.
(.
..
)Mais
à ceux qui me relèveront,
je dirai : « C'est la cha
leur.
» Ou bien : « J'ai
fait la noce hier.
» J' ac
cuse rai la température
ou mes vices.
On ne
saura pas que c'est la
misère -si
quelqu'un le
devine ,
ap rès tout, il n'y
aura
pas à en rougir: je
serai tombé sans appeler
au secours .
En été, le grand solei l
m'accable.
Il
m'ac cable,
il me tue! J'ai des sueurs
de faiblesse et des éva
nouissements de pensée
dans mon cerveau las!
L'hiver, je suis mieux.
Je cours.
Cependant
le gris du temps, le sec des pierres, le vent
méchant, le verglas traître ! ...
Ah ! cela
m'emplit de mélancolie quand je sors, et je
trouve la vie bien affreuse .
« Elle vient au-devant
de moi dans l'escalier et m'embrasse en pleurant.
»
NOTES DE L'ÉDITEUR justification sentimentale de son
socialisme.
» Marie-Claire Bancquart,
préface du
Bachelier, Le Livre Club
Diderot, 1969.
pas? » Max Gallo, Jules Vallès ou la
Révolte d'une vie, Robert Laffont, 1988.
Jules Vallès fixe
d'emblée le cadre de sa
misère,
Paris :« Ce Paris de Vallès mérite
bien de prendre place
à côté du Paris des
Mis érables , du Paris rêveur et érudit
d' Anatole France, du Paris affairé des
naturalistes.
Résolument moderne, mais
amputé de façon très significative de ce qui
révélerait en lui
Je capitalisme nouveau
décrit par Zola, Bourse, Banque, trafic des
Halles,
c'est le Pari s des rues laborieuse s et
barricadières où Vallès trouve la Max
Gallo écrit, à propos des critiques qui
accompagnèrent la sortie du livre :
«Mais,
dans les articles, on s'emp loie à opposer
littérature et politique alors que toute la
démarche de Vallès, tout
Je sens de son
œuvre sont précisément de nouer les deux.
Ce projet est-il à ce point hérétique,
révolutionnaire pour
qu'on ne le comprenne
1 gra vur e de Bert a ll / Lauro s-Giraudon 2.
3.
4 aquatint es de B.
Sai nt- Andr é, é d.
Nation al es/ B.N .
Zola déclare, à propos du Bachelier , que ce
roman « est une stupeur pour moi.
Comment diable des garçons
jeunes( ...
)
peuvent-ils se passionner pour cette chose
l
aide et sale qui se nomme la politique !
( ...
)Je pense pour ma part que l 'idée est
reine du monde .
» Émile Zola, cité par Max
Gallo, op.
cit.
VALLÈS04.
»
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