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Baruch Spinoza: La superstition est-elle déraisonnable ?

Publié le 10/03/2005

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spinoza
Si les hommes avaient le pouvoir d'organiser les circonstances de leur vie au gré de leurs intentions, ou si le hasard leur était toujours favorable, ils ne seraient pas en proie à la superstition. Mais on les voit souvent accules à une situation si difficile, qu'ils ne savent plus quelle résolution prendre; en outre, comme leur désir immodéré des faveurs capricieuses du sort les ballotte misérablement entre l'espoir et la crainte, ils sont en général très enclins à la crédulité [...). Si, par exemple, pendant que la frayeur les domine, un incident quelconque leur rappelle un bon ou mauvais souvenir, ils y voient le signe d'une issue heureuse ou malheureuse; pour cette raison et bien que l'expérience leur en ait donné cent fois le démenti, ils parlent.. d'un présage soit heureux, soit funeste. Enfin, si un spectacle insolite les frappe d'étonnement, ils croient être témoins d'un prodige manifestant la colère ou des Dieux, ou de la souveraine Déité ; dès lors, à leurs yeux d'hommes superstitieux et irréligieux, ils seraient perdus s'ils ne conjuraient le destin par des sacrifices et des voeux solennels. Ayant forgé ainsi d'innombrables fictions, ils interprètent la nature en termes extravagants, comme si elle délirait avec eux.

 • Que signifie « fortune e ici ? • A quelle(s) condition(s) selon Spinoza les hommes « ne seraient jamais prisonniers de la superstition « ? Pourquoi « toutes «, « toujours « ? • Pourquoi les hommes ont-ils « très naturellement l'âme encline à la plus extême crédulité « ? Que signifie ici « naturellement « ? • En raison de quoi Spinoza affirme-t-il que « cela « « nul ne l'ignore « ? • Que signifie ici « la plupart s'ignorent eux-mêmes « ? • En quoi la « remarque, en outre « ajoute-t-elle à l'argumentation précédente de Spinoza ? • Pourquoi Spinoza note-t-il « bien que cent fois trompés « ? • Que signifie dans le texte « maintenant « ? • Que signifie exactement « de la sorte « dans le texte ? • Les recherches indiquées précédemment étant menées, est-il possible de dégager la problématique du texte proposé ? Est-ce qu'il s'agit de savoir à quelles conditions les hommes ne seraient jamais prisonniers de la superstition ? S'agit-il de connaître quand et comment l'on écoute les conseils (même les plus « ineptes «) ? S'agit-il de rendre compte de ce que « les hommes « voient partout le miracle quand ils interprètent la nature ? Si l'on répond positivement à cette dernière question, en quoi les questions précédentes sont-elles « liées « à la réponse à la dernière question et à la façon de se la poser ? • A partir de là dégager « l'intérêt philosophique du texte «, apprécier l'intérêt de l'objet de la réflexion de Spinoza et la façon dont elle est menée.

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« proposé ?Est-ce qu'il s'agit de savoir à quelles conditions les hommes ne seraient jamais prisonniers de la superstition ?S'agit-il de connaître quand et comment l'on écoute les conseils (même les plus « ineptes ») ?S'agit-il de rendre compte de ce que « les hommes » voient partout le miracle quand ils interprètent la nature ?Si l'on répond positivement à cette dernière question, en quoi les questions précédentes sont-elles « liées » à laréponse à la dernière question et à la façon de se la poser ?• A partir de là dégager « l'intérêt philosophique du texte », apprécier l'intérêt de l'objet de la réflexion de Spinoza etla façon dont elle est menée. Ce que défend ce texte: Spinoza cherche à déterminer dans ce texte quels sont les mécanismes qui sont à l'origine du phénomène de lasuperstition.Celle-ci est définie comme la croyance en l'existence de signes ou présages d'un événement heureux ou malheureux.Ces signes sont des événements auxquels on accorde la propriété d'annoncer l'issue d'une situation.

Ils peuventêtre «quelconques», c'est-à-dire ordinaires, ou présenter un caractère extraordinaire.À quoi pense ici Spinoza? On remarquera que le genre de superstition auquel il s'attaque diffère de celui qui nous estaujourd'hui plus familier lorsque nous entendons dire autour de nous que le chiffre treize ou un chat noir «portentmalheur ».

Dans ce cas, on sous-entend une sorte de pouvoir maléfique de ces réalités qui, lorsque nous lesrencontrons, sont censées agir sur le cours de notre vie.Or celle qu'évoque le texte se rapproche davantage de ce qu'on nommait, dans l'Antiquité, la divination et qui semêlait étroitement aux rites de la religion païenne.

Ainsi, à Rome, existait-il des «spécialistes» en l'art d'interpréterces signes qui étaient censés venir des dieux, et que l'on nommait augures et aruspices.Cette croyance aux présages est pour Spinoza une anticipation illusoire de l'avenir qui déforme la conception exacteque nous devons avoir de la nature.

Les véritables signes avec lesquels elle doit se lire sont ceux qui expriment seslois dont les mathématiques constituent le seul vocabulaireapproprié.

Ces soi-disant présages sont donc comparables à un «délire» que nous prêtons à la nature puisqu'elletransgresserait par eux ses propres lois et le cours normal de leur expression, en faisant miroiter dans le présent desindications sur le futur.En réalité la croyance en l'existence de ces signes repose sur une association d'idées trompeuse.

Si, dans unesituation quelconque dont l'issue est incertaine (par exemple à la veille d'une récolte dont on doute de la qualité),un événement quelconque se produit (le passage d'une chouette) qui nous rappelle un bon ou mauvais souvenir, lesuperstitieux associera abusivement le souvenir qui est attaché à ce passage à la situation présente, et lesentiment (heureux ou malheureux) qui domine ce même souvenir.L'erreur provient donc d'une liaison fautive, car en vérité rien ne vient justifier que le sentiment heureux auquel lepassage de la chouette était lié ne se produise une seconde fois dans la situation à venir, lorsqu'une nouvellechouette vient à passer.Deux causes viennent expliquer pourquoi ils sont si enclins à faire cette association : l'ignorance et la crainte.L'ignorance de l'avenir, d'abord, que les superstitieux essaient de combler par une interprétation délirante de lanature.

La crainte, quant à elle, est la passion qui donne sa force à cette attitude, car c'est pendant qu'ils sontdominés par la peur de l'avenir et que la raison s'absente, qu'ils se mettent à interpréter des signes qui n'en sontpas.

Ce à quoi s'oppose cet extrait: Spinoza rejoint dans ce texte le genre de critique qu'un auteur latin comme Lucrèce avait déjà développé dansl'Antiquité, dans De la nature des choses, contre la «pesante religion» qui interprétait la foudre ou le tonnerrecomme les signes menaçants de la colère des dieux.

Les hommes alors, se croyant insuffisamment soumis à ladévotion, croyaient que les dieux leur reprochaient d'être «irréligieux» et considéraient qu'il fallait conjurer cessignes par des sacrifices humains.Les adversaires de Spinoza sont donc de deux sortes : tous les superstitieux qui continuent à propager cet héritagepaïen en croyant encore en l'existence de tels signes ; mais, à côté dela divination païenne, Spinoza évoque aussi le cas de ces prodiges censés manifester la colère de Dieu («souveraineDéité»).

Le passage du pluriel (Dieux) au singulier (Déité) est ici significatif, car il nous place sur le terrain dumonothéisme et sous-entend que les signes dont les prophètes nous parlent dans la Bible, par lesquels Dieu exprimeparfois sa colère, constituent une forme particulière de superstition à laquelle on peut adresser les mêmesreproches.Dans ce cadre, Spinoza s'oppose tout aussi bien aux superstitieux qui perpétuent la divination antique qu'auxcroyants qui prennent pour des vérités absolues les témoignages imagés des prophètes.. »

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