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Bel-Ami, excipit « L'encens répandait (…) au sortir du lit » (p°370-371) - commentaire

Publié le 24/02/2012

Extrait du document

Ce passage constitue l’excipit de Bel-Ami. Georges Duroy, jeune ambitieux désargenté venu à Paris pour faire fortune, est devenu le baron Georges Du Roy De Cantel, et épouse la richissime Suzanne Walter. Maupassant profite de cet excipit pour brosser un dernier portrait de son personnage. Quelle image de Duroy nous propose Maupassant dans l'épilogue de son roman ? Nous mettrons en parallèle cet excipit avec 'incipit de l'oeuvre afin d'observer le chemin parcouru par le personnage, avant de nous pencher sur la répartition des rôles dans la cérémonie à laquelle nous assistons. Nous terminerons en cherchant les traces de l'ironie manifestée par le narrateur dans ce passage.

« « voir » (l°401) et le terme « assistants » (l°371 et 397).

Le triomphateur est l’objet de sentiments ambigus : « acclam(é) » (l°372), « compliment(é) » (l°374), « envi(é) » (l°410).

La présence de Suzanne est gommée dans l’esprit de Bel-Ami.

Dans la mesure où elle est souvent qualifiée de « petite fille », de « joujou », si elle n’est pas dans la situation des enfants qui accompagnaient le triomphateur et qui, bien sûr, ne mesuraient pas l’étendue de sa victoire : pour eux, c’était seulement un divertissement extraordinaire.

Elle semble à peu près dans le même état d’incompréhension. On retrouve aussi les prisonniers de marque, les vaincus qui suivent le char du vainqueur.

Ici ce sont les femmes, victimes de Duroy : la vieille maîtresse, Mme Walter, contrainte d’assister à cet événement, et Mme de Marelle.

Elle qui l’avait quitté en apprenant son mariage avec Suzanne, qu’il avait battue, la voilà qui assiste à la cérémonie et vient s’offrir à lui : « Alors il sentit l’appel discret de ses doigts de femme, la douce pression qui pardonne et reprend » (l°385-387).

En fait, elle est venue pour qu’il la « reprenne », ce qui comble Bel-Ami car c’est la seule femme pour qui il éprouve des sentiments (ce qui explique sa présence récurrente dans l’oeuvre) : « Leurs yeux se rencontrèrent, souriants, brillants, pleins d’amour » (l°390-391).

Dans cet extrait, le lien politique / religion s’établit à la sortie de l’église : « Puis, relevant les yeux, il découvrit là-bas, derrière la place de la Concorde, la Chambre des députés » (l°411-412).

Bel-Ami se trouve dans l’axe du pouvoir caractéristique de l’architecture antique : le mariage avec Suzanne va lui permettre de devenir député, de joindre le pouvoir politique à celui de l’argent.

Chez les Romains, le triomphateur allait du Champ de Mars au temple de Jupiter, du laïc au religieux ; ici, c’est l’inverse, Duroy va s’élancer de la Madeleine au Palais-Bourbon, de l’ombre à la lumière.

La carrière politique devient le domaine par excellence de la réussite sous la IIIe République.

Et on a vu au cours du roman en quoi consistait la politique ! Le caractère grandiose de la scène est quelque peu atténué par les traces d'une ironie du narrateur.

Cette ironie vise à la fois la religion et le héros lui-même. Il y a bien sûr une dérision de la religion dont les rites cautionnent l’immortalité et un arriviste.

« Bel-Ami, à genoux à côté de Suzanne, avait baissé le front.

Il se sentait en ce moment presque croyant, presque religieux » (l°363-365).

Tout est dans l’adverbe « presque » ; il a seulement les allures extérieures de la religion : quand on est « presque » croyant ou religieux, cela veut dire qu’on ne l’est pas, ce qui est confirmé par la phrase suivante : « Et sans savoir au juste à qui il s’adressait, il remerciait la divinité de son succès » (l°366-368).

On n’est plus dans le domaine de la religion.

En plus, il remercie une divinité hypothétique « de son succès » alors qu'il est parvenu à ses fins par des manoeuvres profondément immorales.

L e Dieu qu’adore Duroy, c’est la fortune, le Veau d’Or, le contraire de ce que doit être la religion.

L’ironie du narrateur se manifeste à travers l’exploitation du champ lexical de l’érotisme dans une église : « baisers », « caresses », « goût de ses lèvres », « le désir », « reprendre », « leurs yeux se rencontrèrent », « pleins d’amour », « je suis à toi » et surtout le mot final : « lit ».

C’est d’autant plus inattendu que les pensées du héros ne vont pas à sa jeune épouse mais à sa maîtresse, laquelle lui « pardonne » sa conduite.

Dans une église, c’est Dieu qui pardonne au pécheur ! L’ironie du narrateur se manifeste de manière plus subtile à l’égard de Bel-Ami lui-même.

Il se fait appeler « Du Roy », il marche « d’un pas calme » (l°402), mais en réalité, c’est un pantin « affolé » (l°371)qui serre les mains mécaniquement : il « balbutiait des mots qui ne signifiaient rien » (l°373-374).

Son narcissisme le rend également assez ridicule : « Il ne voyait personne.

Il ne pensait qu’à lui.

» (l°405-406).

Sa mégalomanie est suggérée à de multiples reprises.

Il se compare à un roi accalmé par ses sujets (l°372).

« Lorsqu’il parvint sur le seuil, il aperçut la foule amassée, une foule noire, bruissante, venue là pour lui, pour lui Georges Du Roy » (l°407-409).

Le point de vue est interne ; la reprise de la tournure « pour lui », le fait de se nommer à la troisième personne (il pense : « pour moi, pour moi Georges Du Roy ») avec une inflation des majuscules évoque une mégalomanie certaine.

La comparaison entre l’incipit et l’excipit permet au lecteur de mesurer le chemin parcouru par Duroy.

L’ascension de ce « gredin » (terme de Maupassant) qui doit sa réussite à la corruption du milieu où il évolue prouve le pessimisme de l’auteur.

Le dénouement, qui nous montre le héros dans toute sa gloire, est ouvert : quelle sera la carrière politique de Bel-Ami ? Et sa carrière amoureuse ? 2. »

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