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Candide L'Incipit

Publié le 11/09/2006

Extrait du document

Introduction

Le texte dont il est ici question est l’incipit de Candide de Voltaire. Voltaire est un des grands hommes du mouvement des Lumières, il dénoncera sans relâche et en utilisant différents genres, les injustices, les inégalités et l’intolérance. Il écrira des contes philosophiques, comme Candide et Micromégas, mais aussi des traités, des essais, des lettres ainsi que des articles de l’Encyclopédie.

Candide est donc un conte philosophique, une des formes possibles de l’apologue, qui se doit d’être un récit divertissant comportant une moralité, un enseignement explicite ou non. Ce conte est représentatif de l’esprit des Lumières et de ses grands combats, puisque Voltaire y dénonce en particulier la philosophie Leibnitzienne, mais également diverses formes d’injustices comme les abus de la religion (chapitre 6 : “L’autodafé”), du pouvoir (chapitre 3 : “La guerre”), ainsi que l’esclavage (chapitre 19 : “Le nègre de Surinam”). De plus, c’est une œuvre qui propose constamment un double niveau de lecture par le recours à l’ironie, une arme formelle dont Voltaire a souvent usé.

L’incipit nous donne à voir les éléments traditionnels du conte pour mieux les subvertir et mettre à jour une réalité déceptive cachée derrière des illusions, qui sont ainsi dénoncée.

I. L’univers du conte

Avant toute chose, l’incipit met en avant un univers du conte traditionnel, qui est illustré dans le texte par les formules du conte, les éléments spatio-temporels et les poncifs ainsi que des personnages représentatifs de ce genre très codé, qui fait partie des références culturelles du lecteur.

A. Les formules traditionnelles du conte

Tout d’abord, Voltaire a recours à la formule traditionnelle du conte : « Il y avait en Westphalie « pour débuter son récit. Il l’inscrit de cette façon dans un genre codé auquel il le rattache et à partir duquel le lecteur pourra mesurer l’écart. Il reprend également toutes les tendances langagières de celui-ci. Il utilise des comparatifs et des superlatifs, comme « les moeurs les plus douces «/ « l’esprit le plus simple «/ « un des plus puissants «/ « le plus beaux des châteaux «/ « la meilleurs des baronnes possibles «, qui doivent participer à la création d’un monde manichéen, ce qui présente l’intérêt de proposer des repères simples.

De même, le texte est littéralement envahi par une caractérisation positive qui passe par la multiplication d’adjectifs mélioratifs comme « beau «, « bon «, « honnête «, « douce «, etc.

On retrouve aussi le temps de la description du conte, l’imparfait, avec par exemple, « avait «, « annonçait «, «soupçonnaient«. L’incipit est dominé par l’imparfait ce qui souligne sa vocation, car il s’agit de présenter la situation initiale et tous ses éléments avant d’évoquer l’élément perturbateur, qui amènera l’utilisation du passé simple.

B. Les éléments traditionnels du conte

Ensuite, si le lecteur retrouve d’emblée le langage du conte, il retrouve aussi tous ses éléments. En effet, les lieux sont dignes d’un conte de fée, le récit débute dans un pays peu connu, « la Westphalie «, et surtout se déroule dans un « château «, lieu emblématique du conte où l’on trouve, bien sûr, une « grande salle « avec sa « tapisserie «.

Non seulement les personnages font pratiquement tous partie de la noblesse, on trouve ainsi le « baron «, la « baronne « et leurs enfants, mais de plus cette noblesse est mise en relief par le refus de la sœur du baron d’épouser un « bon et honnête gentilhomme du voisinage « car celui-ci « n’avait pu prouver que soixante et onze quartiers, et que le reste de son arbre généalogique avait été perdu par l’injure du temps «. La noblesse est donc à la fois la caractéristique principale des personnages mais elle commande aussi leurs actions. La présence d’un précepteur va dans ce sens, en faisant partie des attributs inséparables de la noblesse.

De même, Voltaire choisit l’intemporalité propre à l‘univers du conte et l’absence de précision pour plus d’irréalité. L’univers qu’il construit est clos sur lui-même et fantasmatique, il permet de placer une philosophie au centre de ce microcosme et sa clôture même fait de cette philosophie la seule explication du monde connue, donc valable pour les habitants du château : « Il prouvait admirablement qu’il n’y a point d’effets sans causes, et que dans ce meilleur des mondes possibles, le château de monseigneur le baron était le plus beaux des châteaux et madame la meilleure des baronnes possibles «.

On peut lire en filigrane dans cette description, une image du paradis qui sera confirmée par l’exclusion de Candide.

C. Une présentation de personnages de contes

En dernier lieu, les personnages sont assez peu décrits et se résument en général à une caractéristique principale, ce qui les rapproche des personnages de conte qui sont généralement réduits à des types et n’ont aucune nuance ni complexité. C’est dans ce sens que Candide est présenté par une périphrase : « un jeune homme à qui la nature avait donné les moeurs les plus douces «. De plus, on note une complète coïncidence entre son apparence et son caractère : « Sa physionomie annonçait son âme «.

Le personnage du baron se réduit à son appartenance à la noblesse, qui est soulignée de manière insistante. Le baron est un personnage puissant et digne qui est définit comme « un des plus puissants seigneurs de Westphalie «, qui jouit de la considération et de l’admiration de son entourage : « ils riaient quand il faisait des contes «.

Il en est de même pour la baronne, caractérisée elle aussi par sa dignité, ce que met en relief le lexique, « très grande considération «, « honneurs «, « dignité «, « respectable «.

Les enfants ne sont que de pâles reflets de leurs parents : Cunégonde est réduite à son physique et à sa sensualité (« haute en couleur, fraîche, grasse, appétissante «) et le fils du baron est la copie de son père (« paraissait en tout digne de son père «). Quant à Pangloss, il n’est que ce qu’il enseigne et n’a pas d’autres caractéristiques physiques ou morales.

II. Les « grincements «, révélateur de l’ironie du texte

Si dans un premier temps, le lecteur semble plongé dans un univers qui lui rappelle celui des contes de fée, il se rend rapidement compte que la présence d’un certain nombre de « grincements « invite à une lecture ironique du texte et que derrière une façade idyllique le monde du baron n’est pas ce qu’il semble. Cet incipit déconstruit donc plus encore qu’il ne construit un univers merveilleux.

A. Les discrètes interventions du narrateur

Le premier élément qui doit laisser entendre au lecteur que le monde présenté n’est peut-être pas aussi simple et caricaturale qu’une lecture au premier degré le laisse entendre est l’intervention répétée et dissonante du narrateur.

Ainsi, les noms propres peuvent être vus comme une annonce de l’ironie du texte, du fait qu’ils sont particulièrement signifiants. La dureté du nom du baron souligne ainsi sa cruauté puisqu’il va chasser Candide et le livrer à lui-même sans scrupules, la consonance allemande de « Thunder-ten-tronkh « se justifiant également par le fait que le conte se déroule en Westphalie. De même, le nom de « Candide « résume le personnage et l’enferme dans une naïveté qui confine à la bêtise.

Le choix des noms ne serait qu’une annonce de l’ironie que souligne les interventions directes du narrateur, lorsque, par exemple, dans la phrase « c’est, je crois, pour cette raison qu’on le nommait Candide «, il feint le doute alors qu’il insiste sur sa simplicité et sa douceur avec l’utilisation du superlatif . Les phénomènes de renchérissement et d’insistance vont dans ce sens et donnent à l’ironie un ton plus mordant : « sa grande salle même «/ « admirablement «.

Si par moment ce sont les interventions du narrateur qui mettent en valeur l’ironie, il arrive aussi que le choix de l’effacement de celui-ci soit également significatif, par exemple, le choix du discours direct pour la présentation de la philosophie de Pangloss est une façon pour le narrateur de ne pas reprendre à son compte les stupidités de Pangloss et de laisser le personnage montrer l’étendue de sa bêtise.

Enfin, l’ironie passe également par le point de vue de Candide, puisque la scène semble être vue par un regard qui se contente de constater et donner les faits à voir mais est incapable de les interpréter.

B. Les justifications absurdes révélant l’envers du décor

Les indices de l’ironie sont ensuite confortés par l’usage d’une série de justifications absurdes, qui au lieu de conforter la supériorité et la dignité du baron et de sa famille souligne l’absence de causes réelles qui doivent les justifier. Ainsi, lorsque la puissance du baron se mesure au fait que son château « avait une porte et des fenêtres «, et que « sa grande salle même était ornée d’une tapisserie « ou que la baronne s’attire une grande considération du fait de ses « trois cent cinquante livres «. Le seul mérite de la baronne serait donc son obésité, ce qui rend ironique l’insistance sur la dignité et l’omniprésence de son lexique.

De même, la justification du refus de la sœur du baron d’épouser « un bon et honnête gentilhomme du voisinage « pour une raison absurde et superficielle montre l’attachement de la famille du baron aux apparences : « parce qu’il n’avait pu prouver que soixante et onze quartiers, et que le reste de son arbre avait été perdu par l’injure du temps «, d’autant plus qu’il n’est pas impossible qu’il soit suffisamment noble, ce qui lui manque c’en est la preuve.

De plus, non seulement la justification de la noblesse ne tient qu’aux apparences mais celles-ci sont fausses et trompeuses, ce que l’on voit à travers les rapprochements de termes : « sa meute « n’est qu’en fait « les chiens de ses basses cours «, ses « piqueurs « ne sont autres que ses « palefreniers « et son « grand aumônier «, le « vicaire du village «. Ces trois rapprochements soulignent la confusion entre la réalité et les apparences et le fait que le baron, en apparence un aristocrate fortuné n’est en fait qu’un petit hobereau de province.

C. Une philosophie qui sonne faux

Enfin, Pangloss, dont le nom signifie « tout langage « met à valeur la vacuité de sens profond dans son discours, ainsi que sa philosophie sont également dénoncés de manière ironique.

Le choix de nommer « métaphycico-théologo-cosmolonigologie « sa « science « indique qu’elle n’est qu’un vaste fourre tout qui s’appuie surtout sur la naïveté de son public : ce que met en relief le mot « nigaud « contenu dans son nom.

Tout son savoir se contente d’être un tissu de banalités et d’évidences dites sur un ton docte : « Il prouvait admirablement qu’il n’y a point d’effets sans causes «, et que dans ce meilleur des mondes possibles, le château de monseigneur le baron était le plus beaux des châteaux et madame la meilleurs des baronnes possibles «. Le verbe « prouver « met en valeur par son ironie le fait que justement s’il soutient un certain nombre d’idées, il n’en prouve aucune, comme le montre les justifications absurdes contenues dans les phrases suivantes : « les nez ont été faits pour porter des lunettes ; aussi avons-nous des lunettes «, « [l]es jambes sont visiblement instituées pour être chaussées, et nous avons des chausses «, ou encore « [l]es cochons étant faits pour être mangés, nous mangeons du porc toute l’année «.

De même, quand les justifications ne sont pas absurdes, elles sont inexistantes. Pangloss utilise ainsi une pétition de principe, qui prend comme présupposé ce qui est à démontrer, lorsqu’il dit : « Il est démontré, disait-il que les choses ne peuvent être autrement : car, tout étant fait pour une fin, tout est nécessairement pour la meilleure «, son raisonnement n’en est pas un mais se contente d’en avoir l’apparence.

Conclusion

L’incipit de Candide, à l’image du reste de l’oeuvre, reprend de nombreux éléments du conte traditionnel pour mieux les subvertir. En effet, si l’on trouve le langage du conte, avec ses formules, ses superlatifs et son vocabulaire mélioratif, les éléments tels qu’un contexte irréel et indéfini ou des personnages caricaturaux qui ne sont que des types, ce texte est surtout le lieu de la dénonciation des apparences trompeuses. La dénonciation se fait par le choix d’un ton ironique dont les noms, le point de vue et les interventions du narrateur sont autant d’indices, qu’amplifient les justifications absurdes de la dignité du baron et sa famille et celles qui doivent signifier la validité de la philosophie de Pangloss qui repose en réalité uniquement sur une apparence de raisonnement, vide de tout contenu et de toute logique.

Le texte :

Chapitre premier : Comment Candide fut élevé dans un beau château, et comment il fut chassé de celui-ci

Il y avait en Westphalie, dans le château de M. le baron de Thunder-ten-tronckh, un jeune garçon à qui la nature avait donné les moeurs les plus douces. Sa physionomie annonçait son âme. Il avait le jugement assez droit, avec l’esprit le plus simple ; c’est, je crois, pour cette raison qu’on le nommait Candide. Les anciens domestiques de la maison soupçonnaient qu’il était fils de la soeur de monsieur le baron et d’un bon et honnête gentilhomme du voisinage, que cette demoiselle ne voulut jamais épouser parce qu’il n’avait pu prouver que soixante et onze quartiers, et que le reste de son arbre généalogique avait été perdu par l’injure du temps.

Monsieur le baron était un des plus puissants seigneurs de la Westphalie, car son château avait une porte et des fenêtres. Sa grande salle même était ornée d’une tapisserie. Tous les chiens de ses basses-cours composaient une meute dans le besoin ; ses palefreniers étaient ses piqueurs ; le vicaire du village était son grand aumônier. Ils l’appelaient tous monseigneur, et ils riaient quand il faisait des contes.

Madame la baronne, qui pesait environ trois cent cinquante livres, s’attirait par là une très grande considération, et faisait les honneurs de la maison avec une dignité qui la rendait encore plus respectable. Sa fille Cunégonde, âgée de dix-sept ans, était haute en couleur, fraîche, grasse, appétissante. Le fils du baron paraissait en tout digne de son père. Le précepteur Pangloss était l’oracle de la maison, et le petit Candide écoutait ses leçons avec toute la bonne foi de son âge et de son caractère.

Pangloss enseignait la métaphysico-théologo-cosmolonigologie. Il prouvait admirablement qu’il n’y a point d’effet sans cause, et que, dans ce meilleur des mondes possibles, le château de monseigneur le baron était le plus beau des châteaux et madame la meilleure des baronnes possibles.

« Voltaire metteur en scène va compléter son travail par ce réquisitoire fortement structuré qu'il met dans la bouche de son nègrequi n'est en fait qu'un personnage de papier- L'argumentation : Voltaire fait de son nègre le principal agent d'une argumentation fortement structurée :.

Organisation : description de sa situation- les conséquences du Code noir - un récit explicatif- un argumentaire pour dénoncer laduplicité des discours (à la fois des parents et des prêtres).Le récit du nègre décrit la collusion entre deux systèmes de pensée et deux discours :.

celui de ses parents : ils pensent qu'en vendant leur enfant, ils sera plus heureux là où il vivra à moins que ce ne soit seulementune attitude purement mercantile, ce qui serait le comble de l'horreur.

Voltaire ne tranche pas, laisser le doute et la suspicionplaner..

celui des prêtres et des missionnaires : les s hommes de religion qui disent une chose à l'église et que la réalité pratique dément(allusion à la filiation d'Adam, ce qui fait de tous les hommes des parents.) : « Les fétiches hollandais qui m'ont converti me disenttous les dimanches que nous sommes tous enfants d'Adam, blancs et noirs.

Je ne suis pas généalogiste ; mais si ces prêcheursdisent vrai, nous sommes tous cousins issus de germains.

Or vous m'avouerez qu'on ne peut pas en user avec ses parents d'unemanière plus horrible.

»- l'argent, le profit : le discours du nègre permet de montrer que les valeurs suprêmes sont celles de l'argent et du profit que cesoit en Afrique ou en Europe.- Les blancs, complices : par leur silence et pour leur confort, les européens sont complices des esclavagistes : « C'est à ce prixque vous mangez du sucre en Europe.

»- la duplicité des hommes de religion : elle est accusée d'être complice des esclavagistes en recommandant une soumissionpassive aux esclaves et en leur racontant de fausses vérités (la fraternité humaine).

C'est la duplicité même des hommes dereligion qui mise à l'index. Conclusion : Ce texte est un produit patent de l'esprit des Lumières : Voltaire prend la défense des esclaves et dénonce l'esclavage et lesesclavagistes.

Il opte pour une sorte de réquisitoire où le discours est celui de la victime.Voltaire cherche l'excès pour mieux provoquer la révolte face à un mal créé par l'homme blanc, l'européen.

Il met en crise toutdiscours optimiste en mettant l'accent sur une souffrance humaine.

Le ton est accusateur puisqu'il cloue au piloris toute la chaîneesclavagiste : pourvoyeurs (les parents), profiteurs (Les marchands tels Vanderdendur) les prêtres (qui racontent des mensongesaux noirs en les convertissant).. »

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