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Claude Hagège, Le Français et les Siècles

Publié le 30/03/2011

Extrait du document

Déconcertés par les campagnes d'intoxication des médias sur la « baisse de niveau «, les maîtres eux-mêmes, auxquels cette baisse ne manque pas d'être imputée, n'ont d'autres issues que les risques opposés d'un rigorisme sécurisant mais réducteur, ou d'un laxisme blasé. Fuyant le dialogue, les plus hésitants d'entre eux en viennent à monologuer des règles, même s'ils savent combien il importe de demeurer à l'écoute de la langue des écoliers. La contrainte de ces règles, en muselant la créativité expressive, livre sans défense le pauvre francophone de base à l'anglomanie inventive des marchands. L'enseignement traditionnel ne redoute rien autant que l'irruption des styles parlés dans le style écrit ; toute invention est jugulée par la crainte d'user de mots « qui ne sont pas dans le dictionnaire «. Certes, on trouve de fortes variations individuelles d'une école à l'autre, mais il est souvent vrai que l'école autoritaire, en condamnant au silence les élèves qui seraient tentés d'écrire comme ils parlent, préparent le terrain à ceux qui ne craignent pas de parler pour vendre. La captation féconde de l'oral cède le pas à l'imposition de l'écrit, contrôlable et aisément corrigible. Que convient-il de faire, dès lors ? Il ne s'agit pas ici de préconiser une démagogie à courte vue, ni, évidemment, d'encourager les élèves, surtout ceux des milieux sociaux les plus défavorisés, à écrire comme ils parlent. Il convient, en fait, d'enseigner la langue écrite, mais sans culpabiliser l'écolier par la disqualification des registres oraux. Il s'agit de laisser ceux qui le veulent s'exprimer d'abondance et sans contrainte, mais en les prévenant de l'importance de la norme écrite qu'on leur enseigne en leur faisant apparaître que ceux qui la dominent sont le plus souvent assurés des meilleurs emplois, sinon de l'autorité, là où leur profession les situera. L'entreprise exige d'autant plus de finesse que si l'école doit assouplir ses procédures, elle ne doit pas, pour autant, abandonner le pouvoir qui était traditionnellement le sien. Ce serait ouvrir largement le camp aux contre-pouvoirs qui ont mis fin à son monopole dans l'enseignement du français : publicité, presse écrite et audio-visuelle.    L'action de ces contre-pouvoirs est justement à l'origine d'une confusion contre laquelle l'école doit réagir : non seulement celle-ci doit enrichir l'expression de l'enfant en ne négligeant pas, au profit d'une compétence passive de l'archaïsme (mots de l'explication de textes) ou de terminologies spéciales que d'écolier domine mal, l'acquisition de la langue moderne et du dynamisme de son usage courant, mais encore elle doit l'aider à prendre conscience d'un changement de statut du français parlé. En effet, les médias audio-visuels, du fait qu'ils mettent sur le même plan, dans les programmes et les répartitions d'horaires, les genres oraux très formels, comme les informations ou les discours présidentiels ou ministériels, et les genres informels, comme l'entretien avec un coureur cycliste, pratiquent l'amalgame entre deux niveaux très différents de français non écrit. Autrefois, cet amalgame n'existait pas. On était conscient de deux oppositions : non seulement entre le français parlé et la langue écrite, évidemment, mais encore entre le français parlé et l'oral public, qu'il se manifeste dans l'éloquence de la chaire et du prétoire, au théâtre, dans l'enseignement ou aux tribunaux d'assemblées politiques. Proche de l'écrit, l'oral public doit être présenté aux écoliers comme un registre tout à fait différent de leur oralité spontanée, et dont ils doivent apprendre à se servir en cas de besoin.    L'enseignement des moyens linguistiques d'accéder à la vie où chacun s'accomplira doit être dispensé avec réalisme, certes, mais aussi avec tolérance et sans terrorisme. C'est là un moyen indirect, mais un moyen efficace, pour contenir les vagues publicitaires. Car il n'est d'autre choix, lorsqu'on est pris par la crainte du couperet  rectificateur, que de s'effacer devant les trousseurs de nouvelles à sensation et les auteurs de réclames les plus doués. En effet, ces derniers, même s'ils ne prétendent à aucun magistère de langage et se soucient peu d'être des autorités littéraires, même s'ils n'accréditent dans l'usage qu'un petit nombre de leurs créations, sont libres, eux d'inventer de la parole sans contrainte.    Claude Hagège, Le Français et les Siècles, éditions Odile Jacob, 1987.    1. Résumez le texte en 185 mots (une marge de 10 % en plus ou en moins sera admise). Vous indiquerez sur votre copie le nombre de mots que vous aurez employés. (8 points)    2. Expliquez: — laxisme;    — couperet rectificateur. (2 points)    3. Pensez-vous, comme l'auteur, que « ceux qui dominent la norme écrite sont le plus souvent assurés des meilleurs emplois, sinon de l'autorité «? (10points)   

« tâche s'annonce d'autant plus difficile que, contrairement au passé, les médias mélangent l'oral familier, spontané,informel avec l'oral public, formel.

L'enseignement doit donc s'accomplir avec réalisme et tolérance dans le but derésister à une parole publicitaire envahissante et qui affiche sa liberté.

(180 mots.) Vocabulaire Laxisme. Le terme désigne de manière péjorative une attitude d'excessive tolérance et de permissivité.

Certains enseignants,d'après Claude Hagège, par lassitude, par esprit de fausse modernité ou par démagogie, encouragent les élèves àécrire comme ils parlent. Couperet rectificateur. Le couperet désigne au sens propre la partie métallique et tranchante de la guillotine.

Ici, au sens figuré,l'expression désigne l'égalitarisme forcené, l'uniformisation du langage auquel on aboutirait sans les solutionspréconisées par l'auteur. Discussion La dichotomie entre l'expression écrite et orale a toujours existé, de même que les différents niveaux de langue :l'oral, le familier, le littéraire et le soutenu.

Cependant, historiquement, de plus en plus d'individus, grâce à ladémocratisation de l'enseignement, sont appelés à s'exprimer par écrit ou par oral.

Quelle valeur sociale reconnaît-on à la maîtrise de l'expression écrite? Selon Claude Hagège, « ceux qui dominent la norme écrite sont le plussouvent assurés des meilleurs emplois sinon de l'autorité ».

Cette affirmation se vérifie dans une certaine mesure,pourtant il semble que l'expression orale acquière une importance croissante aux dépens de l'écriture. Dans quels domaines peut-on effectivement assurer comme Claude Hagège que le respect de la norme écrite estdéterminant? Le monde scolaire et universitaire postule en effet que l'acquisition de l'expression écrite est fondamentale : le milieufamilial prend en charge l'expression orale, l'acquisition de langage parce qu'elles se présentent en premier dansl'évolution de l'enfant, tandis que l'école, à partir du cours préparatoire, enseigne l'écriture et les premiers rudimentsde grammaire.

L'apprentissage des normes écrites se poursuit durant tout le premier cycle jusqu'au Brevet descollèges, dernier examen où intervient une dictée.

Le respect de « la norme écrite » est donc jugé fondamental parles autorités enseignantes.

L'acquisition du style et de l'originalité intervient plus tard, au cours d'études moinslinguistiques que littéraires.

Les examens de même opèrent tous une première sélection des candidats par lesépreuves écrites.

L'oral vient ensuite départager les admissibles ou rattraper les plus malchanceux. L'écrit joue également un rôle important dans la vie professionnelle.

Certes le téléphone est couramment utilisé,même dans les firmes internationales.

Cependant, l'on écrit encore lettres, rapports, synthèses, résumés.

La maîtrisede ces différents exercices sélectionne les demandeurs à un même poste.

Les études de secrétaire passent ainsi parces différents points à acquérir : orthographe, respect des accords, des constructions grammaticales. En effet, traditionnellement, une certaine valeur est reconnue à celui qui manie la langue écrite.

L'orthographe jouit,au moins par périodes, d'un certain prestige.

C'est un exercice qui, même avec des variantes pédagogiques, commel'autodictée ou la dictée préparée se pratique encore régulièrement.

La mode a même remis en vigueur deschampionnats d'orthographe, descendants modernes de la fameuse dictée inventée par Mérimée pour distraire lacour de Napoléon III à Compiègne.

Parallèlement, la faute d'orthographe ou de français est mal vue.

On a tendanceà classer les gens selon leur expression écrite plus encore que par leur oral qui reflète moins les conditions sociales. La maîtrise de l'expression écrite est-elle liée au milieu familial et socio-professionnel ? Dans une certaine mesureoui, et Claude Hagège en est conscient puisqu'il met en garde contre une attitude laxiste, démagogique quifavoriserait à long terme les inégalités.

Un enfant qui entend parler correctement autour de lui, qui voit lire et écrire,à qui l'on apprend les niveaux de langue et notamment les différences entre « ce qui se dit » et « ce qui s'écrit »est mieux armé pour respecter les normes écrites, même s'il n'est pas doué en orthographe. Dans le monde scolaire, universitaire, professionnel et dans la société, la norme écrite s'impose encore avec rigueur.Il en est de même, dans une certaine mesure dans le monde politique.

Comme Claude Hagège, nous pouvons eneffet invoquer l'exemple d'hommes politiques, détenant l'autorité par le biais d'une langue parfaite, plus écritequ'orale.

Cela semble un paradoxe car l'électorat se conquiert plus par des discours répétitifs et des slogansefficaces que par le traditionnel art oratoire. Citons cependant l'exemple de Charles de Gaulle dont les Mémoires demeurent un hommage à l'histoire certes, maiségalement à la langue française et dont les discours demandaient force exégèses et explications de texte à la foispour leur vocabulaire, leurs tournures et leur raisonnement.

Citons également Giraudoux et Saint-John Perse, grandsamateurs d'une langue écrite, pure et inaccessible au vulgaire, et brillants diplomates, Malraux aux raccourcisfulgurants, à la prose oratoire célèbre quand il fut rassembleur du R.P.F.

aux côtés du général de Gaulle ou quand il. »

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