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La connaissance scientifique est-elle désintéressée ?

Publié le 22/09/2005

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scientifique

Il s'agit de savoir si la science est à elle-même sa propre fin (savoir pour savoir), ou si elle est un moyen au service d'une fin qui lui est extérieure (savoir pour obtenir quelque chose d'autre que le savoir lui-même). On notera que lorsqu'on demande si la science est désintéressée, ce «est« peut s'entendre «en fait« ( = la science telle qu'elle existe aujourd'hui et a existé dans le passé est-elle désintéressée ?) ou «en droit« (=la science considérée dans son essence pure est-elle désintéressée ?).

  • 1. Les origines intéressées de la science
  • 2. La science se veut désintéressée

a) Technique et science b) Le rejet des préoccupations utilitaires Une conception tardive Un rejet nécessaire

  • 3. Un désintéressement discuté

 

scientifique

« science ne se pose pas la question de la valeur de son objet mais cherche à le cerner, par la connaissance.

Ainsi, Bachelard, dans ces quelques lignes de La formation de l'esprit scientifique , distingue -t-il la science de l'opinion, qui, elle, considère l'objet par son utilité première.

« L'opinion pense mal ; elle ne pense pas : elle traduit des besoins en connaissances.

En désignant les objets par leur utilité, elle s'interditde les connaître.

On ne peut rien fonder sur l'opinion : il faut d'abord la détruire.

Elle est le premier obstacle à surmonter.

» Détruire toute approche intéresse de son objet est donc lepréalable à toute connaissance qui se voudra désintéresser, scientifique.

II/ La connaissance scientifique est source de pouvoir L'approche scientifique passe donc par un retrait de la vision utilitaire que nous pourrions porter sur un objet.

Il s'agit, en fait, de chercher le vrai avant l'utile, le réel avant ce qui nousconvient.

Cependant, l'approche scientifique va donner des résultats et, à proprement parler, des connaissances qui pourront ensuite être utilisées beaucoup plus techniquement.

Parexemple, des connaissances en optique ont permis le développement du microscope, du télescope, des lunettes… Donc, si la connaissance scientifique passe par une théorie et une méthodequi ne cherchent qu'à déterminer le réel, les connaissances produites à cette occasion peuvent à leur tour être employées comme sources de production technique.

L'intérêt est alors dedonner à l'homme les moyens de s'assurer davantage de pouvoir sur les objets qui l'entourent.

Mieux encore, il peut parvenir à créer des machines qui lui assurent des moyens de surviemeilleurs, un confort, dans le but de se préserver lui-même.

C'est dans cette optique que Descartes, dans son Discours de la méthode , justifie les avantages de la physique qu'il a mis au point.

« Il est ainsi possible de parvenir à des connaissances qui sont fort utiles à la vie, et qu'au lieu de cette philosophie spéculative qu'on enseignedans les écoles, on en peut trouver une, pratique, par laquelle, connaissant la force et les actions du feu, de l'air, des astres, des cieux et de tous lesautres corps qui nous environnent, aussi distinctement que nous connaissons les divers métiers de nos artisans, nous les pourrions employer enmême façon à tous les usages auxquels ils sont propres, et ainsi nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature.

» L'intérêt de laconnaissance scientifique est donc l'usage technique qui découle des connaissances découvertes.

Dans la sixième partie du « Discours de la méthode » (1637), Descartes met au jour un projet dont nous sommes les héritiers.

Il s'agit de promouvoir une nouvelle conception de la science, de la technique et de leurs rapports, apte à nous rendre « comme maître et possesseurs de la nature ».

Descartes n'inaugure pas seulement l'ère du mécanisme, mais aussi celle du machinisme, de la domination technicienne du monde. Si Descartes marque une étape essentielle dans l'histoire de la philosophie, c'est qu'il rompt de façon radicale et essentielle avec sa compréhension antérieure.

Dans le « Discours de la méthode », Descartes polémique avec la philosophie de son temps et des siècles passés : la scolastique, que l'on peut définir comme une réappropriation chrétienne de la doctrine d' Aristote . Plus précisément, il s'agit dans notre passage de substituer « à la philosophie spéculative qu'on enseigne dans les écoles » une « philosophie pratique ».

La philosophie spéculative désigne la scolastique, qui fait prédominer la contemplation sur l'action, le voir sur l'agir.

Aristote et la tradition grecque faisaient de la science une activité libre et désintéressée, n'ayant d'autre but que de comprendre le monde, d'en admirer la beauté.

La vie active est conçue comme coupée de la vie spéculative, seule digne non seulement des hommes, mais des dieux. Descartes subvertit la tradition.

D'une part, il cherche des « connaissances qui soient fort utiles à la vie », d'autre part la science cartésienne ne contemple plus les choses de la nature, mais construit des objets de connaissance.

Avec le cartésianisme, un idéal d'action, de maîtrise s'introduit au cœur même de l'activité de connaître. La science antique & la philosophie chrétienne étaient désintéressées ; Descartes veut, lui, une « philosophie pratique ».

« Ce qui n'est pas seulement à désirer pour l'invention d'une infinité d'artifices qui feraient qu'on jouirait sans aucune peine des fruits de la terre et de toutes les commodités qui s'y trouvent, mais principalement aussi pour la conservation de la santé […] » La nature ne se contemple plus, elle se domine.

Elle ne chante plus les louanges de Dieu, elle est offerte à l'homme pour qu'il l'exploite et s'en rende « comme maître & possesseur ». Or, non seulement la compréhension de la science se voit transformée, mais dans un même mouvement, celle de la technique.

Si la science peut devenir pratique (et non plus seulement spéculative), c'est qu'elle peut s'appliquer dans une technique.

La technique n'est plus un art, un savoir-faire, une routine, elle devient une science appliquée. D'une part, il s'agit de connaître les éléments « aussi distinctement que nous connaissons les métiers de nos artisans ».

Puis « de les employer de même façon à tous les usages auxquels ils sont propres ».

Il n'est pas indifférent que l'activité artisanale devienne le modèle de la connaissance.

On connaît comme on agit ou on transforme, et dans un même but.

La nature désenchantée n'est plus qu'un matériau offert à l'action de l'homme, dans son propre intérêt.

Connaître et fabriquer vont de pair. D'autre part, il s'agit « d'inventer une infinité d'artifices » pour jouir sans aucune peine de ce que fournit la nature.

La salut de l'homme provient de sa capacité à maîtriser et même dominer techniquement, artificiellement la nature. Ce projet d'une science intéressée, qui doive nous rendre apte à dominer et exploiter techniquement une nature désenchantée est encore le nôtre.Or la formule de Descartes est aussi précise que glacée ; il faut nous rendre « comme maître et possesseur de la nature ».

« Comme », car Dieu seul est véritablement maître & possesseur.

Cependant, l'homme est ici décrit comme un sujet qui a tous les droits sur une nature qui lui appartient (« possesseur »), et qui peut en faire ce que bon lui semble dans son propre intérêt (« maître »). Pour qu'un tel projet soit possible, il faut avoir vidé la nature de toute forme de vie qui pourrait limiter l'action de l'homme , et poser des bornes à ses désirs de domination & d'exploitation.

C'est ce qu'a fait la métaphysique cartésienne, en établissant une différence radicale de nature entre corps & esprit.

Ce qui relève du corps n'est qu'une matière inerte, régie par les lois de la mécanique.

De même en assimilant les animaux à des machines, Descartes vide la notion de vie de tout contenu.

Précisons enfin que l'époque de Descartes est celle où Harvey découvre la circulation sanguine, où le corps commence à être désacralisé, et les tabous touchant la dissection, à tomber. Car ce qu'il y a de tout à fait remarquable dans le texte, c'est que le projet de domination technicienne de la nature ne concerne pas que la nature extérieure et l'exploitation des ressources naturelles.

La « philosophie pratique » est utile « principalement aussi pour la conservation de la santé ».

Le corps humain lui aussi, dans ce qu'il a de naturel, est objet de science, et même objet principal de la science.

« S'il est possible de trouver quelque moyen qui rende les hommes plus sages et plus habiles qu'ils n'ont été jusqu'ici, je crois que c'est dans la médecine qu'on doit le chercher. » La véritable libération des hommes ne viendrait pas selon Descartes de la politique, mais de la technique et de la médecine.

Nous deviendrons « plus sages & plus habiles », nous vivrons mieux, en nous rendant « comme maîtres & possesseurs de la nature ».

La science n'a pas d'autre but.III/ La connaissance scientifique ne peut être désintéressée sans philosophie Le pouvoir que donnent alors à l'homme les connaissances scientifiques qui s'accumulent, ne fait donc que se renforcer.

Nous savons aujourd'hui que nous possédons les moyens techniques de faire exploser cette planète.

Lascience, livrée à elle-même, est donc intéressante pour la domination de la nature mais quelle est la limite de cet intérêt ? Un mauvais usage de ce pouvoir qui nous est donné ne conduit-il pas à une perte plutôt qu'à un gain ? Leparadoxe apparaît dans tout son éclat lorsque ce qui est censé provenir de la raison (la connaissance scientifique) nous amène à un pouvoir déraisonnable.

Or, comme le précisait également Heidegger, « la science ne pense pas ».Il ne s'agit pas là d'une accusation ou d'une moquerie, il s'agit de dire que la science ne réfléchit pas les concepts qu'elle emploie.

Son but est d'arriver à un résultat sans se préoccuper des conséquences que l'utilisation desrésultats pourrait avoir.

Heidegger inverse même le rapport entre science et technique, en disant que la technique n'est pas le résultat de l'application des résultats scientifiques.

A l'inverse, c'est l'exigence d'un contrôle techniquede la nature, d'une volonté de pouvoir toujours plus grande, d'un rendement toujours plus performant, qui impose à la science de produire une connaissance toujours plus exacte et plus détaillée.

Dès lors, comment repenser laconnaissance scientifique dans un rapport de « gratuité », de simple satisfaction d'une volonté désintéressée ? Cournot nous fournit une réponse dans son Essai sur la formulation de nos connaissances : « La philosophie sans la science perd bientôt de vue nos rapports réels avec la création pour s'égarer dans des espaces imaginaires ; la science sans la philosophie mériterait encore d'être cultivée pour les applications aux besoins de la vie ; mais hors delà, on ne voit pas qu'elle offre à la raison un aliment digne d'elle, ni qu'elle puisse être prise pour le dernier but des travaux de l'esprit.

» La philosophie peut alors aborder la connaissance scientifique avec un autre objectif que celuide son application intéressée.Conclusion :- Le seul intérêt de la science est la pure connaissance du réel. - Cette connaissance peut toutefois être utilisée pour l'intérêt des hommes. - L'intérêt des hommes passe par une approche philosophique de la connaissance scientifique. - La connaissance scientifique ne peut être désintéressée que si la raison maîtrise ce qu'elle produit.. »

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