Des Périers: Les Nouvelles Récréations et joyeux devis

« -------- EXTRAITS Une personne peu attirante Je veux vous faire un beau conte d'un honnête monsieur qui s'appellait Salzard.

Savez-vous quel homme c'était? Premièrement, il avait la tête comme un pot à beurre, le visage froncé comme un parchemin brûlé, les yeux gros comme les yeux d'un bœuf, ( ...

)et allait toujours levant le museau comme un vendeur de cinquailles if ers et cuivres], la gueule torte comme je ne sais quoi, un bonnet gras pour Lui faire une potée de choux, sa robe avallée [tombant] [au point] que vous eussiez dit qu'il était épaulé [qu'il avait l'épaule démise] une jaquette ballant jusqu'au gras de La jambe, des chausses déchiquetées au talon, tirant par le bas comme aux amoureux de Bre­ tagne.

Je me trompe : ce n'était pas des chausses, c'était de la crotte bordée de drap ; sa belle chemise de trois semaines, encore était-elle déjà sale.

( ...

)A qui le marierons-nous, mes demoiselles ? Y a-t-il point quelqu'une d'entre vous qui soit frappée de ses perfections ? Vous en riez ! Or n'en riez plus.( ...

) Non, non; ne différez point à l 'aimer, car il est gracieux en récompense, car, quand on lui demandait : « Monsieur, comment vous portez-vous ? » il répondait en vilenois [langage de vilain]: «Je ne me porte plus.

-Qu'avez-vous, Monsieur ? - J'ai la tête plus grosse que Le poing.

-Monsieur, le dîner est prêt.

- Mangez-le.

( ...

) »Et qui était cet honnête homme-là ? Voire, allez le lui dire, pour engendrer noise [provoquer une querelle]! ne vous enquérez point de Lui si vous ne le voulez épouser.

Un curé original Un curé de par Le monde, assez remarqué par ses facéties et insuffisance de la charge à lui commise, se met, un jour qu'il prêchait à ses paroissiens, à jurer de par Dieu, en dépit des Luthériens de son temps, et, voulant prouver qu'ils étaient pires que les diables : « Le diable (disait-il) s'enfuirait incontinent que je lui aurais fait le signe de la croix ; mais si je faisais le signe de la croix à un Luthérien, par Dieu! il me saute­ rait au cou et m'étranglerait.

C'est pourquoi je vous conseille, mes paroissiens, de fuir du tout en tout Leurs compagnies.

» Puis, se co­ lé rant en lui-même de ce que plusieurs autres curés ne faisaient le devoir de prê­ cher comme lui, commença à s'exclamer en chaire : « Et ils disent qu'ils ne sont pas assez savants! Qu'ils étudient, de par Dieu ou de par tous les diables! Et, s'ils ne le sont, ils le deviendront comme moi.

» Et, ob­ servant diligemment les contenances de ses paroissiens, leur disait : « Eh ! vous savez bien, Messieurs et Dames, qu'il n'y a qu'un an que je ne savais rien, et maintenant vous voyez comment je prêche ! » Mil et mil autres petits comptes faisait ce copieux curé à ses paroissiens, afin de les garder de dor­ mir en ses sermons.

Gallimard, 1965 Titre des Nouvelles Récréations et joyeux devis, édition lyonnaise de 15 5 8 ,_ "' ..

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" :· ' NOTES DE L'ÉDITEUR pages), et fortement individualisés, ainsi le curé de Brou dont on conte partout les extravagances.( ...

) Et, derrière ces hommes ou ces femmes, on voit se dessiner des types humains, un docteur en théologie, un bailli, des paysans poitevins, autant d'esquisses dessinées sur le vif et qui incarnent une classe sociale .

» Pierre Joura, Conteurs Français du XVIe siècle, Gallimard, 1965.

poésie qu'il avait marquée de quelques inventions formelles et surtout de sa sensibilité fraîche, un peu naïve ; novateur hardi, aux dires de plusieurs critiques, dans le domaine des idées religieuses ; auteur incertain d'un recueil de contes qui reste un des chefs-d'œuvre du genre de son époque, il a laissé un héritage varié et contradictoire.

» Kristina Kasprzyk, Nouvelles Récréations et joyeux devis, introduction, Librairie Honoré Champion, Paris, 1980.

« Le recueil offre une grande diversité : on y trouve la forme du conte la plus rudimentaire et la plus raffinée.

Un bon mot, un calembour, une plaisanterie grossière rappelés en quelques lignes, et voilà un des "joyeux devis ".

A l'opposé l'anecdote, savamment composée: elle suppose des personnages caractérisés, le plus souvent cocasses ou comiques (il n'y a pas de place pour le tragique dans ces 1,2 B.N.

« Novateur timide dans le champ de la DES PÉRIERS 02. »