Doit-On Douter De Tout ?

 

Selon voltaire, « Le doute est un état mental désagréable, mais la certitude est ridicule. « Si l'on suit ces mots, cela voudrait dire qu'il est préférable de douter plutôt que de rester ancré dans des certitudes qui sont pour la plupart erronées même si le doute désagréable, car il remet en cause tout ce que l'on croyait juste. 

 

Mais qu'est ce que le doute ? C'est l'état de l'esprit incertain de la réalité d'un fait, de la vérité d'une énonciation, de la conduite à adopter dans une circonstance particulière. De façon générale, le doute est un état d'incertitude de l'esprit entraînant une suspension du jugement. Douter revient à critiquer une certitude initialement admise comme telle ou à exiger de celui qui est " sûr et certain " qu'il donne des garanties de sa certitude. 

 

Donc, on peut se demander ce que signifie "douter de tout" ?  Cela consiste à remettre en cause toutes nos certitudes  quelque soit le domaine, c'est à dire à nier l'ensemble de nos connaissances, sauf ce qui s'exprime si clairement que l'on ne peut en douter, autrement dit : l'évidence. 

 

Le doute total et radical est-il possible comme le pensent les Sceptiques ? Certains arguments peuvent nous faire penser que c'est le cas mais la seconde partie va tenter de  démontrer qu'il existe bien des vérités indubitables et que douter de tout sans contradictions est impossible pour un homme . La 3eme partie apportera une nuance car le doute, si il n'est pas total peut tout de même faire avancer de nombreuses choses.

 

Dans Méditations métaphysiques Descartes expose une méthode pour douter de tout. . En effet, déçu par l'enseignement prodigué par ses maîtres, il décida de " s'appliquer sérieusement et avec liberté à détruire généralement toutes ses anciens opinions ", c'est-à-dire les jugements qu'il considérait comme vrais. Pour cela, il décide de soumettre toutes ses opinions à un doute systématique. Cette pratique demande des conditions psychologiques particulières. Il faut dans un premier temps avoir une certaine maturité : ainsi Descartes a attendu " d'atteindre un âge qui fut si mûr ", même si celle-ci varie selon l'individu. En outre, il faut être douté d'une grande patience, car c'est une entreprise "fort grande".

 

Dans La Première Méditation, Descartes nous  propose quelques arguments

D'abord, nous pouvons douter des apparences. En effet, combien de fois n'avons - nous pas été trompé par nos cinq sens ? La science, par exemple, met en évidence cette " faiblesse " avec les illusions d'optique ou plus simplement avec le phénomène du mirage dans le désert.

Mais ces apparences peuvent aussi nous jouer des tours par le biais du rêve. En effet, il nous arrive de considérer nos rêves comme la réalité ! Cette réaction est vérifiable grâce à notre comportement lorsque nous sommes en proie à de terribles cauchemars : sueurs, cris, débattements... Dans ce cas, n'avons-nous pas considéré comme vrai, ce qui n'était qu'illusion? 

Donc,  on peut douter que l'on vit dans un monde réel, que nos amis existent...

 

Dans le film The Truman Show par exemple,  Jim Carrey (Truman) vit sur une île, et il est content de sa vie. Divers éléments, contrariétés, l'empêchent de sortir de son île, mais il est heureux. Le problème est que tout le village, les habitants, la mer : tout cela n'est que supercherie ! Les lieux sont des décors à taille réelle (« le plus grand studio jamais construit «), les habitants des figurants ; tout ça pour une émission de télé : The Truman Show. Le personnage principal vit donc dans un monde où il est le seul à être vraiment sincère mais il ne devine rien au début ? La situation se se complique, car Truman découvre finalement que tout n'est qu'illusion , et qu'il y a un autre monde dehors. Ce film pose une question que se posent peut-être certains paranoïaques : le monde dans lequel je vis existe-t-il vraiment ? Est-ce que ce ne sont pas des acteurs qui tiennent les rôles de mes parents ? 

 

Notre entourage est-il donc que qu'il dit être?

 

On peut  douter de la parole de nos amis, de ce qu'ils se disent être .  Car même si on prétend avoir confiance en une personne, comment peut-on affirmer connaître toute l'étendue de sa personnalité ? Comment prétendre n'avoir aucun doute sur son prochain ? Le cas des "  serial killers " en est une parfaite illustration. En effet, beaucoup de leurs voisins auraient juré que ces êtres étaient incapables de tuer une mouche. 

On peut également douter monde de l'information et en particulier dans les médias? Car le doute  existe aussi grâce à l'impossibilité d'être objectif . En effet, toute vision ou reconstitution d'un fait est une interprétation subjective. 

 

On s'aperçoit alors que nos connaissances sur le monde qui nous entoure sont incertaines.

 

En effet, contrairement aux vérités mathématiques, les connaissances qui portent sur le monde, peuvent toujours changer; on peut toujours démontrer le contraire. Il est donc possible,  de douter de la majeure partie de nos connaissances, parce qu'on ne peut jamais en être certain.

 Les vérités scientifiques , portant sur des "choses de fait" elles peuvent ne pas être vraies, elles peuvent même devenir fausses (par exemple, la théorie de Galilée a été remplacée par celle de Newton, celle de Newton par celle d'Einstein, et que la théorie d'Einstein est loin d'être définitivement établie) : par conséquent, nous sommes bien en présence d'un domaine logiquement incertain.

 Comme l'a dit Popper dans Conjectures et réfutations, c'est que tout ce que nous pouvons assurer, c'est qu'une théorie scientifique n'est pas encore fausse…

 

Transition !!!!

 

NON

 

Ne faut-il pas, pour parvenir à douter de tout, même de ce qui est le plus évident (comme les mathématiques et l'existence d'un monde extérieur) recourir à des artifices toujours plus osés ? Par exemple, Descartes utilise  un malin génie. Il est obligé d'en arriver là afin de pouvoir douter même du probable; mais c'est évidemment artificiel (je vais "feindre", nous dit Descartes, qu'il existe quelque chose de tel, car je vois bien que même si j'ai trouvé de bonnes raisons pour douter, que c'est logique, cela ne me fait pas réellement douter de mes croyances spontanées).D'ailleurs, d'un point de vue mathématique, si l'on oublie l'existence du « malin génie « de Descartes, il est impossible de douter. Par exemple : même s'il n'existait aucun triangle dans la nature, le théorème de Pythagore serait toujours vrai. Car se sont des vérités qui ne changent jamais . On ne peut pas envisager leur remise en cause, puisque l'on ne peut pas prouver qu'ils sont faux. 

Dans ces méditations, Descartes oublie de nombreuses choses: il omet de douter de sa propre raison qui conduit le doute, il refuse même l'hypothèse de la folie ; il ne doute pas non plus du langage qui est le sien (langage pourtant hérité de la société dans laquelle il est né), ni de la pertinence de son projet de douter, et il ne doute surtout pas de lui-même... Tout cela plaide en la faveur d'une impossibilité de douter de tout, d'un doute radical. Car l'on voit que même celui qui fait le pari de douter de tout en reste à un doute parcellaire. 

 

On voit donc que même en rassemblant toutes les conditions pour tenter de douter de tout, Descartes ne fait qu'une analyse lacunaire. Dans notre vie de tout les jours, est-ce pertinent de douter de tout ?

 

Descartes lui-même nous conseille de ne pas adopter la pratique du doute dans la vie quotidienne : en théorie, le doute est conseillé car il ne faut pas se précipiter, il ne faut pas confondre sa croyance avec un vrai savoir, etc. Mais en pratique, quand il s'agit de vivre, d'agir, il ne faut pas douter et ce pour deux raisons : 

   il faut se décider : on ne saurait demeurer dans l'hésitation 

   on n'a pas le temps : la vie est urgente

 

Ces limites au doute s'ajoutent avec d'autres limites plus politiques et morales …

 

C'est par exemple aller jusqu'à discuter de l'ordre ou de la tâche à accomplir. Ici, nous sommes bien en présence des limites (morales et politiques) du doute :  si on limite certaines choses, c'est justement pour que la société continue à fonctionner, même si on doute du bien-fondé des lois ou ordres à appliquer. Le doute, ici, a des conséquences graves, qui peuvent troubler, l'ordre public.

Il faut donc dans la vie courante s'abstenir de douter. Du moins, si on peut toujours douter, il ne faut pas remettre l'action à demain, lorsque l'on magne ou l'on boit par exemple. Car du dans la vie quotidienne, une objection au doute total se présente : la vie est impossible si l'on se met à douter de tout, car cela revient à se laisser mourir ou à sombrer dans la folie .

Descartes va même jusqu'à prôner le conformisme en matière d'opinions politiques, morales, ou religieuses : là-dessus, on adoptera celles de notre pays.

 

RESOLUTION

 

D'un point de vue théorique, il est impossible de douter de tout. L'homme n'en a pas les capacités. De plus il y a toujours des choses qui, restent indubitables, que l'on continue de prendre comme allant de soi.( 2+2 = 4 par exemple )

Du point de vue de la vie quotidienne, nous en sommes arrivés à la conclusion selon laquelle on ne peut douter de tout, sous peine de mort ou de folie.

La position des sceptiques se contredit elle-meme car douter de tout, c'est une forme de certitude car cela veut dire que nous sommes sûrs de pouvoir douter de tout .

Ainsi, celui qui doute de tout n'a aucune certitude, puisqu'il va jusqu'à douter de la pertinence de son projet même de douter.Qui plus est, avec le doute sceptique, celui qui douterait de tout serait réduit au silence car s'il dit qu'il faut douter de tout, il affirme qu'il faut douter de ce qu'il affirme.

 

Cependant, le doute ne doit pas etre totalement occulté par notre esprit car enfants, nous assimilons toutes les croyances, préjugés, erreurs et vérités confondues, sans jamais vraiment y réfléchir, ni chercher à savoir si tout cela est fondé. Les notions nous sont inculquées par nos parents, nos pairs et nous les acceptons sans remise en question par notre raison, encore trop jeune. Une fois adulte, nous ne pouvons donc pas juger leurs véritables valeurs, et nous restons comme pris au piège par ces principes auxquels nous adhérons en les croyant vrais. Les Méditations de Descartes commencent d'ailleurs ainsi : " Il y a déjà quelque temps que je me suis aperçu que, dès mes premières années, j'avais reçu quantité de fausses opinions pour véritables, et que ce que j'ai depuis fondé sur des principes si mal assurés, ne pouvait être que fort douteux et incertain "

C'est pourquoi, le doute doit quand même exister et faire partie de nous car il peut permettre à l'humanité de nombreux progrès scientifiques ou politiques . 

En effet, selon Popper, la science doit procéder par conjectures et réfutations successives, si elle veut pouvoir progresser. Et plus elle va mettre à l'épreuve de l'expérience ses théories, plus elle va pouvoir être sûre de cette théorie. En effet, plus on aura fait d'expériences susceptibles de la réfuter, plus elle sera confirmée. Une science qui ne soumettrait pas ses théories au doute ne serait pas une science mais plutôt un dogme. Sur le plan culturel, cette réflexion permet une certaine ouverture d'esprit en délivrant notre âme de ses préjugés. En effet, en doutant de tout, il est impossible d'avoir des idées arrêtées car tout ce qui n'est pas évident peut être réfuté. Ainsi les évidences en ressortent renforcées. le doute peut nous être bénéfique. 

On peut même dire que c'est un devoir de douter. .Le doute signifie donc la liberté de l'homme, peut-être intellectuelle,  mais surtout politique et morale. Son exercice constant peut permettre l'émancipation de l'homme.

 

CONCLUSION

 

Si, au vu de certaines évidences, comme celle du " cogito ergo sum " mis en avant par Descartes, ou de certaines vérités mathématiques, nous pouvons affirmer qu'il est impossible de douter de tout, nous devons reconnaître que nos certitudes reposent sur une remise en cause préalable de nos certitudes premières et que c'est ce passage par le doute qui leur a permis de devenir des vérités assurées (exemple des vérités scientifiques : la terre était plate , puis ronde … )

 

On peut donc noter que l'on vit dans un monde en perpétuelle évolution et dans lequel la certitude d'un jour, sera remise en question le lendemain. Ainsi les certitudes sont extrêmement rares, voire impossibles.

Cependant,  s'il est impossible de douter de tout, il est bon de remettre en question ses préjugés pour atteindre les idées claires.

 

Encore faut-il, toutefois, que nous ayons envie de vaincre nos incertitudes et que nous ayons la force de la faire ...