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famille, histoire de la

Publié le 10/04/2013

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famille
1 PRÉSENTATION

famille, histoire de la, la famille peut être historiquement définie à la fois comme l’ensemble des personnes qui se reconnaissent d’un même sang ou d'un même ancêtre — elle prend alors le sens de parentèle — et comme l’ensemble de ceux qui vivent sous le même toit, « à pot et à feu commun «, et forment un ménage — au sens économique moderne du terme.

2 UNE HISTOIRE PROFONDÉMENT RENOUVELÉE

À partir des premières histoires de la famille élaborées au cours du xixe siècle (comme l’étude de Frédéric Le Play, l’Organisation de la famille selon le vrai modèle signalé par l’histoire de toutes les races et de tous les temps, 1875), les historiens ont pensé que l’Occident est progressivement passé d’une famille large et complexe — regroupant sous le même toit parfois plusieurs générations — à une famille étroite, « moderne « (dite nucléaire), centrée sur le couple et les enfants. Les ouvrages de Philippe Ariès (l’Enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime, 1960) et d’Edward Shorter (Naissance de la famille moderne, xviiie-xxe siècle, 1975, traduit en 1977) s’inscrivent dans cette perspective ; selon ces auteurs, le modèle de la famille occidentale — qui repose sur un mariage monogame et une cellule étroite ou nucléaire laissant la place à l’affection entre parents et enfants (« le sentiment de l’enfance « de Philippe Ariès) — se serait mis en place à partir des xviie-xviiie siècles.

Néanmoins, les dernières études sur l’histoire de la famille ont montré, grâce à l’apport de l’ethnologie et de la sociologie, que la famille nucléaire existe à toutes les époques de l’histoire et qu’elle est la « structure portante « de l’ensemble des sociétés occidentales.

Les profonds bouleversements familiaux des dernières décennies ont incité les intellectuels à réfléchir sur la famille. Que l’on mette l’accent sur la filiation (Alfred Radcliffe-Brown) ou sur l’alliance (Claude Lévi-Strauss), la famille est au cœur de toute construction sociale. Elle est, certes, un fait de nature : un homme, une femme et leurs enfants réunis au sein d’une famille élémentaire dans laquelle la reproduction biologique constitue la donnée essentielle ; elle est aussi un fait de culture, car elle unit deux familles : « Pour qu’une famille se fonde, écrit Claude Lévi-Strauss, il faut que deux familles se soient chacune amputée d’un de ses membres et, il est nécessaire, poursuit-il, pour qu’elle survive, qu’elle s’ouvre “au grand jeu des alliances matrimoniales”, obligeant ses membres à une certaine exogamie et au respect de l’interdit de l’inceste. «

La famille peut donc être définie comme une institution sociale qui repose sur un fondement biologique. Par conséquent, même s’il existe des aspects universels dans la définition de la famille (procréation, prohibition de l’inceste, alliance, etc.), chaque société donne à voir une image différente de la famille, en fonction de sa structure démographique, de son organisation sociale ou religieuse, de ses croyances.

3 LA FAMILLE DANS L’ANTIQUITÉ

Selon l’historien Fustel de Coulanges, « ce qui unit les membres de la famille antique, c’est quelque chose de plus puissant que la naissance, que le sentiment, que la force physique ; c’est la religion du foyer et des ancêtres. « (Cité antique, 1864).

3.1 Constitution d’une famille par le mariage

Dans la Grèce antique, le mariage monogamique semble être une règle même si les Lacédémoniens prêtent parfois leur épouse. Le mariage est teinté d’un rituel religieux : sacrifices aux dieux du mariage (Zeus et Héra), banquet et procession. Puisque la procréation d’enfants est l’objectif du mariage grec, les époux se doivent une vie commune, et le divorce — pratique courante à Athènes — est souvent le résultat du constat d’une séparation effective de corps.

À Rome, le mariage perd progressivement son caractère religieux pour ne devenir qu’un acte civil. Aussi, comme en Grèce, le divorce est-il obtenu en cas de désaccord mutuel. À l’époque la plus ancienne, par le mariage, la femme passe de la domination du père (paterfamilias, chef de famille) au contrôle (manus) de son époux. Mais lorsque le mariage entre patriciens et plébéiens est rendu possible (ve siècle av. J.-C.), ce cum manu tombe en désuétude au profit du mariage sin manu : la femme, en restant sous le contrôle de son père, conserve — voire préserve — le statut familial.

3.2 Une famille patriarcale

Dans la Grèce antique, la famille, sorte de relais entre l’individu et la cité (polis), participe à l’organisation sociale. Pour Aristote, l’oikos (maison, famille) — qui regroupe père, mère, enfants, domestiques et esclaves — est la structure de base de la société. Chaque oikos appartient à un genos (clan se reconnaissant un ancêtre commun), lui-même étant une subdivision d’une phratrie — laquelle relève à son tour d'une tribu. C’est durant la grande fête religieuse annuelle de la phratrie, les apaturies, que les chefs de chaque oikos reconnaissent publiquement leur nouvelle épouse et leur enfant né ou adopté dans l’année ; cette présentation permet l’introduction du nouvel arrivé dans la phratrie et donc sa reconnaissance civile.

Dans cette société patrilinéaire, le chef de l’oikos possède tous les droits sur sa famille ; il est le kurios (seigneur) et décide de la reconnaissance d’un enfant (élévation) ou de son abandon (exposition). L’épouse, quant à elle, est reléguée dans la sphère du privé ; elle est uniquement la maîtresse du gynécée, espace de la maison réservé aux femmes et aux jeunes enfants. En tant que mère, l’Athénienne participe à la transmission d’un statut à la descendance du couple (esclavage, liberté ou citoyenneté), même si le statut du père reste suffisant pour l’obtention de la citoyenneté.

À Rome, le terme de familia, dérivé de famulus (serviteur), désigne à l’origine l’ensemble des esclaves et des domestiques qui vivent sous un même toit ; puis, progressivement, il englobe le maître, sa femme et ses enfants, c’est-à-dire l’ensemble de ceux qui vivent sous la domination du dominus (maître), du paterfamilias (chef de famille). Dotée d’un vocable synonyme de maison (domus, casa), la famille est, comme dans la Grèce classique, le « groupe domestique « qui partage un même toit, sans nécessairement avoir un lien de parenté.

Le chef de famille détient tous les droits sur cette famille. Déjà, le mariage cum manu lui assure le contrôle de son épouse. Il en est de même pour sa progéniture : au moment de la naissance, s’il accepte son enfant, il le prend dans ses bras et l’élève publiquement si c’est un garçon, et le donne au sein maternel ou nourricier si c’est une fille ; et lorsqu’il ne procède pas à ce rite d’intégration, il signifie qu’il refuse l’enfant (lequel peut être exposé, donné ou tué). Cette puissance paternelle sur un fils est indépendante de l’âge de ce dernier et le paterfamilias peut contrôler sa descendance sa vie durant. Pour y échapper, il faut que le fils ait été abandonné à la naissance, ou vendu et trois fois affranchi, ou qu’une adoption l’ait fait passer sous une autre puissance paternelle. Comme le soulignaient déjà les philosophes de l’Antiquité, l’esclave est sous la totale dépendance du père de famille, lequel a droit de vie et de mort, et a donc un statut d’affiliation comparable à celui de l’enfant.

3.3 La famille d’adoption

En Grèce, l’institution qui permet de créer un lien de filiation entre deux individus est consentie par le législateur à la condition de ne pas avoir d’enfants légitimes de sexe masculin ; l’adoption ne doit servir qu’à éviter l’extinction d’un oikos. Aussi, même si les Hellènes ont largement recours à l’adoption (souvent celle d’un proche), il leur est nécessaire de la justifier par un manque d’héritiers.

La société romaine réagit très différemment : non seulement l’adoption est un mode courant d’intégration dans une famille, mais elle peut se faire uniquement par la volonté du père de famille qui entend modifier la trajectoire de son héritage ou cherche à se doter d’un « bâton de vieillesse «. Ainsi, à Rome, c’est l’homme qui choisit d’être père ou non. Non seulement il peut refuser un enfant biologique, mais il peut aussi intégrer à la famille qui bon lui semble. C’est dans la même logique de suprématie du père que les biens se transmettent toujours au sein de la branche agnatique (parents en ligne paternelle).

Cependant, à la fin de l’Empire romain, en partie sous l’effet du christianisme, les structures de parenté se modifient quelque peu ; l’omnipotence du paterfamilias tombe en désuétude au profit d’une valorisation nouvelle de la femme et du couple.

4 LA FAMILLE AU MOYEN ÂGE
4.1 Reconnaissance familiale : lignage et patronyme

Comme dans le latin classique, la familia du Moyen Âge est le groupe domestique. Mais, contrairement à l’agnation antique, les structures de parenté du Moyen Âge sont surtout bilatérales (ou indifférenciées), c’est-à-dire transmises indistinctement par le père et par la mère. Ces changements se perçoivent dans la désignation des membres de la famille. Ainsi, alors que, chez les Romains, sont nettement distingués l'avunculus (oncle maternel) et le patruus (oncle paternel), à l’époque médiévale, un seul terme (avunculus) sert à nommer l’oncle ; de la même manière, le fils de l’oncle paternel et le fils de la tante maternelle sont tous les deux désignés par le vocable consobrinus. D’où l’obligation de préciser, comme aujourd’hui encore, la branche parentale.

Les liens du lignage, primordiaux au Moyen Âge, n’impliquent pas l’obligation d’une vie « à pot et à feu commun «, mais engendrent une attention et une solidarité pour sa parentèle. Plus encore que le lignage, la solidarité familiale tient de la reconnaissance patronymique, voire de la proximité du parentage.

Le système patronymique romain de la tria nomina disparaît progressivement. Au haut Moyen Âge, chaque individu ne porte qu’un seul nom (un praenomen) formé très souvent de l’association d’un élément du prénom du père et / ou d’un autre provenant de celui de la mère ; ainsi le roi mérovingien Clodovechus (Clovis) nomme son fils Clodomeris (Clodomir). Personnel, ce « nom « ne permet pas à l’individu de se relier à un groupe familial : il doit faire appel à son souvenir (trois générations maximum) et n’a donc qu’une conscience très étroite et limitée de son lignage.

À partir du xiie siècle apparaît le patronyme (ou nom de famille), d’abord dans les grandes familles aristocratiques, puis dans les autres groupes de la société. Désormais, comme aujourd’hui, un individu est désigné par un prénom — marque d’identité individuelle — et par un nom qui indique l’appartenance à une famille. Ce patronyme peut être construit à partir d’une spécificité ou infirmité physique d’un individu (Le Borgne, Le Roux, etc.), à partir d’un surnom ou à partir du lieu de résidence (comme De la Place ou Du Pont).

4.2 Le mariage, une immixtion de l'Église dans la famille

Le mariage du haut Moyen Âge est moins un acte juridique qu’une réalité sociale née de la volonté des individus. Encore très peu christianisé, il se déroule par étapes. Les familles s’entendent sur l’échange (constitution de la dot) avant le premier engagement, les fiançailles, acte au cours duquel le futur époux remet à sa femme des objets symboliques, dont un anneau. Puis, au cours d’une cérémonie durant laquelle le père remet sa fille au mari (la disponsatio), celle-ci passe de l’autorité (mund) de son père à celle de son mari en échange d’une somme d’argent. La jeune femme est ensuite amenée dans la maison du mari, lequel s'engage à lui donner une dot, appelée plus tard douaire. Enfin se déroulent les noces et, le lendemain, le mari offre à sa femme « le prix de la virginité « ou don du matin (morgengabe) : terres, vêtements, animaux, etc.

À partir de la fin du xie siècle, une nouvelle forme d’alliance apparaît : le mariage dit grégorien, qui s’impose progressivement dans tout l’Occident, repose sur quatre principes fondamentaux. C’est d’abord un mariage unique et monogamique : concubinage et divorce sont interdits. C’est aussi un mariage indissoluble, s’appuyant sur l’Évangile selon saint Matthieu (XIX, 3-9) : « Que l’homme ne sépare donc pas ce que Dieu a uni ! «. C’est ensuite un mariage qui repose sur le consentement mutuel des époux, moyen pour l’Église, à la fois de valoriser l’aspect spirituel du rite au détriment de l’aspect sexuel (la consommation) et de s’opposer aux stratégies matrimoniales des familles pour lesquelles, en général, le mariage est une affaire de raison et un moyen de renforcer les alliances. Enfin, c'est un mariage exogamique, c’est-à-dire interdisant d’épouser un parent en deçà du septième degré (puis du quatrième degré, après le concile de Latran IV en 1215).

Le mariage grégorien devient une norme en Occident et, comme toutes les normes, il est souvent transgressé ou dénaturé : le bâtard, issu d’une relation adultérine, est parfois légitimé par le père ; les dispenses des grands pour se séparer de leur femme sont attestées et les répudiations d’épouses sont nombreuses ; les conjoints, surtout dans les familles aisées (aristocratiques et bourgeoises) où la transmission du patrimoine est le jeu des alliances, se voient imposer leur mariage pour servir les intérêt du lignage ; enfin, pour une majorité d’hommes et de femmes qui vit dans un « pays de connaissance « (d’un rayon de trente kilomètres environ), la limitation religieuse des alliances en fonction des degrés de parenté semble bien difficile à respecter, même si les prêtres ont alors pour mission l’enseignement du calcul de la parenté.

4.3 Sentiments et liens familiaux

Au sein de la famille nucléaire médiévale, même s’il existe, en particulier dans les milieux aisés, des conflits et des querelles qui éclatent au moment des successions, il y a place pour des sentiments : affection très forte entre le mari et la femme, entre les enfants et les parents ou entre les frères et sœurs.

Dans le village occitan de Montaillou, à la fin du xiiie siècle, une femme cathare, condamnée au bûcher pour hérésie, est emmenée par les inquisiteurs. Elle quitte la maison et sait qu’elle ne reverra plus jamais son enfant, encore au berceau. C’est pourquoi « elle voulut le voir avant de s’en aller ; le voyant, elle l’embrassa ; alors l’enfant se mit à rire ; comme elle avait commencé à sortir un petit peu de la pièce où était couché l’enfant, elle revint de nouveau vers lui ; l’enfant recommença à rire ; et ainsi de suite, à plusieurs reprises. De sorte qu’elle ne pouvait parvenir à se séparer de l’enfant «. Cette scène en dit long sur les sentiments de la mère pour son enfant et sur le déchirement que représente pour elle cette séparation.

Les pères ne sont pas en reste et, lorsque leurs enfants sont malades ou accidentés, les récits médiévaux les montrent courant de médecin en médecin ou de sanctuaire en sanctuaire pour obtenir la guérison de leur fils ou de leur fille.

5 LA FAMILLE SOUS L’ANCIEN RÉGIME

La famille sous l’Ancien Régime est relativement bien connue des historiens grâce au dépouillement systématique des registres paroissiaux (baptêmes, mariages et sépultures) qui sont rigoureusement tenus à partir de la seconde moitié du xvie siècle. Avec l’aide d’une méthode sérielle développée par Louis Henry, les historiens démographes ont pu reconstituer l’histoire biologique des familles.

5.1 Familles et parentés naturelles

En 1690, Antoine Furetière, dans son Dictionnaire universel, définit la famille comme « un ménage composé d’un chef et de ses domestiques, soit femmes, enfans ou serviteurs «. Même si le pot et le feu sont effectivement partagés par des individus de sang et de statut divers, le sentiment familial demeure centré sur le couple et les enfants. Aussi, comme au Moyen Âge, la famille est-elle avant tout étroite. Néanmoins, si ce modèle nucléaire est alors largement dominant en Europe du nord-ouest, il semble beaucoup moins répandu en Europe centrale et méridionale. L’âge moyen du mariage est assez tardif : 29-30 ans pour les garçons et 25-26 ans pour les filles (phénomène qui se met en place plus précocement en Europe occidentale qu'en Europe méridionale). Le retard de l’âge du mariage est un moyen de limiter le nombre de naissances et l’historien Pierre Chaunu y voit « la grande arme contraceptive de l'Europe classique «.

Sachant qu’une femme accouche en moyenne tous les deux ans et a son dernier enfant vers quarante ans, elle donne naissance à sept enfants, dont souvent deux ou trois n’atteignent pas l’âge de procréer. Cependant, dans les milieux artisanaux lyonnais du xviiie siècle, l’enfant annuel réapparaît, car la pratique systématique de la mise en nourrice favorise la reprise du commerce sexuel et la fécondité de la femme. Ainsi, dans ces milieux, on peut compter jusqu’à 16 à 20 naissances par mariage.

Chez les jeunes garçons, la longue attente de la vie maritale, ajoutée à une morale sexuelle stricte — conséquence de la Réforme protestante et de la Contre-réforme catholique —, provoque de grandes frustrations. C’est sans doute la raison pour laquelle la prostitution se développe à l’époque moderne. Les naissances hors mariage sont peu nombreuses (de 2 à 5 p. 100), mais ont tendance à augmenter en Europe à partir des années 1750, surtout en milieu urbain.

5.2 Familles émiettées, familles reconstituées

Les familles subissent, comme à l’époque médiévale, de rudes conditions démographiques. En moyenne, un mariage n’excède pas une durée de dix à quinze ans à cause de la mort d’un des deux conjoints. Les « familles en miettes « se recomposent et les remariages sont très fréquents. Des estimations laissent à penser que, au moins jusqu’au milieu du xviiie siècle, 30 à 40 p. 100 des mariages sont des unions dans lesquelles au moins l’un des deux conjoints est veuf.

Le phénomène des « familles recomposées « — qui intéresse tant les sociologues depuis la fin du xxe siècle — existe depuis longtemps ; aujourd’hui causé par le divorce, hier il était la conséquence de la mort. Beaucoup d’enfants sont donc élevés par des personnes autres que leurs géniteurs. La famille élargie veille au bon traitement des orphelins par les beaux-pères et les belles-mères ; lorsqu’il y a abus d’autorité, la tante ou la marraine (mère spirituelle) vient au secours de l’enfant, se substitue à la mère défunte et accueille l’orphelin.

Moins dramatiques sont les cas de familles reconstituées à la suite d’un placement volontaire de l’enfant : mise en nourrice, placement chez un parent plus riche (souvent l’oncle maternel), chez le seigneur du pays ou dans le monastère voisin. Le « sentiment de l’enfance « demeure néanmoins.

Le quotidien familial, laborieux pour le petit peuple, est ponctué de moments où tous les membres se retrouvent. La couche, souvent unique, est partagée par les parents, les enfants et les domestiques ; déjà les fabliaux médiévaux mettaient en scène des femmes et serviteurs dans des situations amoureuses confuses.

6 LA FAMILLE À L’ÉPOQUE CONTEMPORAINE

Au xixe siècle, la triade père-mère-enfant s’émancipe et devient un modèle social aux liens aussi puissants que ceux de la traditionnelle famille élargie.

6.1 Le modèle de la famille bourgeoise

Avec la montée de l’individualisme, du libre choix de l’époux, les contraintes de la famille et de la parenté se font de moins en moins fortes et on assiste à « une privatisation du mariage «. Cela n’empêche pas la femme, au sein du couple, de demeurer dans un état de sujétion. Le droit du xixe siècle met tout en œuvre pour justifier la soumission de l’épouse à son mari, dont le pouvoir est expliqué par une fragilitas naturelle de la femme et des enfants.

Naît alors un nouveau modèle, la famille « bourgeoise «, centrée encore plus qu’auparavant sur le couple et ses enfants, vivant dans un « chez-soi « confortable. Ce repli de la famille sur un espace clos et privé est poussé à l’extrême dans l’Angleterre victorienne ou en Scandinavie à la fin du xixe siècle où l’expression « Home, sweet home « le résume parfaitement : très décoré et surinvesti, l’intérieur des maisons est le royaume du privé dévolu à l’épouse, le royaume de l’ordre et de la morale qui cherche à protéger des agressions extérieures, celles de la rue, représentant le danger et le désordre dans la mentalité bourgeoise. En outre, une presse féminine se spécialise pour conseiller (en décoration ou en broderie) la maîtresse de maison afin qu’elle puisse tenir et soigner son espace domestique.

Dans ce nouveau modèle familial, le père garde une forte autorité sur l’ensemble des membres de la maisonnée, garant des capitaux, dirigeant et imposant les alliances. Contrairement aux familles agraires de l’Ancien Régime où le nombre d'enfants représentait plutôt une richesse, la famille bourgeoise du xixe siècle se montre très malthusienne car le nombre trop important d'héritiers menace les capitaux acquis.

6.2 La famille laborieuse

Mais, en face de ce modèle s’offre une réalité ouvrière très différente. En effet, le développement du système capitaliste dans le cadre de la révolution industrielle vole aux familles le temps de l’affection pour leur imposer un temps de labeur. Le travail de la femme ouvrière provoque des ravages sur la famille.

Pour tenter de répondre à cette carence se développent alors de nombreuses institutions créées par l'Église et par l’État pour prendre en charge les enfants des familles ouvrières délaissés (salles d’asiles, garderies). Significatif de cette évolution, le Remi de Sans famille (1878) se retrouve En famille dans la suite du roman d’Hector Malot (1893).

La famille est donc au cœur des politiques sociales. Au début du xxe siècle apparaissent, dans certains secteurs de la fonction publique française, les allocations familiales, lesquelles se généralisent en 1945. De même, un « Code de la famille « est décrété en juillet 1939 et la trilogie « Travail, Famille, Patrie « est retenue comme devise du gouvernement de Vichy durant la Seconde Guerre mondiale.

7 LA FAMILLE AUJOURD’HUI

Depuis le milieu du xxe siècle, de profonds changements affectent la structure familiale : maîtrise de plus en plus assurée de la contraception, fréquence des divorces consécutifs à la laïcisation de la société et à l'allongement de l’espérance de vie, développement du travail des femmes (phénomène qui participe à la réduction du nombre des naissances), partage de l’autorité parentale (loi française du 4 juin 1970), liberté de la mère qui seule peut décider d'avorter (loi française du 17 janvier 1975), recours à la procréation assistée (qui dissocie le sperme de l’homme), permutations possibles des rôles masculin et féminin.

Les enfants, moins exposés à devenir orphelins, ont dorénavant de fortes chances de connaître leurs grands-parents. Ils sont également moins dépendants de leurs parents, car ils ne reproduisent pas nécessairement leur métier. Mais, dans le même temps, l’adolescence est prolongée, car les études sont plus longues, le chômage plus fréquent et donc l'entrée dans la vie active, qui se manifeste souvent par le départ du foyer parental, est retardée. En revanche, la famille ne sert plus de refuge pour les personnes âgées. En Europe aujourd’hui, plus de 80 p. 100 des personnes de plus de soixante-dix ans vivent chez elles.

Le mariage n’est plus cette institution fondamentale qui marquait auparavant le passage d’une vie à une autre. Il sert bien souvent à légitimer des enfants. Aujourd’hui en Suède, la moitié des enfants naissent en dehors du mariage. De même, familles fondées hors mariage et familles monoparentales sont dorénavant courantes.

Les familles européennes comportent peu d'enfants, par choix individuel que permettent le développement de la contraception et de l'avortement et qu’imposent les incertitudes de l’avenir. Mais parfois, en Asie par exemple, c'est l’État qui intervient de manière autoritaire pour limiter le nombre de naissances : campagne pour la stérilité en Inde dans les années soixante-dix et tentative en Chine d’imposer un enfant unique à chaque couple.

Des sociologues, comme Évelyne Sullerot, s’interrogent aujourd’hui pour savoir si nous ne sommes pas en train d’assister à la disparition totale de la famille et de la parenté, à savoir le rejet des relations qui dépassent le couple conjugal et les enfants. Quel que soit l’intérêt porté à ces questionnements ou à la réponse que nous y apportons, il est évident que l’histoire de la famille doit nous permettre de prendre conscience et de mesurer les changements produits au cours des siècles.

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