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L'imagination nous rend-elle malheureux ?

Publié le 24/10/2009

Extrait du document

 
Analyse du sujet
 
  • BIEN LIRE LA QUESTION
 
La formulation de la question ne pose pas de problème majeur. Elle se présente en effet sous la forme : A est-il B ? Le seul présupposé de la question pourrait résider dans l'expression “ notre malheur ”, qui peut se comprendre en deux sens.
*Soit elle paraît supposer un malheur inhérent à la condition de l'homme (et alors elle admet un présupposé qu'il faudra établir).
*Soit elle sous-entend l'expression “ lorsque ce malheur arrive ”, auquel cas le malheur n'est qu'occasionnel. Nous envisagerons les deux cas dans notre corrigé.
D'autre part, le sujet emploie le pronom possessif “ notre ”. À quoi renvoie-t-il ? Lorsqu'une question implique un “ nous ”, il s'agit toujours d'un collectif, donc de l'humanité en général. Quant aux questions avec “ je ”, elles renvoient à la présence d'un sujet pensant.
 
  • DES TERMES AUX NOTIONS
 
*L'imagination est une notion vaste : elle comprend aussi bien le rêve, le fantasme, le délire, bref, la fantaisie que la mémoire. Mais cette pluralité des sens de l'imagination fait la richesse du sujet, et permettra les divers développements du devoir. On peut cependant, à titre de point de départ, définir l'imagination en l'opposant à la réalité : l'imagination dépasse toujours la réalité, et va au-delà.
*Il faut bien distinguer un malheur et le malheur. Dans le premier cas, un malheur est localisé à un moment donné du temps, une circonstance singulière : il est réparable et provisoire. Dans le second cas, le malheur est perpétuel, irréparable : il s'impose comme un caractère essentiel de la condition humaine. Dans la religion chrétienne, le péché originel est le malheur de l'humanité.
*La question mentionne l'imagination comme la cause du malheur. Cela implique que l'imagination soit la seule cause du malheur. Il faudra donc se demander comment l'imagination peut être envisagée comme cause unique d'une condition humaine malheureuse.
 


« porte en effet dans un monde où tout est possible, où les fantaisies les plus délirantes deviennent plausibles(chevaux ailés, dragons...).

Mais l'imagination s'oppose aussi à la raison : en effet, elle a affaire à des images,autrement dit à des caractères et des marques sensibles ; la raison, au contraire, a affaire à des concepts.Dès lors, n'est-il pas clair que l'imagination nous éloigne à la fois du réel et de la raison ? Ne constituerait-elle pas unobstacle à notre savoir, et la principale cause de notre ignorance ? À ceci s'ajoute que nous ne pouvons nousaffranchir de l'imagination : en tant que nous sentons et construisons des images, nous sommes forcés d'imaginer.Imaginer est donc une activité nécessairement liée à la condition humaine en général ; mais elle signale en mêmetemps son impuissance à faire face au réel, et à exercer adéquatement sa raison.

L'imagination serait-elle donc lacause essentielle d'une impuissance fondamentale de l'homme, d'une faiblesse intrinsèquement liée à la conditionhumaine, bref, de notre malheur ? 1.

L'imagination comme malheur de l'homme A.

L'imagination comme source d'illusionsComme le montre Pascal dans ses Pensées 1 PRIVATE MACROBUTTON HtmlDirect , l'imagination est bien cette “ maîtresse d'erreur et de fausseté ”, la source des illusions qui marque la conditionhumaine : “ cette faculté trompeuse qui semble nous être donnée exprès pour nous induire à une erreur nécessaire ”détermine en effet toutes les actions humaines : guerres d'ambition, amours, etc.

Elle nous donne une visionfaussée de la réalité et de nous-mêmes en nous déterminant à juger d'après nos propres impressions.

Si bien que “l'imagination dispose de tout ”, tout en étant au service d'une illusion généralisée.De plus l'imagination a deux grands torts aux yeux de Pascal : d'une part, elle dissimule sa propre fausseté : elle serévèle parfois vraie, lorsque par exemple nous imaginons un événement qui se produit réellement.

Si bien qu'enimaginant, nous ignorons si nous nous trompons.

D'autre part, il n'est pas possible de se débarrasser de l'imagination: elle persiste, même lorsque l'on s'est rendu compte de sa propre erreur.

L'imagination est donc illusion plusqu'erreur.

B.

L'imagination et le pouvoirD'après Pascal, l'imagination est aussi la source de toute domination politique et sociale.

Elle fonde ainsi lasoumission du peuple aux “ grands ”.

Elle exerce une très forte contrainte sociale : elle fait croire qu'un signeextérieur de noblesse (le port d'une perruque, d'une épée) renvoie à un caractère réel de la personne.

Elle est doncà l'origine d'un pouvoir arbitraire, fondé sur une illusion, car il s'agit bien d'un pouvoir imaginaire.

Pascal affirme ainsi :“ Qui dispense la réputation ? Qui donne le respect et la vénération aux personnes, aux ouvrages, aux lois, auxgrands, sinon cette faculté imaginante 2 PRIVATE MACROBUTTON HtmlDirect ? ” Pascal fait ainsi apparaître l'imagination comme la cause essentielle d'un malheur de l'homme : malheur lié à sesillusions ; malheur lié à sa condition sociale et politique.

Mais d'un autre point de vue, l'imagination n'apporte-t-ellepas des remèdes à ce malheur ? 2.

L'imagination comme remède au malheur A.

La satisfaction imaginaireEn effet, si l'imagination porte à se détourner de la réalité, elle permet aussi la satisfaction imaginaire de désirs quela réalité ne permet pas d'accomplir PRIVATE MACROBUTTON HtmlDirect PRIVATE MACROBUTTON HtmlDirect .

Ainsi Freud montre-t-il qu'un désir, refoulé parce qu'incompatible avec la réalité (ex.

: inceste), trouve une satisfaction “ hallucinatoire ” dans le rêve ou la névrose.Le détour par l'imagination est donc ici une solution au conflit entre le désir et la réalité.

Parce que l'imaginationéloigne de la réalité, elle est aussi une solution pour échapper à ses impératifs contraignants.

L'imagination permetainsi de remédier à la condition malheureuse de l'homme, qui implique nécessairement le refoulement d'un certainnombre de désirs contredisant les normes sociales.

B.

L'imagination comme consolationCe rôle consolateur de l'imagination avait déjà été bien perçu par Épicure.

Il affirme ainsi dans la Lettre à Ménécée PRIVATE MACROBUTTON HtmlDirect 3 que le souvenir et l'image de plaisirs passés peuvent servir de remèdes et de consolation face à des maux présents (maladie, vieillesse).

L'imagination, en tantque mémoire, permet de rendre présents, actuels, des biens que la réalité peut faire croire définitivement perdus.Une fois encore, c'est précisément parce que l'imagination contredit la réalité présente qu'elle constitue un remèdeau malheur de l'homme.

La même propriété de l'imagination peut donc avoir des effets contraires : engendrer lemalheur, ou inversement faire revenir le bonheur.

L'imagination n'est donc pas, par essence, la cause d'un supposémalheur de l'homme.

3.

L'imagination créatrice comme condition du bonheur A.

Imagination et projetBien plus, l'imagination peut même apparaître comme la condition d'un bonheur de l'homme.

En effet, elle seule peutdonner à l'homme une image de son avenir, et le déterminer dans le présent à réaliser cette image.

Dès lors,l'imagination apparaît comme la condition d'un bonheur possible, c'est-à-dire d'un bonheur que l'on conçoit et quel'on s'efforce de réaliser.En ce sens, si l'homme n'imaginait pas, il serait incapable de dépasser la réalité présente : il ne pourrait faire aucunusage de sa liberté ; il ne pourrait se construire un avenir conformément à un projet.

Sartre affirme ainsi : “ S'il étaitpossible de concevoir un instant une conscience qui n'imaginerait pas, il faudrait la concevoir comme totalement. »

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