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Sa Majesté des Mouches de William Golding

Publié le 22/02/2012

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Né à St. Columb Minor, en Cornouailles, William Golding est le fils d'un instituteur scientiste et d'une mère suffragette. Il poursuit ses études littéraires et scientifiques à Marlborough Grammar School, puis à Oxford. Le jeune homme s'intéresse au théâtre, à la fois comme acteur et metteur en scène. Il écrit des poèmes (1934). En 1940, Golding s'engage dans la Royal Navy et, après avoir navigué pendant cinq ans, il participe aux opérations du débarquement en France. En 1945, démobilisé, Golding devient professeur d'anglais à Salisbury et le restera jusqu'en 1961. Il étudie le grec et l'archéologie. Son deuxième roman, Sa Majesté des Mouches, est refusé par une vingtaine d'éditeurs avant de devenir un succès jamais démenti (en 1963, Peter Brook porte le roman à l'écran) qui lui permet de se consacrer à la littérature. Golding obtient le Prix Nobel en 1983 pour une oeuvre foncièrement pessimiste. Les Héritiers (1955) évoque la lutte d'une tribu néandertalienne, au stade prélogique, contre un groupe plus évolué, donc plus cruel, formé d'Homo sapiens, qui finit par triompher. La sophistication, la complexité, se réalisent dans le sens du mal. D'ailleurs, « le roi des mouches» est l'un des titres les plus anciens de Satan. Dans la biographie qu'il rédige sur lui-même, Golding précise, en effet : « La Bête n'est pas en dehors mais en nous.»
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« Ce roman s'oppose aux idées reçues : l'enfance ne constitue pas un moment privilégié de l'existence où des bambinsnaïfs évoluent dans une innocence heureuse, mais une période où s'affirment des tendances innées plutôt orientéespar la pulsion de mort.

Ainsi, au terme de son aventure, Ralph pleure sur l'innocence perdue, prouvant par cetteprise de conscience même qu'il ne possède plus la transparence prétendument enfantine. En fait, Sa Majesté des Mouches exploite l'imaginaire collectif du roman d'aventures pour mieux mettre à mal les diverses représentations que chacun peut se forger de l'enfant et de l'homme en général.

En effet, l'archétype duRobinson, c'est bien évidemment celui de Defoe : il incarne le principe de la civilisation et organise l'espace sauvageen fonction de sa propre culture.

De la même manière, les protagonistes de L'Ile mystérieuse de Jules Verne s'évertuent à recréer un ordre occidental dans un monde insulaire et isolé. En ce sens, Golding adopte une technique rationnelle d'entomologiste : il reprend les présupposés traditionnels maisil fait varier les postulats et parvient à des conclusions radicalement différentes.

En effet, les garçons pourraient,comme l'aimerait Ralph, évoluer dans une manière de paradis originel.

Mais l'harmonie primitive n'est qu'une illusion,un leurre forgé par les adultes nostalgiques de leur propre enfance et prompts à évacuer toute ambiguïté enrenvoyant les jeunes garçons à leurs jeux — comme le fait l'officier de marine qui apparaît au dénouement, deus ex machina permettant d'interrompre la chasse à l'homme au moment où elle parvient à l'effroyable curée finale. Cette fin, un peu artificielle, souligne le caractère impitoyable de la lutte qui met aux prises Jack et Ralph.

Lacomposition du récit met en perspective deux options existentielles, celle du sédentaire qui, avec son feu, tente depré server l'ordre, et celle du chasseur qui exploite les peurs ancestrales pour asseoir sa propre domination sur le groupe.

Certaines coïncidences font sens d'elles-mêmes : ainsi, le feu est éteint alors qu'un bateau passe, quipourrait sauver les enfants, cependant que les chasseurs capturent leur premier cochon.

D'emblée, le récit s'ouvresur la confrontation de ces deux visions du monde.

Aussi convient-il non seulement de décrypter les conduitesrévélatrices des enfants, embryons de l'homme, mais aussi les réactions de la foule. En fait, écrit au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, ce roman s'interroge aussi sur les comportementsadoptés par certains adeptes du totalitarisme, pères de famille et cependant mués en tortionnaires forcenés.Confronté à cette aberration humaine, l'auteur suggère que l'individu perd tout sens critique voire même toutehumanité s'il se trouve privé de ses repères rassurants.

Ainsi, l'île déserte constitue un espace privilégié pour l'étudedes réactions enfantines.

Les adolescents se trouvent isolés et ils tendent, peu à peu, à oublier la discipline.

Ilsperdent l'habitude de sacrifier aux rites élémentaires de l'hygiène, ils se métamorphosent progressivement ensauvages, puisque les membres du groupe mené par Jack se peignent le visage afin de préserver leur anonymat etde régresser au stade animal en toute impunité.

Ainsi les insignes guerriers semblent comme parasités par lesmarques de la primitivité — alors que, chez les vrais « sauvages », les peintures ou les tatouages constituentautant de manières de se distinguer de l'animal. Personnage falot, peu charismatique, Porcinet incarne l'instance normative : il représente un type de cultureformelle qui n'attire pas les autres garçons et se trouve dévaluée dans sa forme.

Les enfants tombent dans le piègedes apparences.

Ralph se trouve pris en défaut parce qu'il ne parvient pas toujours à maîtriser le discours — ainsis'impose l'importance de la manipulation langagière pratiquée par Jack.

Mais celle-ci ne saurait s'exercer ni triomphersi elle n'exploitait les pulsions les plus basses. L'insigne du pouvoir, autrement dit la conque, s'avère impuissant à rétablir l'ordre au fur et à mesure que lesinstincts guerriers, voire carnassiers, se manifestent : ceux-ci s'exaspèrent dès lors que les garçons trouvent lemoyen de tuer les cochons sauvages pour se nourrir de chair animale.

Ils ne vont, cependant, pas jusqu'àconsommer de la viande crue, puisqu'ils éprouvent le besoin de s'emparer des lunettes de Porcinet afin de faire dufeu, symbole désormais dérisoire d'une civilisation perdue. Inconscients, les chasseurs poursuivent leur recherche sans se soucier de maintenir le lien avec le monde desadultes, représenté par le foyer, version nouvelle du feu entretenu dans les temples antiques.

Ils sacrifient à leurnouveau dieu, la bête, le monstre, à qui ils attribuent, en guise de trophée, la tête de leurs proies.

En ce sens,l'auteur suggère la permanence de certains comportements archaïques.

Les enfants se laissent dépasser par leursinstincts, plus, d'ailleurs, que par leur inquiétude — puisque seul Porcinet insiste sur le fait qu'ils pourraient demeurersur l'île jusqu'à leur mort.

Les garçons n'obéissent plus qu'à leurs pulsions et se révèlent incapables d'entendre lavoix de la raison, par le truchement de Porcinet ou de Simon, qu'ils tuent sans remords apparent. Le titre, Sa Majesté des Mouches, recèle une ambiguïté : soit il renvoie directement au parachutiste mort et effrayant, qui réactive aussi l'image, indirecte, de la guerre ; soit il suggère que les enfants, et donc les hommes engénéral, ne sont que de misérables insectes qui s'imaginent investis d'un pouvoir quelconque.

Quoi qu'il en soit, letitre désigne sans équivoque le caractère dérisoire de toute représentation humaine : en assimilant le parachutiste àun monstre, les garçons se forgent une interprétation complètement fausse de la réalité.

Leur aveuglementsymbolise la condition humaine tout entière car, pour Golding, l'homme est la proie de l'ignorance et donc depseudo-dieux, tels Darwin, Marx ou Freud.

Il finit donc par adorer son propre néant puisque, dans le roman, leprétendu monstre n'est autre qu'un malheureux cadavre. Le roman retrace le processus de l'aliénation générale et, évoquant la violence des comportements, suggérant la catastrophe finale, il sanctionne les erreurs d'une espèce humaine beaucoup trop confiante dans ses proprespouvoirs alors qu'elle manifeste, en réalité, une faiblesse avilissante.

Il faudrait que l'homme réagisse et cherche à. »

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