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La Nouvelle Héloïse de Rousseau, lettre XXII, tome 2 : EXPLICATION DE TEXTE

Publié le 23/07/2012

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devant le portrait, son désir ardent sont autant d'effets de cette passion. Saint Preux idolâtre le talisman comme il idolâtre Julie, et le talisman devient un objet mystique et magique. Avec ce talisman, Saint Preux a l'illusion de posséder une partie de Julie, ce qui suscitera ses rêves, fantasmes et lui rappellera des souvenirs heureux. Il rêvera d'une union charnelle avec sa bien-aimée : le talisman permet donc un rapprochement physique imaginaire de Julie et de son précepteur. Ceci est également permis par la lettre elle-même, le lien principal entre les deux amants, dans laquelle Saint Preux peut raconter son expérience et la faire revivre à Julie. En effet, il y rapporte ses émotions et sentiments, qui semblent assez changeants et fluctuants : d'abord l'excitation, puis l'extase, la douleur, l'espoir et enfin la haine. A la fin de la lettre, les transports de Saint Preux laissent place à la souffrance due aux souvenirs et à cet amour impossible. La passion est donc source de plaisir mais aussi de malheur. Il n'y a pas d'amour heureux en réalité comme le disait Aragon. L'amour est aussi souffrance et lamentation. Les poèmes déclineront le thème à l'envie.

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rousseau

« bouche et mon cœur leur rendent le premier hommage ».

Il y a donc un véritable rapprochement physique entre les deux amants permis par le talisman, même s'il n'estqu'imaginaire.

Le talisman est en quelque sorte un témoignage non verbal de leur amour, une sorte d'emblème. Le talisman permet également de diminuer la distance entre les deux amants en ravivant les souvenirs et en développant des fantasmes.

Quand il reçoit le portrait desa maîtresse, Saint Preux croit se retrouver en sa présence, comme avant.

Cela lui rappelle donc le passé, le temps où ils étaient réunis (« … et me rappeler avec tonimage celle de mon bonheur passé »).

Ce processus de remémoration se déclenche très vite, l'effet du talisman est quasi immédiat : selon Saint Preux, « une minute,un instant suffit ».

Cette remémoration est aussi soudaine que brutale ; Saint Preux est tout de suite submergé par la force du souvenir (« Avec quelle violence il merappelle des temps qui ne sont plus ! »).

Cette force est telle que Saint Preux croit revivre ces moments passés, presque comme s'il remontait le temps, et il se souvientde ce qu'il a ressenti (« je crois me retrouver à ces moments délicieux… »).

Le portrait de Julie permet donc à son amant de se souvenir de leurs bons moments, maisaussi de raviver, de redoubler son amour pour elle en se rappelant ce qu'il ressentait en sa présence : «ô comme il ranime au fond de mon cœur tous les mouvementsimpétueux… ».

Et revivifier l'amour de Saint Preux était sans doute le but inavoué de Julie.

Par la suite, Saint Preux va vouloir transmettre son émotion à Julie.

Lesouvenir a laissé place à la rêverie, au fantasme et Saint Preux imagine un rapprochement physique entre lui et Julie : «…Ne sens-tu pas tes yeux, tes joues, tabouche, ton sein, pressés, comprimés, accablés de mes ardents baisers ?(…) ».

Aidé par ses souvenirs tendres, il laisse son imagination travailler et il va songer à uneunion charnelle, à une communion des corps à distance.

Il est persuadé que Julie ressent ses baisers, qu'une communication presque télépathique entre eux estpossible (« O Julie, s'il était vrai qu'il pût transmettre à tes sens le délire et l'illusion des miens !...

Mais pourquoi ne le serait-il pas ? »).

Selon lui, cela est possiblegrâce à la force de son amour.

Ainsi, Rousseau aborde des effets de la passion : le goût pour la rêverie, les fantasmes, la nostalgie, la remémoration… mais aussil'envie d'une union charnelle, pour réunir le corps et l'esprit. Julie annonçait dans sa dernière lettre qu'elle avait envoyé un paquet à Saint Preux contenant une amulette.

Cette amulette était censée protéger du « mauvais sort dupays galant » et « communiquer à l'un l'impression des baisers de l'autre », selon ce qu'on en disait.

Saint Preux va donc recevoir ce paquet et s'empresser de l'ouvrir.A ce moment là, il tombe en admiration devant le talisman.

L'apparition du talisman est pratiquement une apparition de Julie : « je te vois...

je vois tes divinsattraits ! ».

C'est une apparition presque religieuse ; Julie semble descendue du ciel et apparue devant Saint Preux comme par enchantement avec ses « divinsattraits », tel un ange.

La fascination de l'amant pour cette amulette est quasi mystique : « O première influence du talisman ! ».

Le « ô » marque l'émotion de SaintPreux, mais ressemble aussi à une invocation, comme s'il y avait une divinisation du talisman.

Il est utilisé également pour évoquer Julie (« O Julie ») ; on note doncun rapprochement entre les deux : Saint Preux adore le talisman comme il adore Julie.

Il voue presque un culte aux deux.

On le remarque aussi plus loin : « Mabouche et mon cœur leur rendent le premier hommage, mes genoux fléchissent...

».

Le talisman fait donc l'objet d'une réelle vénération de la part de Saint Preux ; sesgenoux fléchis évoquent une prosternation, une prière.

L'objet est même qualifié de « trésor » à deux reprises : en effet, il a une grande valeur sentimentale pour SaintPreux.

Face à cette apparition divine, Saint Preux, désarmé, va invoquer les Dieux : « Dieux ! quels torrents de flammes… ».

Il veut les prendre à témoins, leurmontrer les conséquences de la vision d'un tel présent.

Mais le talisman est aussi un objet magique.

Selon Julie, la manière de s'en servir est « bizarre » et il aurait deseffets presque fantastiques, surnaturels.

Et Saint Preux va subir ces effets.

Il a une véritable hallucination: il croira voir Julie alors que ce n'est que son image.

La vuedu talisman agit comme un véritable enchantement.

Saint Preux est envoûté par l'image de sa maîtresse et de ses attraits : « Qu'il est prompt, qu'il est puissant, lemagique effet de ces traits chéris ! » Dans La Nouvelle Héloïse, Rousseau exalte la passion et la dépeint avec lyrisme.

L'amour entre Julie et Saint Preux est pur, vertueux, irrésistible et passionnel.Rousseau peint leurs transports, leurs peines cruelles, leurs joies et leurs faiblesses d'une manière remarquable, à tel point qu'on a pu qualifier cette œuvre de véritable" hymne à l'amour ".

À l'image du couple légendaire d'Abélard et Héloïse, les deux amants connaissent une passion réciproque mais contrariée par une successiond'obstacles.

L'intensité de la passion se ressent dans cette lettre de Saint Preux.

D'abord à travers l'attachement de Saint Preux au talisman envoyé par Julie : il a hâted'ouvrir le paquet et tombe en admiration devant le portrait de Julie.

Cela déclenche une foule de réactions physiques chez le personnage : « j'ai senti palpiter moncœur », « je me suis bientôt trouvé tellement oppressé » , « mes genoux fléchissent », « arracher de mon sein mille ardents soupirs »… Ces réactions et ces émotionssont les signes d'un amour ardent.

On retrouve en effet ces manifestation de l'amour par des troubles physiques dans d'autres œuvres, telles que Phèdre de Racine,avec le célèbre « Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue ».

Puis l'amour de Saint Preux est visible lorsqu'il évoque l'apparence de sa maîtresse : on peut noter le triptyquede groupes nominaux synonymes (« divins attraits », « Charmes adorés », « traits chéris »).

Julie est ainsi sublimée par son bien-aimé qui la met sur un piédestal.

Eneffet, on remarque que, tout au long de l'histoire, Saint Preux idolâtre Julie et lui voue un culte et un amour sans bornes ; Julie n'est pas que Julie mais « divine Julie »,« un ange du ciel », « une beauté pure et céleste » etc.

Si le précepteur fait d'elle un modèle de beauté morale, il vante plutôt ses beautés physiques ici.

Julie, elle, estguidée par la raison et semble plus lucide : elle n'idolâtre pas son amant et ne l'appelle que « mon ami ».

Par la suite, on observe que la force de la passion provoquedes effets extraordinaires sur Saint Preux, aussi « prompts », « puissants » que rapides (« Non, il ne faut point, comme tu prétends, un quart d'heure pour le sentir ;une minute, un instant suffit »).

L'extase du personnage est palpable : on remarque les nombreuses phrases exclamatives qui suggèrent l'excitation (« Julie !...

ô maJulie ! » par exemple).

De plus, l'amour semble dépeint de manière exagérée, démesurée, pour évoquer son caractère exceptionnel.

Saint Preux amplifie les choses aumoyen de plusieurs hyperboles (« mille ardents soupirs », « un si précieux trésor »…) et son bonheur comme sa douleur paraissent exagérés, tout comme sa réactionfinale à l'arrivée d'un « importun » (« un importun !...

Maudit soit le cruel qui vient troubler des transports si doux !...

Puisse-t-il ne jamais aimer...

ou vivre loin de cequ'il aime ! »).

Enfin, on remarque que la passion s'accompagne d'un désir intense, et même ardent : le champ sémantique du feu suggère cet amour enflammé :« ardents soupirs », « torrents de flammes » , « mes ardents baisers » , « embraser tout entière du feu de mes lèvres brûlantes ».

Cependant, ce désir physique ne peutêtre satisfait dans la réalité et il y a peu de place au corps dans la relation des deux amants.

Le désir est frustré, mais cette frustration semble jouer le rôle d'unaphrodisiaque : comme le dira Julie dans la lettre VIII de la sixième partie « Malheur à qui n'a plus rien à désirer ! (…) On jouit moins de ce qu'on obtient que de cequ'on espère… », le désir inaccompli entretient la passion.

Le talisman est également un aphrodisiaque puisque il permet à Saint Preux d'imaginer qu'il possède lecorps de Julie.

Ainsi Le désir ne peut être contenté que par l'imaginaire, le fantasme. Cependant, l'amour qui anime les deux personnages est un amour interdit.

Leur passion réciproque est contrariée par une succession d'obstacles.

Au nom de la vertu,et à cause des nombreux interdits de la société et du père de Julie, Julie et Saint Preux ne peuvent être réunis.

Ils se consolaient en se voyant régulièrement mais leurpassion a été découverte par le père de Julie et Saint Preux a dû s'exiler.

L'éloignement est alors un nouvel obstacle à leur amour.

Mais la correspondance permet deréduire cette distance, tout comme les objets qu'ils s'envoient.

Or, cela ne comble pas les deux amants, et le talisman envoyé par Julie va être à la fois source de plaisirmais aussi paradoxalement source de souffrance pour Saint Preux.

Après son extase devant le portrait, il se met à se lamenter sur son sort : « Pourquoi faut-il que lajoie de posséder un si précieux trésor soit mêlée d'une si cruelle amertume ? ».

Cette contradiction entre le plaisir et la souffrance est soulignée par des termesopposés (« joie »/ « amertume », « délicieux »/ « malheur ») et par une antithèse (« le ciel m'a donnés et ravis »).

En possédant une partie de Julie, Saint Preux serappelle qu'il ne peut pas la posséder entièrement, mais aussi qu'il y a une distance entre eux (« toute la douleur de l'absence se ranime »).

Ses souvenirs remontent àla surface en redécouvrant le corps de sa bien-aimée et le rendent malheureux, car le bonheur est du côté du passé tandis que le présent n'est que malheur : « cesmoments délicieux dont le souvenir fait maintenant le malheur de ma vie ».

On remarque ainsi que l'excitation du début retombe pour faire place à la tristesse : la finde la lettre la laisse transparaître avec les cris de désespoir de Saint Preux (« Hélas ! », « Dieux ! »…), en opposition avec ses questions pleines d'espérance maisutopiques (« Pourquoi des impressions que l'âme porte avec tant d'activité n'iraient-elles pas aussi loin qu'elle ? »).

Les exclamations ne sont plus des exclamations dejoie comme au début de la lettre mais des cris de douleur, de chagrin.

Saint Preux se compare aux « malheureux dont on n'interrompt les tourments que pour les leurrendre plus sensibles » : il se lamente sur son sort et donne le sentiment que des forces se liguent contre lui, que le destin , ou dieu (le « on » n'est pas défini) est cruelet sadique.

Saint Preux se plaint et semble se plaire dans la complainte On a également l'impression que tout le monde s'oppose à leur amour.

En effet, Saint Preuxrapporte à la fin de sa lettre l'arrivée d'un individu (« Ciel ! qu'entends-je ? Quelqu'un vient...

») et cet individu interrompt les émotions de Saint Preux, brise sonintimité et le contraint à dissimuler le portrait (« Ah ! serrons, cachons mon trésor...

»).

Cette personne est donc qualifiée d' « importun » par Saint Preux : c'est unintrus, un gêneur, qui empêche les sentiments de s'épancher.

On peut alors le mettre en parallèle avec le père de Julie qui, lui aussi, interdit à l'amour d'être vainqueur.L'importun et le père sont liés puisqu'ils sont tous deux des obstacles à la passion des amants.

Alors Saint Preux souhaite à l'intrus de connaître la pire des chosesselon lui : « Puisse-t-il ne jamais aimer...

ou vivre loin de ce qu'il aime ! ».

On retrouve ce thème de l'éloignement, de la distance (« vivre loin ») qui semblent le pluspénible pour Saint Preux.

La réaction de Saint Preux face à cet opportun est donc plutôt violente puisqu'il le maudit et lui souhaite le pire, comme s'il avait faitquelque chose de grave. En conclusion, cette lettre est une lettre de la passion, où transparait la force de l'amour de Saint Preux.

Ses réactions physiques, le culte voué à Julie, son extase. »

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