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Les nouvelles technologies nous aliènent-elles ?

Publié le 22/02/2012

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À des fins désintéressées : il s'agit là d'un usage que l'on croirait primordial, de l'écriture : livres, poésie, théâtre, lettres d'amour, etc. Tout ce par quoi l'écriture a su se montrer indispensable. Ses fins, ses intentions sont ici désintéressées (en principe), donc généreuses : celui qui écrit ne rêve pas de conquérir l'autre, d'exercer un pouvoir (en prin-cipe...). Mais l'écriture permet aussi de rédiger les lois, les décrets, les formulaires, les codes de toutes natures qui définissent droits et devoirs, les avis de mobilisation générale, etc. : bref tout ce qui permet aux hommes d'aujourd'hui de vivre «emprisonnés».

« à thèmes (sport, météo, etc.), stations diffusant du matin au soir de la sous-musique et de la chansonnette qui ne permet même pas d'apprendre une langue étrangèrecorrectement...On a donc plutôt le sentiment que les nouvelles inventions du siècle contribuent à renforcer les écarts et que ceuxqui sont victimes de l'écriture sont aussi les victimes de l'informatique ou de l'audiovisuel.

Être victime, c'est d'abordêtre dans la situation de consommateur passif : au mieux on déchiffre l'écrit, mais on ne le pratique pas, de mêmeon comprend une langue mais on ne la maîtrise pas assez pour s'en servir d'instrument d'illumination...

La victimesubit l'écrit, les journaux à quatre sous, les magazines, les publicités, sans avoir à opposer un contre-barrage ; demême elle consomme le son et l'image sans chercher à comprendre ni maîtriser quoi que ce soit L'image, le son sontutilisés par des gens qui, eux, savent être actifs : abrutir un public pour le transformer en veau, choisir si possibleune «cible» (le mot des publicitaires est bien choisi.

Est-ce de l'inconscience ou du cynisme ?) jeune, faible,incapable d'opposer la moindre résistance à ce qu'elle voit et entend, pour qu'elle absorbe les messages et l'idéologiequ'on entend lui inculquer.

Regrettons encore que, comme l'écrit, le son et l'image servent d'abord à vendre,écerveler, manipuler, endoctriner plutôt qu'à convaincre, aider à comprendre le monde qui nous entoure ; bref quecela serve à créer des esclaves et non des êtres intelligents et plus ouverts.

Reste à savoir si l'audiovisuel en soiest porteur d'un tel pouvoir, ou s'il ne s'agit que d'un usage ponctuel et vicieux.

La même question peut, bienentendu, se poser pour l'écriture.A priori on imagine que l'écriture fut inventée (comment ? le mystère reste entier) pour faciliter la communicationentre les individus, mais cette fonction, le langage oral ne l'assumait-il pas parfaitement ? On peut donc supposerque la première destination de l'écrit c'est la durée.

L'oral est lié au monde du mouvant, de l'individu qui transmet àautrui la bonne parole, à l'instable ; ce que l'on dit se déforme peu à peu quand c'est répété longtemps après ; lafantaisie de chacun intervient.

Toute une littérature (dite orale) s'est développée de la sorte jusqu'à une époquerécente.

Elle permet les variations les plus personnelles, le conteur intervient à sa guise, interprète, joue avec sonauditoire.

On voit l'intérêt esthétique ; on perçoit les dangers politiques d'une telle pratique.

Les lois, orales, nesauraient être que fluctuantes, hasardeuses, hésitantes.

On imagine les «palabres», terme toujours utilisé pour lessociétés africaines ignorant encore l'écriture, les discussions que cela entraîne ; en somme, la liberté.

L'écrit coupe court à tout cela et donne aux choses, aux pensées, une forme unique: on grave des inscriptions dans la pierre pour être plus sûr.

La civilisation ainsi maîtrise mieux son passé et entredans la durée.

L'imprimerie, à l'aube des temps modernes, renchérit encore : récriture manuelle permet des fantaisies; l'imprimerie, c'est le texte officiel, sûr, unique, dûment estampillé, reproduit à des milliers, bientôt des millionsd'exemplaires.

Certains rêvent tout de suite de l'usage qu'ils en feront : un livre unique comportant tout ce qu'il fautdire, écrire, penser, à imposer aux autres.

Les scribes qui se réfèrent aux sources du savoir transmettront leursconnaissances aux inférieurs.

Les sociétés modernes naissent : hiérarchisées, fondées sur le savoir.

Au sommet,l'élite ; en bas, les ignares privés de lumière, condamnés à obéir.

D'où le rêve de certains esprits éclairés, dès lesiècle dit des Lumières : pourquoi, cette connaissance, ne pas la donner à chacun ? L'écriture, de dominatrice etautoritaire qu'elle était, deviendrait l'instrument de liberté et d'égalité par excellence : un privilège cesse d'en êtreun, partagé par tous.

L'écrit, devenu commun, cesserait d'être un instrument de pouvoir.

Ainsi, plus tard, naquitl'école pour tous. Le beau rêve est-il mort, cent ans après Jules Ferry ? Certes chacun ou presque sait lire et écrire.

Encore faut-ilsavoir quoi.

Ce n'est pas indifférent, loin de là.

Comment pourra-t-on parler d'égalité, non seulement tant quecertains ignoreront la lecture et récriture mais même tant qu'un grand nombre d'entre nous se verra interdire toutaccès à une certaine forme d'écrit, la plus haute, faute de maîtriser complètement la langue ? Peut-on se résigner,comme on le fait trop souvent à l'école, à refuser à certains l'accès aux connaissances sous le fallacieux prétexteque cela ne les intéresserait pas ou que c'est trop difficile pour eux ? N'est-ce pas solution de facilité que de secontenter d'étudier des bandes dessinées ou des magazines ? Certes Marcel Proust n'est pas nécessairement lecritère universel de culture, mais les Trois Mousquetaires, de Dumas, peuvent satisfaire un très large public. Rêvons-nous si nous affirmons que ce public, arrivé au terme de cette lecture, se sentira plus satisfait de lui-mêmequ'à la fin de la projection du dessin animé japonais traitant, de loin, le même sujet ? N'éprouvera-t-il pas non plusun indicible plaisir à écrire des sentiments, des événements qui lui tiennent à coeur ? Écrire n'est pas un «pensum»,ce peut être une nécessité.

C'est aussi, ce doit être un besoin vital, un élan.

À quand des lettres d'amourobligatoires dans les programmes des lycées ? Il en est de même dans les autres domaines que récrit : celui qui maîtrise l'ordinateur peut se sentir plus heureuxque celui qui se sent écrasé par lui.

N'oublions pas que cet objet si redouté est là pour être à notre service, pournous faciliter la vie, et non pour nous la rendre plus insupportable.

Ce n'est pas un but, comme l'écriture d'ailleurs,mais un moyen.

Que certains ne s'en soient pas aperçu est un autre problème.

Ni l'écriture ni l'informatique n'ont devocations totalitaires innées, ni plus ni moins que la médecine par exemple : tant pis pour les Diafoirus, le médecinn'est pas un dictateur qui impressionne les Argan mais un homme généreux au service des autres, commel'enseignant et quelques autres (du policier au chef de gare) : que certains croient bon de transformer en pouvoirleur savoir, c'est leur affaire (ou plutôt le fait de certaines sociétés qui y voient leurs bénéfices), cela ne doitnullement déteindre sur les choses ni les fonctions...

L'écriture peut être un moyen de libération si elle nous permetde sortir de nous-mêmes des choses que nous ignorions.

Les moyens audiovisuels aussi pour celui qui sait être actif,et les utiliser pour son épanouissement personnel et celui des autres.

L'image est dangereuse, certes ; les motsaussi.

Les unes et les autres peuvent tuer.

Ils ne tuent vraiment qu'un public non averti, maintenu en enfanceintentionnellement.

Un public qui a les «clefs», qui connaît les pièges de la rhétorique saura garder toute sa liberté.. »

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