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Peut-on parler d'une liberté intérieure ?

Publié le 24/07/2009

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On peut donc bien parler d'une liberté intérieure, si l'on entend par cette expression, non pas une volonté creuse et solitaire se repliant sur elle-même et ignorant toute intervention dans le monde ou dans l'espace public, mais le mouvement par lequel un sujet tente de se hausser au niveau d'une existence signifiante et comblée par son propre pouvoir de réflexivité. Parler de liberté intérieure, c'est évoquer le pouvoir créateur du sujet (" intérieur " voulant désormais dire "subjectif ") qui, en constante relation avec le monde et les autres, constitue le sens du monde et les déterminations par lesquelles ce monde agit sur le sujet, se libérant ainsi des souffrances imaginaires. Le risque de dualisme est évacué puisque la volonté désirante n'est plus opposée au monde mais le réfléchit d'une manière neuve et significative. Du coup, le sujet n'est plus comme à distance du monde, l'individu n'est pas à opposer au citoyen, la liberté du sage n'est pas en contradiction avec celle du citoyen ou de l'homme de l'action, quelle que soit par ailleurs la scène sur laquelle se déploient les différentes figures possibles de l'action. La liberté intérieure renvoie à cette dimension fondamentale de la conscience humaine qui est aspiration à la liberté et au bonheur. Si la démocratie constitue la forme la plus parfaite de la liberté politique, elle est d'abord à chercher au coeur même de cette aspiration fondamentale qui est précisément celle du désir.

 

« contraintes et des nécessités extérieures, limite où se manifeste le pouvoir grisant de la volonté qui s'impose àl'ordre imposant des choses. Cette notion de liberté intérieure est sous-tendue par une opposition radicale entre volonté et nécessité, sujet etobjet.

L'adjectif " libre", pris dans son acception commune, définit ce qui agit sans empêchement, de même quel'intérieur a trait à tout ce qui émane du sujet et de lui seul - ses désirs, ses passions, sa volonté.

Une telleapproche considère le sujet comme une entité auto-suffisante, une monade solitaire et, par liberté, il convient alorsd'entendre l'indépendance, l'absence de liens ou la possibilité permanente de se délier. Lorsque Calliclés, dans Gorgias de Platon (491 e-492d), définit la liberté comme poursuite frénétique du plaisir, renouvellement incessant des jouissances, élan du désir qui cherche sa satisfaction et dont l'accomplissementconstitue le bonheur, il se fait le défenseur d'une liberté sans entraves consistant à faire ce que l'on veut, libertéqui doit ne rencontrer aucun obstacle et ne pas se heurter à la résistance d'autrui.

Liberté donc purement intérieurequi exprime non point la soumission à une valeur transcendante et extérieure à l'individu (la tempérance socratique,par exemple), mais l'accomplissement de la nature profonde de l'individu sous la forme des désirs et des passions.

Laliberté intérieure que prône Calliclès est la liberté individualiste et égoïste de l'homme fort qui renvoie à unedistinction fondamentale entre l'ordre naturel, censé incarner un modèle, et l'ordre conventionnel, celui de l'artificedes lois et des institutions sociales.

Conception qui aboutit à une apologie de la tyrannie, puisque pour parler deliberté intérieure en ce sens-là, il faut neutraliser, fût - ce par la force, le mensonge ou la ruse, la contrainteextérieure que représente autrui. Ici, la liberté extérieure désigne une liberté factice, illusoire, inauthentique, une soumission à la contrainte artificiellede la société, exprimant lâcheté et démission du sujet qui préfère sacrifier ses passions plutôt que d'avoir le couragede les assouvir.

La liberté extérieure s'incarne donc dans la liberté politique, entendue comme obéissance aux loisrationnelles de la cité, et dans la liberté morale, conçue comme capacité à se maîtriser soi-même (la tempérancesocratique).

" Extérieur" veut dire apparent, superficiel, conventionnel, social, par opposition à "intérieur" qui renvoieà naturel, authentique, profond, caché.

L'extérieur relève du fait, tandis que l'intérieur symbolise la norme.

Parler deliberté intérieure, c'est donc établir une différence de nature entre l'individu et la société, la nature et laconvention, le désir et la loi. Mais s'agit-il vraiment de ce pouvoir inouï de la volonté dont nous étions partis? En réalité, une telle forme de libertécorrespond plutôt à ce qu'on appelle la spontanéité.

En effet, la volonté implique quelque chose de plus que lasimple faculté d'agir sans contrainte extérieure.

Dans l'idée que la liberté intérieure serait le pouvoir de faire ce qu'onveut, le vouloir peut recouvrir simplement le caprice ou la passion, c'est-à-dire la spontanéité irréfléchie de l'enfantou de l'homme esclave de ses désirs.

Et c'est bien, d'une certaine façon, ce que montre Socrate, dansl'argumentation croisée qu'il oppose à Calliclès.

La liberté intérieure dont parle Calliclès ne peut pas être considéréecomme l'essence même de la liberté, dans la mesure où il s'agit d'une liberté fruste, illusoire.

L'homme du désir le plusfort n'est en définitive que l'esclave de son ambition et de ses passions.

Dès lors, on ne peut sans doute pas parlerde liberté intérieure au sens où Calliclès entend cette notion. Or, nous enseigne Leibniz, une action, pour être libre, ne doit pas seulement être spontanée mais encore délibérée.Une nouvelle définition de la liberté intérieure se dessine : non plus le pouvoir capricieux d'une volonté qui se croittout permis, mais une activité réfléchie et maîtresse d'elle-même.

Leibniz parle de la liberté de vouloir, c'est-à-direde " la puissance de vouloir comme il faut " ( Nouveaux essais, II, 21, 8 ).

La liberté intérieure est celle qui traduit en actes les décisions de la volonté.

Leibniz nous invite à opposer la liberté de la volonté à "l'imperfection ou àl'esclavage d'esprit" (ibid.).

Cette dernière désigne une " contrainte, mais interne, comme celle qui vient despassions" (ibid.).

Une telle contrainte interne est qualifiée par Leibniz de "coaction", en ce qu'elle figure une actionqui accompagne celle de la volonté : action des instincts, des passions, des désirs, qui sont quelque chosed'intérieur, au sens de psychique, comme la volonté, mais qui appartiennent à une spontanéité irréfléchie. Mais, poursuit Leibniz, la liberté intérieure, comme "puissance de vouloir comme il faut", est à entendre aussi en undeuxième sens.

Il ne s'agit plus uniquement du rapport de la volonté aux mobiles sensibles, mais de la volonté "dansson rapport avec l'entendement" (ibid.).

Serait libre une volonté qui choisirait ce que l'intelligence et la raison luidémontrent clairement être le meilleur parti.

Une volonté libre est une volonté qui, dans sa délibération, choisit lesdéterminations rationnelles.

On est donc loin de la liberté fruste et illusoire du début et l'intériorité, qui était censéeincarner, dans une première approche, le sujet solitaire et authentique, signifie plutôt, dans cette nouvelleperspective, un propos narcissique de repli sur soi. Pouvoir de délibérer, de choisir comme il faut, la liberté intérieure, dans sa dimension problématique, nous permet deformuler une tension permanente et récurrente dans l'histoire de la pensée humaine et qui, comme on le verra, estau coeur de l'idée même de sagesse.

Cette tension incoercible, c'est celle du sujet ou de la conscience dans sarelation avec le monde phénoménal, que l'on nomme cette dualité matière-forme, nécessité-contingence, sujet-objet.

L'idée d'une liberté intérieure se situe au carrefour d'une interrogation à la fois métaphysique et éthique où laquestion du même et de l'autre, de l'un et du multiple se pose dans l'horizon d'une réflexion sur la subjectivité et lebonheur. En effet, les stoïciens sont sans doute les premiers philosophes à tenter de définir une liberté intérieure qui ne soitpas pure contingence, aveuglement à l'endroit de la causalité extérieure, mais capacité, pour un sujet souverain,affranchi des bornes étriquées du moi passionnel, de sculpter sa propre vie dans le sens de la vertu, de l'idéal moral. »

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